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Le livre "Les fêtes et les rites des Vietnamiens" de Nguyên Văn Huyên, publié par la Maison d’édition Nha Nam. |
L’auditorium de l’Espace était rempli pour écouter la discussion des intervenants, à savoir le chercheur culturel Phan Câm Thuong ; le Dr Nguyên Quang Hung, directeur adjoint du Centre national de recherche des religions contemporaines (de l'Université des sciences sociales et humaines de Hanoï), et l'"Enseignant du Peuple" Nguyên Lân Dung, qui est accessoirement le gendre de Nguyên Van Huyên.
Les recherches de Nguyên Văn Huyên sur la culture vietnamienne ont toujours été très appréciées par les historiens du pays. La Maison d’édition Nha Nam a rassemblé une partie de son œuvre entamée en 1941 et écrite originellement en français, dans une édition intitulée Hôi hè lê Têt cua nguoi Viêt (Les fêtes et les rites des Vietnamiens) pour les lecteurs vietnamiens. Cette œuvre vient ainsi se greffer à La civilisation annamite (écrite en 1944
par l’auteur), publié en novembre 2016 par la Maison d’édition Nha Nam.Fêtes et rites, l’essence de la culture vietnamienne
Animée par le Dr Mai Anh Tuân, la table ronde "Les fêtes et les rites au Vietnam" est divisée en deux grandes parties : les fêtes traditionnelles, et les rites et pratiques religieuses des Vietnamiens.
En guise d’introduction, le spécialiste Phan Câm Thuong a fait une petite synthèse de toutes les fêtes vietnamiennes ancrées dans la culture traditionnelle du pays. Il a précisé en plus que les Français avaient tous assimilé le calendrier lunaire pendant la période coloniale.
"Le calendrier lunaire suit simplement les saisons agricoles. On a le Têt Thanh Minh (le 3e jour du 3e mois lunaire) pour visiter les tombes, le Têt Doan Ngo (le 5e jour du 5e mois lunaire) qui rappelle la plus chaude journée de l’année, le Têt Vu lan (le 15e jour du 7e mois lunaire) pour la prière en faveur de tous les âmes errantes, le Têt de Mi-automne (le 15e jour du 8e mois lunaire) pour les enfants afin de célébrer la récolte, sans compter le Têt traditionnel de la minorité Muong (le 10e jour du 10e mois lunaire), etc. Têt vient du mot +tiêt+, c’est-à-dire changement ou célébration".
Les intervenants ont remarqué ensuite que les premières recherches sociologiques étaient apparues dans le pays au XVIIIe siècle, via ensuite les œuvres de Phan Kê Binh, Dào Duy Anh et Luong Duc Thiêp. Mais le travail de Nguyên Van Huyên a insisté sur les modifications et adaptations de tous les éléments venus de l’extérieur dans leur processus d’assimilation par la culture vietnamienne.
"Les génies au Vietnam viennent de la Chine, mais aussi d’autres influences étrangères. Ici, les Vietnamiens ne pratiquent des cultes et rites que pour leurs propres héros, fées et génies dans les contes, légendes ou histoires", a partagé le Dr Nguyên Quang Hung. D'après ce dernier, Nguyên Van Huyên a remarqué en plus la dominance exceptionnelle des génies féminins au Vietnam : c’est sans doute là les traces du culte des Déesses-Mères, notre patrimoine reconnu par le monde entier.
Une analyse exhaustive et pointue
De gauche à droite : le chercheur culturel Phan Câm Thuong, les Docteurs Mai Anh Tuân et Nguyên Quang Hung à la table ronde. |
Les intervenants ont précisé ce qui fait la particularité du livre de Nguyên Van Huyên : une méthode de recherche très occidentale consistant à analyser sur place les observations et statistiques en ayant le regard le plus neutre possible.
Du point de vue sociologique, le Dr Nguyên Quang Hung a félicité Nguyên Van Huyên pour avoir appliqué les méthodes de grands auteurs, tels que Max Weber, Samuel Huttington, Trân Trong Kim ou Thich Nhât Hanh, dans la rédaction mais aussi dans la recherche approfondie sur plusieurs sujets.
"Les anciens auteurs comme Phan Kê Binh ou Dào Duy Anh étaient des disciples du confucianisme. Ils n’ont fait aucune recherche sur place, leurs œuvres étaient simplement un recueil de constatations, a ajouté le spécialiste Pham Câm Thuong. Nguyên Van Huyên a, lui, utilisé ses propres savoir-faire via les pratiques et observations, sans négliger les clichés préexistants. Son premier article sur la fête du Nouvel An lunaire, le Têt, étale parfaitement sous les yeux tous ses caractères festifs".
Les intervenants ont toutefois eu un avis divergent sur ce point. Étant d’accord sur le fait que Nguyên Van Huyên avait bien analysé les pratiques des Vietnamiens à l’époque, le Dr Mai Anh Tuân a estimé que cet ouvrage était trop descriptif, sans conclusion concrète.
Une analyse que ne partage pas le Dr Nguyên Quang Hung, affirmant que "ce style permet au public d’avoir ses propres visions, lorsque lesdites recherches étaient plus ou moins ponctuelles. Notre culture a accueilli, modifié et sauvegardé plusieurs éléments étrangers : certains sont importants, d’autres pas. Une telle conclusion n’appartient pas à l’auteur, mais en fait à l’histoire".
Nguyên Van Huyên, un intellectuel reconnu de tous
Né à Hanoï en 1908, Nguyên Van Huyên a suivi ses études en France. Il a obtenu sa Licence de droit en 1931, puis son Doctorat en littérature française en 1934 à l’Université de la Sorbonne. Depuis, il a publié en français de nombreuses recherches sur la civilisation au Vietnam et en Indochine.
En 1935, il a été nommé directeur de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO). En novembre 1946, il est devenu le deuxième ministre de l’Éducation de la République démocratique du Vietnam, poste qu’il a occupé pendant 28 ans jusqu’à sa mort en 1975. Il est le pionnier de la sociologie du Vietnam.
Nguyên Van Huyên a reçu le Prix Hô Chi Minh en sciences sociales et humaines à titre posthume en 2000.
Dang Duong/CVN