Porc : la peste africaine, un fléau pour la filière

Depuis son arrivée en Asie du Sud-Est il y a quelques années, la peste porcine africaine a ravagé des millions d’élevages familiaux. Elle menace tout le système de production et la vie des éleveurs.

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Jusqu’en mai 2020, environ six millions de porcs ont été abattus au Vietnam provoquant une perte de 12.000 milliards de dôngs.
Photo : VNA/CVN

L’envahissement de la peste porcine africaine (PPA) en Chine en 2018 a été la première étape d’une diffusion extrêmement rapide de l’épizootie en Asie notamment en Asie du Sud-Est, paralysant le secteur de l’industrie porcine et provoquant une crise socio-économique sans précédent dans les pays de cette région.

Un cheptel décimé

La PPA est officiellement entrée au Vietnam en février 2019 dans la province de Hung Yên (Nord) avec deux foyers épidémiques. Le virus s’est ensuite propagé dans le pays à une vitesse fulgurante et avait infecté l’ensemble de ses 63 provinces sept mois plus tard. Ce fut aussi le début de la catastrophe épidémique historique qu’ont subie les éleveurs vietnamiens.

Cette épizootie existe depuis un siècle, effrayant le monde entier en raison de sa propagation rapide, par de nombreuses voies, mais il y a encore quelques mois, il n’existait pas encore de vaccin contre cette maladie.

Elle affecte aussi bien les suidés sauvages que les porcs domestiques avec un taux de mortalité souvent de 100%. "Aucune épizootie n’a encore fait autant de dégâts et causé de difficultés que la PPA", a estimé l’ancien ministre de l’Agriculture et du Développement rural Nguyên Xuân Cuong.

Des postes de quarantaine vétérinaires furent mis en place partout. Les granges et les allées des campagnes furent recouvertes d’une poudre blanche de chaux pour la désinfection et des forces mobilisées pour empêcher le transport de porcs infectés, pulvériser du désinfectant et stériliser les véhicules et les personnes entrant dans les zones.

Au plus fort des mois d’avril et mai 2019, les cochons "tombèrent comme des mouches", au point que certaines localités ont dû se plaindre qu’"il n’y avait plus de terre où les enterrer".

À cette époque-là, les dirigeants du ministère de l’Agriculture et du Développement rural étaient fébriles en raison des grosses sommes nécessaires pour les abattages massifs sans précédent. Jusqu’en mai 2020, environ six millions de porcs furent abattus provoquant 12.000 milliards de dôngs de pertes. De plus, les activités de prévention et de lutte contre l’épidémie coûtèrent 13.248 milliards.

Conséquences économiques

Désinfection d'un véhicule transportant des cochons à la province de Bên Tre (Sud).
Photo : VNA/CVN

Même les ménages chanceux, non touchés par la PPA, eurent du mal à cause de la chute des prix. En effet, les habitants réduisirent leurs achats de viande porcine. Les porcs ne purent être vendus et les prix atteignent leur plus bas niveau, à seulement 25.000-28.000 dôngs/kg de poids vif.

Le secteur agricole dut appeler les consommateurs à ne pas se détourner du porc, à être solidaire pour aider les agriculteurs à surmonter les difficultés et maintenir à flot l’industrie. Malgré tout, de nombreux ménages d’éleveurs ne purent échapper aux pertes conséquentes voire à la faillite. Dans de nombreuses localités, l’élevage porcin fut presque anéanti.

Fin 2019, l’épidémie fut progressivement maîtrisée, mais les conséquences étaient graves, faisant tomber des millions de consommateurs vietnamiens dans le tourbillon de la "tempête des prix".

Dans le même temps l’offre s’effondrait, le cheptel étant décimé. Les prix des porcs sur pied s’envolèrent jusqu’à atteindre 90.000 dôngs (environ 4 USD) contre 42.000 dôngs les mois précédant juste avant les festivités du Nouvel an lunaire en janvier, ce qui rendit la viande plus chère que jamais.

En mai 2020, le marché enregistra un prix du porc sur pied de 100.000 dôngs/kg, un record. Sur les marchés, le prix passa à 140.000-250.00/kg voire 300.000 dôngs dans les supermarchés.

Le porc est présent dans 70% des repas vietnamiens, soit 3,8 millions de tonnes chaque année. La flambée des prix accentue les difficultés d’achat des consommateurs, augmentant les risques d’insécurité alimentaire pour les plus défavorisés.

Face à la fièvre sans précédent des prix du porc, fin novembre 2019, le chef du secteur agricole dut tenir une réunion d’urgence avec les localités et les principales entreprises d’élevage pour trouver des mesures pour stabiliser les prix et augmenter l’approvisionnement pour le Têt (Nouvel an lunaire).

Parallèlement à un débat national sur la possibilité et l’intérêt d’inscrire le porc sur la liste des prix stabilisés et afin de satisfaire à la demande, notamment dans l’industrie de transformation, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural encouragea l’importation de viande de porc afin de faire baisser les prix.

D’après le Département général des douanes, en 2020, le Vietnam importa environ 47.000 tonnes de viande de porc, soit une augmentation de 382% par rapport à la même période de 2019, pour l’essentiel du Canada, d’Allemagne, de Pologne, du Brésil, des États-Unis, de Russie… à quoi s’ajoutent 450.000 porcs sur pied venus de Thaïlande.

Fin 2020, les prix du porc commencèrent à baisser. Après plus de trois ans de peste porcine africaine, les éleveurs ne peuvent toujours pas s’empêcher de frissonner de peur, et les consommateurs n’ont pas oublié la “tempête des prix”.

Bien que l’épidémie de peste porcine se soit calmée au Vietnam, permettant aux agriculteurs de reconstituer leurs cheptels, le virus continue de faire des ravages dans certaines régions du monde.

Entre janvier 2020 et avril 2022, plus de 1,1 million de cas, signalés dans 35 pays répartis sur les cinq continents, ont été répertoriés chez des porcs domestiques, d’après les données de l’Organisation mondiale de la santé animale.


Huong Linh/CVN

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