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Le journaliste Phong Trân dans sa maison dans l’ancienne capitale impériale de Huê (Centre). |
Né en 1929 dans une famille de soldats révolutionnaires, le jeune Trân Quôc Phong a décidé de devenir médecin militaire combattant dans les champs de bataille à Bình Tri Thiên, dans les hauts plateaux du Centre, au Laos et au Cambodge. En 1975, après la guerre, il est devenu vice-recteur de l’École de médecine militaire de la IVe Région militaire.
Phong Trân était en charge de la logistique au sein de ce campus. C’est d’ailleurs grâce à cette fonction que Phong Trân a pu témoigner de certains abus au sein du campus, le poussant ainsi à écrire son premier article à ce sujet.
En 1983, Phong Trân a décidé de prendre sa retraite militaire afin de se concentrer à l’enseignement et à l’écriture. En effet, en tant que professeur à l’Hôpital militaire de Huê (Centre), il a écrit des articles médicaux, en plus de certains articles et poèmes de la rubrique «société» dans les journaux militaires.
Une passion pour le journalisme
En supportant le mouvement contre la corruption énoncé par le secrétaire général du Parti communiste Nguyên Van Linh en 1987, Phong Trân a ainsi commencé à reporter les fraudes immobilières dont il était témoin. En 1995, il est devenu informateur officiel du journal de l’Armée populaire (Quân dôi Nhân dân).
Membre du Club des vétérans de Phu Xuân, l’investigateur a su recueillir les témoignages de nombreuses personnes concernant des affaires frauduleuses. Il rédige depuis des poèmes en prose ainsi que des articles de manière anonyme, exposant et dénonçant ainsi les actes délictuels, publiés dans différents journaux de l’ancienne capitale impériale.
Plus les plaintes et recours juridiques de la population étaient nombreux, plus sa motivation était grandissante. Il se rendait lui-même sur place pour mener à bien ses investigations. «Un médecin, un militaire et un journaliste ont plusieurs points en commun. À savoir le courage mais également l’envie de sauver la vie des gens. Je viens d’une famille de patriote. Être témoin d’injustice et d’affaires frauduleuses impunies m’est tout bonnement insupportable», explique-t-il.
Phong Trân présente un de ses premiers articles publié dans le journal +Thua Thiên-Huê+. |
Chaque mois, Phong Trân écrit en moyenne une dizaine d’articles qui se voient publiés dans les journaux de la région de Huê.
Les sujets abordés par l’octogénaire s’élargissent de plus en plus : outre la corruption, il s’intéresse également à l’élaboration de contrats de bail illégaux, à la vente frauduleuse de biens immobiliers ainsi qu’aux différents abus concernant la gestion des ressources humaines dans les entreprises publiques.
«Vous savez, le genre d’articles sur lequel je me concentre n’est pas franchement accueilli avec enthousiasme par les administrations. Il faut que je fasse preuve de persévérance pour qu’un de mes articles puisse être publié. Cela n’est pas toujours une mince affaire», partage-t-il.
Un vétéran courageux face aux menaces
Certes, Phong Trân peut toujours compter sur le soutien de son club de vétérans de Phu Xuân, mais cela ne l’empêche pas de nous faire part de ses craintes : «Le choix de ce métier me met dans une position dangereuse. Je connais plusieurs collègues qui ont été menacés. J’en connais même qui ont perdu la vie…»
S’il y a une personne qui ne cache pas son mécontentement quant à l’occupation du vieil homme, c’est bien sa femme : «Le journalisme de terrain est un travail fatiguant et non sans risques. À notre âge, il nous faut nous reposer ou partir en vacances, et non pas passer ses journées sur la route à partir à la chasse aux crimes !»
La confiance de la population accordée à Phong Trân est vraisemblablement ce qui a forgé sa réputation. En effet, son domicile est souvent le premier lieu dans lequel les gens se rendent avant d’avoir recours à une plainte juridique.
Par ailleurs, ce vétéran au cœur d’or rédige tous ses articles à titre gratuit. Son unique souhait est que les administrations concernées répondent aux requêtes des habitants. «Parfois, mes reportages font face à une impasse. Les administrations ralentissent les procédures et rien ne change ! C’est très frustrant», confie-t-il.
Phong Trân souligne que les retours et la gratitude des gens sont ce qui le rend véritablement heureux depuis sa retraite. «Je ne peux insister davantage sur le fait que ce genre d’investigations peut vous coûter la vie».
Ses déclarations n’empêchent cependant pas les jeunes générations de s’inspirer de la droiture du vieil homme. «Phong Trân est mon modèle. Il représente une inspiration en matière de vertu, de patience, de transparence et de générosité !», s’exclame Bùi Ngọc Quynh, ancienne responsable de la Télévision nationale du Vietnam (VTV) à Huê.
Texte et photos : Dang Duong/CVN