>>Huit femmes sur dix victimes de harcèlement sexuel dans l'espace public
>>Respect ! my body ! : Pour mieux protéger les enfants
Un officier de police présente à la presse le matériel "d'enquête" utilisé lors de l'audition de jeunes enfants dans la nouvelle salle d'audition des mineurs, le 16 octobre, au commissariat central de Marseille. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Avec plus de 1.400 dossiers par an, la brigade des mineurs de la cité phocéenne est la plus importante de France, derrière celle de Paris. Mais obtenir le témoignage d'un enfant est toujours un défi. Surtout en matière de viol ou d'agression sexuelle, quand l'agresseur est très souvent un proche.
"L'idée de cette salle est d'établir une relation de confiance, dans un environnement apaisé, pour les plus petits, les enfants de 3 à 8 ans environ", explique mercredi 16 octobre David Brugère, le patron de la sûreté départementale des Bouches-du-Rhône, en dévoilant cette nouvelle salle installée au sein même de "l'Evêché", le QG de la police marseillaise.
Pocahontas, Peter Pan, Nemo : sur les murs aux couleurs pastels, des affiches de films de Walt Disney. Des jouets un peu partout. Un tableau blanc accroché. Et une table, où l'enquêteur va écouter l'enfant. "Mais on peut aussi s'asseoir par terre, sur le tapis, pour nous mettre à leur hauteur", explique Anne, qui fait partie des quelque 20 enquêteurs de la brigade des mineurs de Marseille.
Derrière une glace sans tain, un second enquêteur déclenche la caméra, positionnée dans un angle de la pièce, afin de filmer intégralement l'entretien. Il peut zoomer, changer d'angle. La table, transparente, permet d'analyser le langage corporel de l'enfant, au delà de son visage. Les deux policiers, en permanence en relation via leurs oreillettes, mènent l'entretien en binôme.
Flambant neuve, cette salle a coûté environ 25.000 euros, dont 2.300 apportés par l'association Parole d'enfants, très souvent partie civile dans ce type de dossiers. "Avec cet espace à Marseille, Il y a désormais une cinquantaine de salles +Mélanie+ en France, du nom de cette fillette, dans les années 90, qui avait dû subir une douzaine d'auditions, à répéter sans cesse son agression", explique Joanny Moulin, le président de cette association, présent à "l'Evêché" mercredi 16 octobre.
Des poupées très humaines
La nouvelle salle d'audition des mineurs, le 16 octobre, au commissariat central de Marseille. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Ces salles servent à éviter l'invraisemblable parcours du combattant que vivaient ces enfants", insiste M. Moulin, par ailleurs avocat : "l'entretien est filmé, puis il est versé au dossier, et chaque acteur de la procédure judiciaire peut le consulter, sans devoir entendre à nouveau la victime".
"La parole de l'enfant doit être recueillie avec le plus de précision possible, notamment pour qu'elle ne soit pas remise en cause", confirme Brigitte Lanfranchi, premier vice-procureur de Marseille et responsable du parquet des mineurs.
Pour Anne et les enquêteurs marseillais, l'outil est appréciable : "il y a une dizaine d'années nous avions juste une pièce avec une affiche des 101 Dalmatiens et un caméscope en panne... Certains préféraient aménager leur bureau, avec un canapé et quelques jouets. Mais pour les enfants, ça restait un bureau, avec le cliquetis de l'ordinateur, les coups de fil intempestifs, le collègue qui fait irruption sans prévenir!"
Pour libérer la vérité, il y a donc ce nouvel environnement, apaisant. Et quelques jouets, apparemment banals. Comme ces pièces de puzzle, torse, bras, jambes, visage, parties génitales, que l'enfant peut choisir, avec ou sans vêtements. Quand les mots manquent pour s'exprimer.
Dans un coin de la pièce, quatre poupées de chiffon. Deux adultes, deux enfants. Homme, femme, garçon, fille. Orifices génitaux, pénis, anus, bouche : sous les vêtements, derrière le jouet, la réalité anatomique. À l'enfant de reconstruire le traumatisme vécu, de reconstituer la scène, devant l'enquêteur et sous le regard de la caméra, discrète mais bien là.