Photos de guerre : deux visions pour un même conflit

La guerre vietnamienne a pris fin il y a 40 ans mais les photos des journalistes de l’époque restent marquées dans les esprits. Pourtant, face aux clichés occidentaux dépeignant l’horreur du conflit, ceux des Vietnamiens mettent en avant la détermination de ce peuple.

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La photo +La petite fille au napalm + prise par Nick Ut, reporter de l'Agence de presse américaine AP.

Ces derniers temps, de nombreux photographes vietnamiens ont présenté au public leurs clichés de la guerre face aux américains (1954-1975). Des photos d’actualité, en noir et blanc, ont été exposées au Vietnam comme à l’étranger. «Ces photos ont changé la vision du public étranger sur la dernière guerre au Vietnam. Auparavant, les clichés des journalistes occidentaux ne laissaient paraître que l’atrocité et la souffrance. À présent, les expositions de photographes vietnamiens dévoilent un nouvel angle : la vaillance, l’héroïsme et l’optimisme d’un peuple luttant pour l’indépendance nationale», a observé le caméraman Patrick Chauvel, lors d’une exposition en 2013 à Hanoi. Ce journaliste occidental s’est rendu maintes fois au Sud - Vietnam pendant la guerre (avant 1975). Pour lui, les photographes vietnamiens ont cherché à montrer la vigueur des soldats au combat.

Des images insoutenables

Pendant la guerre, les Américains ont autorisé des journalistes occidentaux à venir au Sud - Vietnam. Certains de leurs clichés sont devenus le «symbole de la guerre vietnamienne». Une description de l’atrocité du conflit, de la cruauté des agresseurs, du supplice des locaux. Une représentation alors diffusée à travers le monde.

Une rue de Hanoi en ruines après les bombardements américains, une photo prise par le reporter allemand Thomas Billhardt.

Nombre de ces reporters sont devenus célèbres grâce à leurs clichés, à l’image de Larry Burrows, Don McCulin ou encore Griffiths et Thomas Billhardt. On se souvient par exemple de la photo de Nick Ut, de l’agence de presse américaine AP, La petite fille brûlée au napalm où une petite Vietnamienne nue et quatre autres enfants pleurent en fuyant un bombardement US. Une photo qui a suscité l’indignation et dont la publication avait poussé des milliers de personnes dans les rues de Washington pour protester contre la guerre. Reconnue par le magazine Life «Meilleure photo de presse», elle a valu à son auteur le prix Pulitzer, l’une des plus hautes distinctions internationales du journalisme.

Ils sont en réalité plusieurs occidentaux à avoir décroché le prix Pulitzer pour leurs photos reportages au Vietnam. Horst Faas en fait partie, avec sa photo d’un père vietnamien portant son enfant mort face au char blindé des commandos US, et immortalisé en 1964. Eddie Adams a lui aussi été distingué pour sa photo Une exécution à Saigon, où le général de la police saigonnaise, Nguyên Ngoc Loan, tire un coup de revolver dans la tête d’un soldat Viêt công lors de l’offensive du Têt de 1968.

Les représentations de l’immolation du moine Thich Quang Duc, d’une mère et ses enfants traversant la rivière pour échapper aux bombardement US, du massacre de Son My ou encore celle d’un soldat Viêt công traîné par un char blindé US, ont elles aussi créé une vague de panique à travers le monde.

Des sourires sur les photos de guerre

À la différence des Occidentaux, les reporters de guerre vietnamiens ont laissé transparaître au travers de leurs objectifs la vitalité, la détermination, la confiance des militants et des habitants vietnamiens. «C’est agréable de découvrir dans ces anciens clichés de guerre une certaine légèreté», a confié Patrick Chauvel. Et de citer l’image de jeunes miliciennes le fusil en bandoulière, le chapeau conique sur la tête et le sourire aux lèvres. Sans oublier celle d’une jeune fille souriante, arrosant des fleurs à côté des débris d’un avion US, à Hanoi.

Des sourires de soldats vietnamiens pendant la guerre, immortalisés par le reporter vietnamien Doàn Công Tinh.

«Je suis fortement impressionné par l’image des femmes vietnamiennes au combat», a-t-il souligné en se référant aux jeunes filles de la troupe «Jeunesse de choc», nivelant des cratères de bombe sur la piste de Truong Son; à celui des miliciennes maniant un canon antiaérien visant les bombardiers US à côté du pont de Hàm Rông ou encore le célèbre Sourire de la victoire immortalisé au sein de la vieille citadelle Quang Tri. «La présence régulière des femmes et des sourires dans les clichés de cette guerre était jusqu’ici du jamais vu pour le public mondial», a-t-il observé. Et d’ajouter : «Peut-être que seuls les photographes révolutionnaires étaient à même de le faire».

En 2014, Patrick Chauvel a participé au festival «Visa pour l’image» tenu à Perpignan, en France. Grâce à lui, nombre de photos de Mai Nam, Doan Công Tinh, Chu Chi Thanh, Hua Kiêm… y ont été présentées, retenant l’attention des visiteurs. Le livre intitulé Ceux du Nord rassemblant ces 140 photos inédites a rencontré un vif succès.

Présent à ce festival international, le journaliste Don McCulin, désormais âgé de 80 ans, a rencontré les photographes de guerre vietnamiens. Il a cherché à comprendre : pourquoi la panique dans le regard des Occidentaux, mais l’optimisme chez les Vietnamiens ? La réponse lui est venue du reporter-photographe Chu Chi Thành : «Les Vietnamiens ont mené une résistance patriotique. Dans cette lutte difficile mais juste, nous avons toujours cru en la victoire finale».

Nghia Dàn/CVN

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