Printemps, «ce mot signifie jeunesse, amour, chanson et tout ce qui est beau dans la vie», rimait Longfellow. Nous pourrions emprunter ce vers au poète américain pour parler de nos ca dao, vieilles chansons populaires, qui se chantent souvent à l’occasion des fêtes villageoises du printemps. Ces «Volkslieder» (chants populaires) disent les joies et les peines du peuple. L’amour y tient une grande place.
À l’occasion du Têt, Nouvel An vietnamien, nous vous offrons un choix de ca dao relatives à l’amour. Marivaudage paysan, discret et touchant, lié aux rizières verdoyantes, à l’embarcadère du banian, à la mare de la pagode, au bétel grimpant autour de l’aréquier aux fleurs blanches des pamplemoussiers...
Le printemps, c'est la saison des fêtes culturelles. |
L’oiseau bleu mange la mangue verte.
Il mange bien, il prend un bain frais et se pose sur la branche d’un banian.
Moi, la petite sœur (1), je n’en peux plus, je dois le dire.
J’attends la lune, la lune décline.
J’attends la fleur, la fleur se fane.
Note : petite sœur (em) = l’amante.
Je suis pareille à une pièce de soie rose.
Frémissant au milieu du marché et qui ne sait entre les mains de qui elle va tomber.
Assise, je m’appuie contre une branche de bambou d’ivoire, contre une branche d’abricotier.
À l’Est c’est le pêcher, à l’Ouest le saule. De qui serai-je l’amie ?
Je suis pareille à une noix armée de piquants
À l’intérieur l’amande est toute blanche. L’écorce est toute noire
Et bien, goûtez-y et vous verrez !
Ce n’est qu’après y avoir goûté qu’on saura que je suis douce et fondante.
L’eau suit le courant, le poisson le remonte
L’eau remonte le courant, le poisson nage en travers
Mon sampan descend vers le port de Thuan-An
Votre sampan, frère aîné, remonte, hélas, vers les montagnes !
2e vers : «l’eau remonte le courant,» sous-entendu avec la marée.
Je voudrais bien vous suivre
Mais j’ai peur que vous soyez pauvre et qu’après vous me vendiez.
Si je vais avec vous, qu’aurai-je à manger ?
Les pousses de manioc sont amères et les bourgeons de sycomore desséchés.
Si je vous prends, nous n’avons ni porte ni maison.
Ni père, ni mère, personne sur qui nous reposer.
Plusieurs fois par jour, je dois gravir la montagne
Comment pourrais-je encore être belle et fraîche, dis-le moi.
Il aurait mieux valu ne pas se connaître,
Se connaître, avoir déjà des liens, et à mi-chemin se séparer.
Une berge du fleuve s’érode, l’autre gagne en alluvions.
Un seul poisson nage et plusieurs lancent l’hameçon.
L’aile de l’oiseau Hông plane dans le ciel d’automne.
J’ai pitié de la tourterelle qui roucoule dans la cage.
Si c’était un mariage heureux, elle aurait déjà un enfant dans chaque bras.
J’ai pitié de celle qui languit toute seule dans sa chambre.
Je grimpe sur le pamplemoussier pour cueillir des fleurs.
Je descends au champ d’aubergines pour cueillir des boutons de rose sauvage.
Les boutons de rose sauvage ont de fraîches couleurs.
Mais la demoiselle a déjà un mari. Comme je le regrette !
- Une feuille de bétel bien piquante ne coûte que trois sapèques.
Pourquoi ne m’avez-vous pas demandée aux jours où j’étais encore libre ?
Maintenant, j’ai déjà un mari.
Je suis comme un oiseau dans la cage, un poisson qui a mordu à l’hameçon.
Le poisson qui a mordu à l’hameçon ne sait que faire pour se libérer.
L’oiseau dans la cage, quand pourra-t-il sortir ?
5e vers : offrir une chique de bétel équivaut à une déclaration d’amour.
6e vers : au jour où j’étais encore libre, littéralement, où j’étais encore «non».
C’en est fini de l’ancien embarcadère du banian.
La barque sert un autre bac, pourquoi rester assis ?
Pour attendre qui ?
L’autre jour je suis venu en visite chez vous.
J’ai vu votre mère dans un hamac, votre père sur un lit.
Je vous ai vue étendue sur la terre et j’ai eu pitié de vous.
Je suis allé à la ville commander un lit à huit panneaux.
J’ai fait incruster d’or les quatre coins,
Inscruter d’argent les quatre pieds.
Et ciseler de dragons les huit panneaux.
Et maintenant il faut laisser le lit dans un coin, inutile.
Vous allez vous marier, mes peines sont perdues…
Si vous m’aimez, aimez moi vraiment.
Si vous ne m’aimez pas, il faut le dire.
Pourquoi toujours différer comme on ajourne une dette, c’est encore plus triste.
À la pagode, là haut, les cloches déjà s’ébranlent.
Les coqs du village de Tho Xuong chantent déjà et les oiseaux se font entendre dans les forêts de la montagne.
Si on aime, il faut le dire.
Si on n’aime pas, mieux vaut le dire une fois pour toutes.
Pourquoi n’être ni clair ni trouble.
Comme le bouillon de moules et, faire se consumer mon cœur ?
Sur la sapèque «Van lich», quatre caractères d’or sont gravés.
Engagé avec la demoiselle depuis si longtemps, je regrette mes peines.
Maintenant où êtes vous allée prendre un mari ?
Je vous offre en cadeau de noces cent noix d’arec et mille taels d’or en papier votif.
Les cent noix d’arec, c’est pour racheter votre dette.
Les mille taels sont pour dégager notre serment.
Dans le temps, vous parliez et vous parliez,
Vous juriez et vous juriez.
Maintenant, vous brisez le cadenas et à qui livrez-vous la clef ?
Maintenant, qui avez vous écouté ?
Vous me rencontrez, vous inclinez le chapeau conique. On se touche de l’épaule et vous ne daignez même pas me saluer.
1er vers : «Van Lich» est le nom d’une dynastie
Pas de chance en amour ! Pas de bonheur, un vieux mari !
Quand je sors, on demande : c’est le père ou le mari ?
Le dire, ça me fait mal au cœur.
C’est la dette des vies antérieures. Ce n’est pas mon mari.
C’est à cause de vous que je dois patauger pour chercher des crabes.
S’il n’y avait que moi, je vivrais avec quelques sapèques.
C’est à cause de vous que je dois peiner.
Si j’étais seule, tout s’arrangerait bien vite.
TRADUCTION DE HUU NGOC ET D’ALICE KAHN