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Le pianiste de jazz français Martial Solal à Paris le 9 décembre 2015. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Martial, c'est quelqu'un que j'ai entendu pour la première fois quand j'avais une vingtaine d'années, et ça a complètement changé ma vision de la musique", confie à l'AFP Jean-Michel Pilc, 56 ans, qui n'était pas encore né lorsque Martial Solal publia en 1959 sa fameuse Suite en ré bémol.
Débarqué à Paris en 1950 depuis son Alger natal, Martial Solal impose un ton nouveau dans le jazz, par ses qualités d'improvisateur, son aisance au piano et ses talents de compositeur. Il redéfinit l'art du trio, compose des oeuvres singulières, s'intéresse à la musique contemporaine, signe de nombreuses musiques de films (don celle de À Bout de Souffle de Jean-Luc Godard).
"C'est quelqu'un qui possède une virtuosité inouïe à l'instrument. C'est également quelqu'un de parfaitement imprévisible, qui fuit toute forme de cliché. Il se renouvelle à chaque mesure, à chaque concert, à chaque seconde", s'enthousiasme Jean-Michel Pilc, qui salue aussi sa "longévité exceptionnelle, c'est comme Arthur Rubinstein dans le domaine du classique".
À bientôt 90 ans (il les aura en août prochain), Solal, qui fut en 1999 le premier Français à recevoir le "Jazzpar Prize", le Nobel du jazz, quitte encore de temps en temps sa villa cossue de Chatou, dans l'ouest parisien, pour quelques concerts.
"Gigantesque coup de fouet"
Son secret ? Le travail. Pendant sa période de pleine activité, Martial Solal s'astreignait à quatre ou cinq heures de piano par jour. "Aujourd'hui, presque deux heures la semaine qui précède les épreuves, sinon je me limite à une heure. Et tant que personne ne s'aperçoit du changement, ce qui semble être le cas, je persiste", dit l'octogénaire dont les doigts courent toujours aussi vite sur le clavier.
La première rencontre entre les deux hommes remonte à une soirée au début des années 1980 au Petit Opportun, un club de la capitale.
"J'étais plutôt lié au jazz traditionnel et quelqu'un qui ne connaissait pas énormément de choses, et j'ai découvert tout un univers qui m'était complètement mystérieux", se souvient Jean-Michel Pilc. "À la fois, c'était très clair et magique, en même temps, je n'y comprenais rien, mais je comprenais tout".
Après cette soirée mémorable, il rentre chez lui en se disant: "Là, il y a quelque chose que je peux faire. Ca m'a donné un gigantesque coup de fouet en tant que pianiste et en tant que musicien pour découvrir le langage plus moderne du jazz".
Les deux musiciens se retrouveront dans le même studio en 1989 pour l'enregistrement de Piaf-Trénet du trompettiste Eric Le Lann, dont Solal a signé les arrangements et Pilc assure les parties au piano. "J'étais assez pétrifié", se souvient ce dernier, qui décide à cette époque de quitter son travail d'ingénieur au Centre national d'études spatiales de Toulouse pour se consacrer entièrement au jazz.
S'ils ont depuis joué une fois ensemble sur scène, le temps d'un seul morceau, les concerts que les deux pianistes vont donner ensemble les 17 et 18 décembre au Sunside, à Paris, sont leurs premiers en duo.