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La réalisatrice française Eva Husson avec son fils dans les bras, monte les marches du Festival de Cannes pour la projection de son film +Les filles du soleil+, en compétition, le 12 mai. |
"Les scènes de combat pendant 25 minutes, c'est chiant!", estimait la réalisatrice à Cannes où le film a été fraîchement accueilli au printemps. Ce que "je veux", c'est "être avec les personnages", insistait-elle. En salles mercredi 14 novembre, Les filles du soleil évoque un sujet quasiment jamais traité à l'écran, du moins en fiction: le sort des femmes yézidies (jamais identifiées comme telles dans le long métrage) capturées par des jihadistes, transformées en esclaves sexuelles et devenues, pour certaines, des combattantes armées. Une histoire reposant sur des faits réels qui ont inspiré cette cinéaste revendiquant une approche féministe, face à une industrie du cinéma "dominée par un regard masculin blanc".
"Je pense très important que le monde se représente tel qu'il est... (avec) des femmes fortes qui ne soient pas que des victimes ou des prostituées", soulignait Eva Husson, qui s'est longuement entretenue avec des reporters de guerre et d'anciennes combattantes. En s'attaquant au film de guerre, après un premier long métrage sur des jeunes organisant des orgies sexuelles (Bang gang), elle s'intéresse uniquement aux personnages féminins et privilégie leur parcours plutôt que les combats.
Son film suit la sergente Bahar, incarnée par l'actrice d'origine iranienne Golshifteh Farahani (très impliquée dans son rôle) au cours d'une offensive de quelques jours contre les islamistes quelque part au Kurdistan en novembre 2015. Réflexion sur la maternité, le combat, la place des femmes, le tout surligné d'une musique très (trop?) présente, le film capte ses héroïnes au plus près.
Film "de femme"?
Au travers de flash-backs et de confessions auprès d’un reporter, Mathilde (Emmanuelle Bercot), le spectateur découvre qu'avant de porter un treillis, Bahar était avocate, mariée et mère de famille. Sa vie a été transformée par l'arrivée soudaine d'"hommes en noir" qui ont tué son mari, kidnappé son enfant et fait d'elle une esclave sexuelle.
L'actrice iranienne Golshifteh Farahani monte les marches de Cannes, pour la projection du film +Les filles du soleil+, le 12 mai. |
Une réalité traitée avec pudeur, la réalisatrice s'abstenant de montrer certaines atrocités pour ne pas réduire les personnages au statut de "victimes". Elle préfère construire une ode à ces combattantes, filmant leur ténacité, comme celle de cette femme, à deux doigts d'accoucher, fuyant les islamistes. Défendant un regard de femme ("female gaze", où l'attention est portée à la représentation du corps féminin, aux violences faites aux femmes, au sexe et à la nudité), Eva Husson estime qu'une telle scène serait "beaucoup plus mise à distance par des cinéastes hommes".
"Elle se revendique très féministe. Moi je ne fais aucune différence. C'est plus son regard qui est singulier", estime Emmanuelle Bercot, également réalisatrice (La tête haute). "Elle a envie de mettre les femmes en valeur à sa manière, pas en les rendant belles mais avec des gros plans. Elle est comme une peintre avec nous". "Gageons que vous direz que c'est un film de femme", avait lancé Thierry Frémaux, le délégué général de Cannes, en annonçant la sélection du film en compétition.
Comme attendu, il a profondément divisé la Croisette. "D'un côté, elle braque les projecteurs sur une histoire terrible et importante (...), de l'autre, elle le fait de manière si poussive que cela nuit à son message", écrivait le Hollywood Reporter, quand le très influent site Indie Wire prédisait rien de moins que la Palme d'or à Eva Husson. "Tous les films que j'ai adorés sont clivants. Un film qui a un point de vue fort, c'est presque nécessaire qu'il soit clivant", répliquait la réalisatrice.
AFP/VNA/CVN