"Le Vietnam utilisera des réacteurs nucléaires de troisième génération ou 3+, conçus avec un savoir-faire technique et technologique beaucoup plus avancé que ceux des réacteurs de deuxième génération qui équipent la centrale de Fukushima 1. De plus, la construction ne sera exécutée qu'une fois que les questions inhérentes à la sécurité pour l'environnement et à la vie des habitants seront réglées". C'est ce qu'a affirmé le ministre de l'Industrie et du Commerce, Vu Huy Hoàng.
D'après lui, les inquiétudes de la population sont "justifiées" car la sûreté nucléaire est liée à la sécurité humaine et environnementale, surtout pour les pays qui commencent à développer ce type d'énergie comme le Vietnam. "Le gouvernement a demandé à divers ministères et services, dont le ministère de l'Industrie et du Commerce, de suivre de près les informations sur l'évolution de l'accident de la centrale de Fukushima 1 au Japon pour disposer d'orientations de traitement appropriées en cas de problème", a-t-il rassuré.
En réalité, les réacteurs incriminés dans l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima 1 (au début de la génération 2) avaient été conçus pour résister à un séisme de magnitude 7 sur l'échelle ouverte de Richter. Le séisme du 11 mars, de magnitude 9, a entraîné l'arrêt automatique des réacteurs en service, procédure normale dans ce cas-là. Mais le tsunami qui a déferlé ensuite a fortement endommagé les groupes électrogènes de secours qui sont tombés en panne, ce qui a causé l'arrêt du système de refroidissement des réacteurs nucléaires et de celui des piscines d'entreposage des barres de combustible. "Le défaut du système de refroidissement de la centrale de Fukushima 1 est son fonctionnement selon le principe de sécurité active (+active safety features+), recourant aux groupes diesel de secours en cas d'urgence", a expliqué Vuong Huu Tân, directeur de l'Institut de l'énergie atomique du Vietnam (VAEC).
La technique des centrales nucléaires de troisième génération a été perfectionnée, équipées uniquement de dispositifs de sûreté passifs qui fonctionnent en cas de panne, sans recourir à aucune pompe, ni soupapes actionnées par un moteur. "Cette conception a permis d'économiser un tiers des matériaux de construction et de multiplier par 1.000 le coefficient de sécurité par rapport à celui des centrales nucléaires de deuxième génération", a informé M. Tân.
S'agissant de la prochaine construction de la première centrale nucléaire du Vietnam à Ninh Thuân (Centre), la résolution de l'Assemblée nationale a stipulé l'utilisation des réacteurs modernes, de génération 3 ou 3+, qui fonctionnent selon le principe de sécurité passive. "Si un accident du type Fukushima 1 venait à se produire, la future centrale nucléaire mettrait en route automatiquement sa réaction exothermique par des mécanismes spontanés, sans avoir recours à ni une intervention humaine, ni électrique complémentaire", a confirmé le ministre Vu Huy Hoàng. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), il s'agit d'une des technologies nucléaires les plus modernes et les plus sûres actuellement. De plus, "le choix de la technologie et du lieu de construction de la centrale nucléaire du Vietnam a été bien calculé sur le plan de la sûreté, prenant en compte avant tout la sécurité pour l'homme et l'environnement", a-t-il souligné.
Selon le ministre Vu Huy Hoàng, lors de l'élaboration du rapport de faisabilité qui devrait s'achever en 2014, l'examen de la sécurité porte non seulement sur l'évaluation du sol et des conditions géologiques, les risques sismiques, mais aussi sur la possibilité d'essuyer des secousses provenant des régions environnantes. "Le fait que le projet continuera à être réalisé ou non dépendra des résultats des études du rapport de faisabilité. Et le projet ne sera pas mis en œuvre s'il ne présente pas une sécurité absolue", a-t-il réaffirmé.
Développement nucléaire à des fins pacifiques
Actuellement, le problème de l'épuisement progressif des énergies traditionnelles se fait de plus en plus sentir. Par ailleurs, leur utilisation a trop d'impacts sur l'environnement et ne suffit plus à répondre aux besoins énergétiques de toute la société. "Si nous ne parvenons pas à trouver de promptes solutions pour remédier à cette insuffisance, notre pays pourrait bientôt souffrir d'une sérieuse pénurie d'électricité", a averti le ministre Vu Huy Hoàng. Dans ces conditions, l'investissement dans le développement des énergies renouvelables constitue une orientation à laquelle le gouvernement s'intéresse particulièrement.
Cependant, aux yeux de M. Hoàng, l'hydroélectricité est presque exploitée au maximum, surtout les grands ouvrages hydroélectriques, tandis que les petits ouvrages ne sont pas très efficaces économiquement parlant. Bien que les énergies éolienne, solaire, marémotrice, géothermique disposent d'un réel potentiel, il faudra encore du temps pour les exploiter ; question de coût et de technologie.
