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Un officier de la police judiciaire des Services Régionaux d'Identité Judiciaire mesure des empreintes digitales sur un papier glissé dans un petit pot en verre, le 5 avril à Toulouse. |
Ce fichier baptisé "Titres électroniques sécurisés" (TES) fait l'objet d'un décret du gouvernement paru dimanche 30 octobre au Journal officiel. Il réunit dans une seule base les données (identité, couleur des yeux, domicile, photo, empreintes digitales...) des détenteurs d'un passeport et d'une carte d'identité nationale.
"L'administration continue de se moderniser en accélérant et en simplifiant les démarches des usagers. Il s'agit également de fiabiliser" les demandes "de pièces d'identité en les sécurisant", a déclaré mardi 1er novembre à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet.
Un tel mégafichier était déjà inscrit dans une proposition de loi de la droite adoptée en 2012 à la fin du précédent quinquennat, avec deux finalités principales: lutter contre l'usurpation d'identité pour éviter qu'une personne s'approprie le document d'une autre; l'identification d'une personne à partir de ses données (empreintes digitales notamment), y compris à des fins judiciaires.
En raison de cette seconde finalité, la création du fichier avait été retoquée par le Conseil constitutionnel. "Le décret qui vient d'être pris ne comporte aucune fonctionnalité d'identification d'une personne à partir de ses seules données biométriques", fait-on valoir au ministère, où l'on assure donc qu'il "ne peut être comparé à la proposition qui avait été censurée en 2012". Malgré tout, des personnalités ont déploré la création d'un "mégafichier de 60 millions de Français".
"La finalité d'identification à partir des données a certes été écartée mais dès lors que le fichier a été constitué, elle devient techniquement possible", a fait valoir le sénateur socialiste Gaëtan Gorce et membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), organisme qui avait donné un avis négatif à ce sujet lors de la proposition de loi de 2012. "On peut craindre qu'un futur gouvernement modifie les finalités", a-t-il dit à l'AFP, déplorant que le gouvernement ait décidé de créer "une sorte de monstre".
Pour le président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme Michel Tubiana, "plus vous avez un fichier qui est gros, plus vous avez un fichier qui est consultable par une multiplicité de services, et c'est le cas dans le décret puisque pratiquement tous les services peuvent le faire, plus vous avez la possibilité d'avoir un hackage du fichier" par des pirates informatiques.
"Vous concentrez les risques sur un seul fichier", a-t-il ajouté mardi 1er novembresur RTL. Selon lui, "faire un fichier de cette nature, c'est s'exposer aux pires débordements": "Tous les experts (...) vous disent que le danger de ce fichier est supérieur aux avantages que nous pourrions en retirer".
AFP/VNA/CVN