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Le négociateur en chef iranien Ali Bagheri Kani quitte le Palais de Coburg après une réunion avec le coordinateur de l'Union européenne Enrique Mora, le 11 mars à Vienne. |
"Nous devons faire une pause dans les pourparlers en raison de facteurs externes", a annoncé vendredi 11 mars Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l'Union européenne (UE) qui coordonne le processus.
"Un texte final est quasiment prêt et sur la table", a-t-il ajouté.
Le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price, a quant à lui déclaré : "nous pensons qu'on peut" sauver l'accord "si ces décisions sont prises dans des endroits comme Téhéran et Moscou".
"Les nouvelles sanctions liées à la Russie sont absolument sans lien" avec l'accord et "ne devraient avoir aucun impact" sur ces discussions, a-t-il ajouté. "Nous n'avons aucune intention d'offrir à la Russie quoi que ce soit de nouveau ou de spécifique".
Le 4 mars, les diplomates évoquaient une entente imminente mais le lendemain Moscou, pilier essentiel des négociations, jetait un froid.
La Russie, frappée par des sanctions occidentales, a ainsi demandé des garanties américaines que ces mesures de rétorsion n'affecteraient pas sa coopération économique avec l'Iran.
Des revendications jugées "hors sujet" par le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, mais qui ont stoppé net les discussions. La cheffe de la délégation britannique Stephanie Al-Qaq a manifesté sur Twitter sa "profonde déception", tout comme son homologue français Philippe Errera.
L'ombre de l'Ukraine
"Le conflit en Ukraine a maintenant fait irruption de manière très concrète" dans ce dossier d'habitude préservé des tensions géopolitiques, a commenté Eric Brewer, de l'Institut de recherches américain Nuclear Threat Initiative.
Les exigences russes "ont enrayé le mécanisme à la dernière minute, menaçant de compromettre les discussions et d'empêcher le rétablissement du pacte" connu sous l'acronyme JCPOA, a-t-il averti.
Téhéran est engagé depuis onze mois dans des pourparlers à Vienne avec les grandes puissances pour tenter de sauver l'accord de 2015.
Conclu par l'Iran d'un côté, et les États-Unis, la Chine, la Russie, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne de l'autre, ce pacte était censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique en échange de la levée des sanctions qui asphyxient son économie.
Mais il s'est délité après le retrait en 2018 de Washington qui a rétabli ses mesures contre l'Iran. En réaction, l'Iran s'est progressivement affranchi des limites imposées à son programme nucléaire.
À sa sortie du palais Cobourg, hôtel de la capitale autrichienne où se déroulent les discussions, le diplomate de l'UE Enrique Mora a dit espérer une reprise "très, très bientôt".
"L'Iran et les États-Unis ont constamment montré une approche très constructive, très positive", a-t-il assuré. Et d'ajouter : "on en est au stade des notes de bas de page".
Le négociateur russe Mikhaïl Oulianov a pour sa part dénoncé "les tentatives de rejeter toute la faute" sur Moscou.
L'arme du pétrole
Répartition des réserves de pétrole, en milliards de barils, entre les dix pays aux réserves les plus vastes d'après le BP Statistical Reserves of World Energy. |
L'Iran, proche de la Russie, se retrouve dans une position difficile et avait accusé jeudi 10 mars les États-Unis, qui auraient formulé de "nouvelles exigences".
Vendredi 11 mars, le porte-parole des Affaires étrangères iraniennes, Saïd Khatibzadeh, s'est voulu rassurant.
"Aucun facteur externe ne va affecter notre vœu commun d'un accord collectif", a-t-il réagi. "La pause peut fournir l'élan pour résoudre les problèmes restants".
Reste désormais pour Téhéran et Pékin à "parler à Moscou afin de normaliser la situation", souligne une source européenne. "Aussi près de la ligne d'arrivée, c'est vraiment frustrant".
Des experts s'inquiètent d'une "instrumentalisation par Moscou de la question iranienne", selon Clément Therme, spécialiste du Moyen-Orient.
"Le jeu de la Russie peut être d'obtenir un délai pour la réactivation de l'accord afin d'éviter un afflux de pétrole iranien sur le marché", qui ferait baisser les cours, explique-t-il.
"En maintenant le baril à un prix élevé, le Kremlin peut utiliser l'arme énergétique contre l'Occident", souligne l'expert, chargé de cours à l'Université Paul Valéry de Montpellier.
Quant à Téhéran, sa marge de manœuvre est étroite du fait de "l'asymétrie de sa relation" avec Moscou, note-t-il.
D'autant que la République islamique "refuse de négocier directement avec les États-Unis, ce qui accroît sa dépendance vis-à-vis de la Chine et de la Russie".
Si Moscou demeure inflexible, "nous serions obligés de regarder si d'autres options sont possibles", avance un diplomate européen. Une chose est sûre : "On ne souhaite pas être dans une situation binaire consistant à laisser la Russie prendre le JCPOA en otage".