L'énergie de l'atome, du fait de ses faibles émissions en CO2, semblait jusqu'à récemment avoir le vent en poupe dans le monde en raison du réchauffement climatique, de l'envolée des prix des hydrocarbures et de la raréfaction attendue du pétrole. Mais l'accident de Fukushima a fait ressurgir le spectre de la dangerosité du nucléaire, suscitant des réactions dans les pays équipés ou en voie d'équipement. Pourtant, peu d'entre eux envisagent d'y renoncer.
Le ministre de l'Industrie et du Commerce ne pense pas que l'accident de Fukushima 1 aura un impact sur le projet de la future centrale nucléaire du Vietnam, précisant que les questions de sécurité constituent la priorité absolue du pays. "L'objectif du gouvernement est d'utiliser
l'énergie atomique à des fins pacifiques, dont la sécurité doit être garantie au maximum", a indiqué M. Hoàng. Et il n'a pas oublié d'aborder les mécanismes et politiques d'exploitation appropriés d'autres sources énergétiques.
Le personnel nucléaire, un maillon très important
En vue du fonctionnement stable d'une centrale nucléaire, les ressources humaines sont un maillon essentiel pour toutes les phases : étude de faisabilité du projet ; conception et gestion du projet ; construction de la centrale ; fonctionnement à titre d'essai, fonctionnement officiel et entretien de la centrale ; contrôle de la qualité de ses dispositifs... De plus, "il faut encore un contingent non négligeable d'experts en droit sur le nucléaire, en recherche et développement (R & D), ce au service du projet de la première centrale puis du programme nucléaire suivant", a insisté le ministre Vu Huy Hoàng.
En novembre 2009, l'Assemblée nationale a adopté le projet de construction de deux centrales nucléaires de 2.000 MW chacune dans la province de Ninh Thuân (Centre), pour un coût prévisionnel total de 200.000 milliards de dôngs. La première sera construite dans la commune de Phuoc Dinh, district de Thuân Nam, et la seconde dans celle de Vinh Hai, district de Ninh Hai. Ces deux centrales seront chacune équipées de deux réacteurs.
En général, chaque centrale nucléaire développant une puissance de 2.000 MW a besoin d'un millier de licenciés. Le gouvernement a donc préconisé la formation des cadres d'élite dans le domaine de l'électricité nucléaire qui travaillent actuellement dans divers organismes : VAEC, Service de la sécurité de la radiation et du nucléaire (ministère des Sciences et des Technologies), École polytechnique de Hanoi, Université de Ðà Lat (hauts plateaux du Centre), Université de l'électricité, Écoles supérieures des sciences naturelles relevant des Universités nationales de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville... "Ce contingent de cadres sera le noyau de notre programme nucléaire", a informé M. Hoàng. Par ailleurs, le Vietnam continue à envoyer cadres et étudiants en Russie, République de Corée... pour une formation solide dans ce domaine.
Pour la première centrale nucléaire du pays, la conception du projet, la construction, le fonctionnement à titre expérimental et le fonctionnement officiel de l'usine seront réalisés sous la tutelle de spécialistes étrangers. "Après, nous prendrons progressivement en charge les technologies puis les maîtriserons. Il est certain qu'en 2020, nous aurons suffisamment de personnel qualifié pour répondre aux activités qu'exige le secteur nucléaire", a prévu M. Hoàng.
* Une centrale nucléaire est un site industriel qui utilise la fission de noyaux atomiques pour produire de la chaleur, dont une partie est transformée en électricité (entre 30% et 40% en fonction de la différence de température entre la source froide et chaude). C'est la principale mise en œuvre de l'énergie nucléaire dans le domaine civil. En 2009, 439 réacteurs fonctionnent dans 31 pays différents dans le monde, soit un total de 370 gigawatts produisant environ 14% de l'électricité mondiale.
* Génération de réacteur nucléaire :
- La génération I désigne les premiers réacteurs construits avant 1970.
- La génération II désigne les réacteurs industriels construits entre 1970 et 1998 et actuellement en service, essentiellement de la filière réacteur à eau pressurisée (REP, ou Pressurized Water Reactor - PWR).
- La génération III désigne les réacteurs dérivés des précédents, conçus pour les remplacer à partir de 2010.
- Les réacteurs les plus innovants de la 3e génération sont classés dans une génération 3+. Toutefois, ils ne viennent pas après, mais sont concurrents de la génération 3.
- La génération IV désigne les réacteurs qui pourraient entrer en service à l'horizon 2030. Source: Wikipedia
Huy Hoàng/CVN