>>Les tortues Galapagos en contact avec les hommes résistantes aux antibiotiques
Une tortue brûlée dans un feu de forêt, le 17 août à Gonfaron, dans le Var. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Un bip résonne. Le scientifique s'allonge et plonge le bras sous un rocher où s'est réfugiée une tortue d'Hermann, espèce rare et protégée. A ses côtés, une couleuvre de Montpellier entortillée s'est aussi protégée du feu.
Une rapide inspection permet de voir que l'animal d'une quinzaine de centimètres à la carapace jaune et noire est en bonne santé. Elle est rapidement baignée dans une bassine pour s'abreuver.
Traversée par le feu, la Réserve naturelle de la plaine des Maures, véritable joyau de biodiversité en France avec 241 espèces protégées, est devenu un tapis de cendres.
Le sol ocre et les roches de grès rose ont laissé place à un paysage monochrome noir. Les chants des oiseaux et des cigales ont été remplacés par un lourd silence. À quelques kilomètres, le feu continue de faire rage.
C'est dans ce paysage lunaire qu'une vingtaine de bénévoles du Village des tortues de Carnoules (Var) et du Conservatoire d'espaces naturels de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, se sont attelés jeudi à retrouver les tortures d'Hermann qui auraient pu se réfugier dans les anfractuosités de la roche pour se protéger des flammes.
"Catastrophe écologique"
On estime la population de cette dernière espèce terrestre d'Europe à 15.000 dans le Var, dont 10.000 sur la seule Réserve. En fort déclin, la tortue d'Hermann qui hiberne en s'enterrant dans le sol, est classée vulnérable sur la Liste rouge nationale des espèces menacées.
"La tortue, c'est notre porte-drapeau", explique Marie-Claude Serra, la conservatrice de la Réserve naturelle, déplorant "une catastrophe écologique (...) inédite en France".
"La tortue peut jeûner plusieurs semaines, mais en revanche le risque est qu'elle se déshydrate", explique Sébastien Caron, responsable de la Station d'observation et de protection des tortues et de leurs milieux (Soptom) à Carnoules où est abrité le célèbre Village de tortues.
Pesée, mesurée, la tortue récupérée est remise dans son milieu pour lui "éviter un stress supplémentaire", et devra attendre la repousse à l'automne de maigres herbes avec la pluie pour se nourrir avant d'hiberner.
Le feu qui est parti d'une aire d'autoroute lundi a déjà brûlé 6.300 hectares de chênes lièges, peupliers et de nombreux arbustes fleuris qui parsemaient le massif des Maures et accueillaient des populations de chauves-souris, grenouilles rainettes et autres rongeurs...
Le Fonds mondial pour la nature (WWF) s'est inquiété cette semaine des conséquences pour la faune sauvage -lynx du désert, cerf corso-sarde, oiseaux, rongeurs et reptiles- des incendies qui ravagent cet été la Russie et les pays du bassin méditerranéen.
Dans le Var, si une tortue "a survécu à l'incendie on peut estimer qu'elle s'en sortira", estime Sébastien Caron, même s'il faudra plus de "trente ans" pour connaître les conséquences exactes sur la reproduction de l'espèce dont la longévité peut atteindre 60 ans.
"La tortue a une faiblesse : sa lenteur, mais elle a su résister au temps", relève Sébastien Caron à propos de cet animal apparu sur terre il y a quelque 250 millions d'années. Quelques mètres plus loin, un couple de tortues est retrouvé sous un autre rocher. Couvert de terre, il a dû trouver refuge bien avant l'incendie pour se protéger de la canicule, observe M. Caron.
Tous n'auront pas eu la même chance, un spécimen mort a été retrouvé durant cette matinée. Mais 31 autres étaient vivantes. "Nous nous sommes dirigés dans les endroits où l'on savait qu'on avait des chances de retrouver des tortues vivantes grâce notamment aux rochers, mais c'est loin d'être le cas partout", nuance Dominique Guicheteau.
À la Réserve naturelle nationale de la plaine des Maures, les recherches ont été courtes jeudi 19 août : au loin le feu a repris, les bénévoles sont évacués à contre-coeur.
AFP/VNA/CVN