>>Une grande partie du miel du monde serait contaminée par les pesticides
Les autorités sanitaires ont trois mois pour confirmer ou non au gouvernement l'autorisation de deux insecticides dénoncés comme néfastes pour les abeilles. |
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L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a été chargée "d’analyser de façon prioritaire ces nouvelles données" afin de pouvoir "indiquer au gouvernement, dans les trois mois, si elles sont de nature à modifier les deux autorisations de mises sur le marché".
L'Anses avait autorisé fin septembre le Closer et le Transform, deux insecticides fabriqués par Dow AgroSciences, dont le principe actif est le sulfoxaflor.
Cette décision a suscité la colère des défenseurs de l'environnement qui ont appelé Nicolas Hulot à s'y opposer, au nom des engagements pris contre les néonicotinoïdes, substances toxiques pour les abeilles.
C'est par un communiqué commun que le ministre de la Transition écologique et son homologue de l'Agriculture Stéphane Travert ont demandé à l'Anses de se pencher à nouveau sur les possibles risques du sulfoxaflor.
Cette substance "appartient à la famille des néonicotinoïdes (...). Du côté de la science, il n'y a aucune ambiguïté", a indiqué le chimiste et toxicologue Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS.
L'Anses, qui s'est engagée vendredi soir 20 octobre à évaluer "sans délai" les données nouvelles, a assuré que "si le sulfoxaflor a un mode d'action similaire aux néonicotinoïdes, il se différencie cependant par sa très faible persistance dans les sols (1 à 4 jours contre 120 à 520 jours) et dans les plantes".
La loi sur la biodiversité de 2016 prévoit l'interdiction des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles au cas par cas jusqu'au 1er juillet 2020.
"On va remplacer les néonicotinoïdes qu'on va supprimer par un nouveau néonicotinoïde", déplore Gilles Lanio, président de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf).
"Stratagème des firmes"
Le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot. |
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Le dossier des néonicotinoïdes avait opposé Hulot et Travert fin juin. Le Premier ministre Édouard Philippe avait alors donné raison au premier en confirmant l'interdiction des néonicotinoïdes.
Ces substances, qui s'attaquent au système nerveux des insectes, désorientent les pollinisateurs, contribuant au déclin spectaculaire des colonies d'abeilles. Ils touchent aussi des invertébrés terrestres et aquatiques et persistent dans l'eau et les sols.
"Si elle n'est pas immédiatement annulée par le gouvernement, (la décision d'homologation) portera un coup fatal aux États généraux de l'alimentation et à la crédibilité de la démarche du président Macron pour réformer le modèle agricole dominant actuel", a dénoncé Agir pour l'environnement.
Une pétition en ligne lancée par cette association affichait vendredi soir 20 octobre plus de 40.000 signatures.
Pour Greenpeace, "il est de la responsabilité de Nicolas Hulot de (...) soutenir la loi biodiversité".
"Le ministère de l'Agriculture ne pouvait pas ignorer l'autorisation en catimini de cette substance (le sulfoxaflor), qualifiée de hautement toxique pour les abeilles par l'Agence européenne de la sécurité des aliments (Efsa)", selon cette ONG.
L'Efsa avait estimé en 2014 que, "selon les données disponibles, un risque élevé pour les abeilles (n'était) pas exclu" et avait fait état d'"un risque élevé à long terme" pour les petits mammifères herbivores.
Le Parti socialiste a lui aussi demandé "le retrait immédiat de l'autorisation délivrée", dénonçant "un contournement inacceptable" de la loi sur la biodiversité.
"Il s’agit clairement d’un stratagème des firmes pour contourner la loi interdisant les néonicotinoïdes", analyse la députée PS Delphine Batho sur Twitter, appelant à "la mobilisation (...) jusqu’au retrait effectif" du sulfoxaflor.
Pour Dow AgroSciences, filiale agricole du groupe d'agrochimie américain DowDuPont, le sulfoxaflor "n'est pas un néonicotinoïde" mais "appartient à une nouvelle famille chimique, les sulfoximines".
"En respectant les doses homologuées et les précautions d'emploi, il n'y a aucun risque pour les abeilles", assurait jeudi 19 octobre Benoît Dattin, son responsable marketing et communication. Les néonicotinoïdes ayant mauvaise presse à cause de leurs effets sur les pollinisateurs, les fabricants essaient de les faire passer sous d'autres noms, estime pour sa part Bonmatin.