Sur la première place du podium, La Malaisie, sur la seconde, le Japon et qur la troisième, l'Italie, lors du championnat du monde de Patisserie à Chassieu (Rhône) le 28 janvier. |
Ce pays d'Asie du Sud-Est rentre dans la cour des grands. Suivie du Japon, qui avait dans son équipe une des rares femmes de la compétition, et en 3e, de l'Italie, deux fois tenante du titre, qui ne cachait pas sa déception. La France, avec ses huit Coupes du Monde, reste toutefois le champion incontesté. Grâce aux bons produits du terroir, sourit Gabriel Paillasson. Les 21 pays en finale avaient 10 heures pour réaliser un entremets au chocolat avec du miel, un entremets glacé aux fruits, un gâteau individuel sans aucune matière animale et trois sculptures en chocolat, sucre et glace.
Un pâtissier ne se sépare pas de crème ou de beurre de gaîté de cœur. Mais à l'occasion des 30 ans de la compétition, l'un des plus prestigieux concours internationaux de gastronomie organisé tous les deux ans au Salon international de la gastronomie (Sirah) à Lyon, ils ont essayé. "On a ajouté le miel à l’entremets chocolat car l'abeille est la sentinelle de l'environnement. Avec tous les pesticides, elles souffrent et s'il n'y a plus de pollinisation, on ne va plus manger grand chose", explique Gabriel Paillasson, barbe blanche et allure de grand sage, fondateur du concours.
"En 1989, la pâtisserie était dans le placard à balais. On connaissait Gaston Lenôtre, après il n'y avait pas grand monde de reconnu". Mais la presse et les émissions de télé ont aidé à changer la perception d'un secteur qui veut vivre avec son temps. Quitte à agacer certaines filières agricoles ou industrielles et à secouer la profession. Le vegan oblige en effet à explorer de nouvelles techniques et à ne surtout pas chercher à reproduire la même chose qu'en pâtisserie traditionnelle.
Œufs en neige à l'eau de pois-chiche
Ça donne des desserts très fruités, avec beaucoup de sorbet. Du lait de soja, amande, noisette. "Pour pallier le manque d’œufs et de matières grasses dans les émulsions, les candidats sont allés vers le carraghénane (extrait d'algue) ou de la gomme xanthane, une bactérie", raconte Ludovic Mercier, pâtissier à Genève et meilleur ouvrier de France (Mof) glacier. Visuellement rien ne laissait deviner que ces desserts étaient végétaliens.
Les Britanniques ont présenté un magnifique dessert épuré blanc, avec à l'intérieur un audacieux sorbet framboise-betterave. Les Égyptiens ont tenté le macaron sans blanc d’œuf, remplacé par de l'eau de cuisson de pois chiche (aquafaba). Un clin d’œil aussi à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Au goût, les retours sont plus mitigés: car moins de gras signifie plus de sucre. Et la dégustation compte pour 60% dans cette compétition. "Le beurre, la crème on est à 100% dans la gourmandise. Je ne sais pas comment expliquer ça. Le gras apporte quelque chose pour le moral", souligne Philippe Rigollot, pâtissier à Annecy, Champion du monde 2005.
"La pâtisserie ça reste pour moi des classiques: la tarte tatin, le Paris-Brest avec un goût de beurre, de crème", poursuit Étienne Leroy, président du jury et champion 2017. Tenante du titre, la France ne participait pas cette fois-ci. En boutique, difficile de se passer de crème et gélatine pour avoir de la tenue en vitrine, ajoute Patrick Chevallot, boulanger-pâtissier à Val d'Isère et Mof pâtissier. "Par contre, moi je +désucre+ depuis longtemps et j'enlève aussi un peu de beurre. On compense en allant chercher de bonnes matières pour avoir un goût franc", assure le chef.
Face à la demande, beaucoup ont déjà mis le paquet sur le sans-gluten ou le moins sucré. Sur le vegan en revanche, le scepticisme demeure en France où il est vu comme un marché de niche avec des impasses techniques. Mais tous concèdent que cette épreuve a créé de saines expérimentations et qu'il y a sûrement un biais occidental. Car en Asie ces ingrédients alternatifs sont déjà utilisés depuis longtemps. Et le goût n'est pas le même.
AFP/VNA/CVN