Un paysage de branchages, fleurs séchées et aromates, sur le modèle d’un chef d’œuvre de Van Gogh, créé par le Brésilien Vik Muniz. |
«Il réinterprète des œuvres" souvent très connues dans l'imagerie populaire, créant "un monde à la fois familier et différent de l'original", explique le galeriste d'art contemporain Yvon Lambert. "Il a envie que les gens s'intéressent à l'art, et nous aussi".
Pari réussi pour ce "musée imaginaire" qui se veut à la portée "du directeur comme du gardien", confie, en français, l'artiste, venu présenter son travail à l'occasion de la première grande rétrospective qui lui est consacrée en France. "Je ne viens pas de ce monde-là. La première fois que mes parents sont entrés dans un musée, c'était pour voir une de mes expositions, je garde toujours ça en tête et n'imagine jamais un public spécialisé", poursuit-il, regrettant "une espèce d'élitisme" de l'art contemporain.
Né en 1961 dans une famille modeste de Sao Paulo, sous la dictature militaire qui forgera son caractère, Vik Muniz passe son enfance à griffonner. Son père est garçon de café, sa mère standardiste. Sa grand-mère est "fascinante". "Elle avait appris à lire toute seule, elle vivait dans le chaos des signes" dont elle lui transmet l'amour. "À l'âge où les enfants arrêtent d'être artistes et abandonnent le rapport direct au monde visuel à force d'être exposés au langage écrit, moi j'ai commencé à dessiner. J'étais l'enfant qui faisait les caricatures de profs, les affiches de l'école".
À 14 ans, une bourse lui permet d'étudier le dessin, le soir après les cours. Il apprend l'art loin des musées, via des reproductions dans des magazines, où les couleurs tantôt criardes tantôt passées lui donnent le goût des images à multiples facettes. Mauvais élève, le Brésilien abandonne vite les études, pour la publicité. Jusqu'au jour où il croise le chemin d'un "type très riche", dont il sauve la vie lors d'une bagarre. "Il m'a acheté un billet d'avion pour aller aux États-Unis, je devais y rester six mois pour apprendre l'anglais, depuis je n'ai plus quitté New York".
"J'absorbais la culture par immersion, je rencontrais des artistes, visitais des petites galeries". Entre "mille petits boulots", il tâtonne et peu à peu met au point la méthode qui fera son succès : projeter une œuvre sur le sol avec un vidéoprojecteur, la reproduire avec des matériaux solides ou liquides, et enfin photographier l'installation.
Des œuvres du Brésilien Vik Muniz s’exposent à la collection Lambert en Avignon. |
Parmi les 110 œuvres exposées à l'hôtel de Caumont, figurent des portraits d'enfants en sucre, Pollock et Freud en chocolat, des prisons imaginaires en épingles et fils, une Joconde en confiture, les divas d'Hollywood en diamants, des monstres en caviar...
L'apparente simplicité cache souvent des prouesses techniques. Pour "La Japonaise" d'après Claude Monet, Vik Muniz raconte avoir manié le pigment rouge, "véritable poison", avec masque et gants pendant six mois. Là, "cela fait deux ans que j'essaie de faire une image en acier liquide. La température est si élevée qu'il faut photographier à travers un miroir très épais", souligne l'artiste.
Dans un registre social, une salle permet de découvrir les portraits de trieurs de détritus dans une immense décharge à ciel ouvert de Rio, réalisés par les intéressés eux-mêmes avec des capsules de bouteilles, vieux plastiques et autres déchets. Une aventure racontée dans le documentaire Waste Land, nommé aux Oscars et projeté à Avignon.
À découvrir aussi, du haut d'une passerelle installée dans l'église des Célestins, un paysage de branchages, fleurs séchées et aromates, sur le modèle d'un chef d'œuvre de Van Gogh. Point de vue garanti. "Le Musée imaginaire", Vik Muniz. Jusqu'au 13 mai. www.collectionlambert.com.
AFP/VNA/CVN