Une ambulance évacue des blessés après un attentat-suicide à Potiskum au nord-est du Nigeria le 1er février 2015. Photo : AFP/VNA/CVN |
Depuis 2009, l’insurrection de Boko Haram et sa répression par les forces nigérianes ont fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria, essentiellement dans le nord-est du pays, où le groupe extrémiste s’est emparé de plusieurs localités. Il y multiplie les opérations meurtrières depuis six ans, y compris des attentats-kamikazes visant des lieux bondés comme dimanche sur un marché de Potiskum, capitale économique de l’État de Yobe.
D’après des témoins joints depuis Kano (nord), une fillette âgée d’environ 7 ans a actionné vers 13h30 locales une ceinture d’explosifs qu’elle portait à la taille à Kasuwar Jagwal, un lieu dédié à la vente et la réparation de téléphones à Potiskum, très fréquenté à cette heure de la journée. Cinq personnes ont été tuées et 19 blessées.
Selon les témoins, elle avait été renvoyée quatre fois à l’entrée du site par des gardiens et membres de milices d’auto-défense qui l’avaient jugée suspecte, en raison de son âge. Les contrôles se sont faits plus stricts depuis un précédent attentat-suicide commis en janvier par deux filles d’environ 15 et 20 ans aux abords du même site, ayant fait six morts et 37 blessés.
Finalement, la fillette est revenue par un autre côté, «elle s’est baissée pour franchir le cordage de sécurité, à une certaine distance de nous. Et c’est là qu’elle s’est fait exploser», a expliqué Buba Lawan, chef d’une milice locale d’autodéfense.
L’attaque-suicide n’avait pas été revendiquée mais, selon plusieurs observateurs, elle porte la signature de Boko Haram, qui a déjà eu recours à plusieurs reprises à des femmes et des fillettes pour ce type d’opérations.
Boko Haram «sous-estimé»
Le groupe a étendu ses attaques au Cameroun, au Niger et au Tchad, qui le combattent à leurs frontières, et même sur le sol nigérian pour les troupes tchadiennes. Celles-ci ont repris récemment aux islamistes plusieurs localités importantes comme Gamboru et Dikwa (nord-est), proches de la frontière camerounaise.Dans un entretien au journal privé local influent This Day diffusé dimanche, le président nigérian Goodluck Jonathan a reconnu avoir «sous-estimé» le groupe. «Probablement, au début (de l’insurrection), nous - je veux dire mon équipe et moi-même - avons sous-estimé les capacités de nuisance de Boko Haram», a déclaré Goodluck Jonathan, ajoutant que de «nombreux responsables sécuritaires» ont fait dans le passé des déclarations minimisant la portée du groupe.
De fait, depuis 2009, les forces nigérianes ont échoué à endiguer l’expansion des insurgés, même si elles ont annoncé récemment avoir repris plusieurs villes à Boko Haram et tué des centaines de ses membres, comme dans les villes stratégiques de Monguno et Baga.
Goodluck Jonathan a précisé que l’armée nigériane s’est dotée récemment de nouvelles armes et munitions pour la guerre contre Boko Haram, dont le chef, Abubakar Shekau, a juré dans une vidéo publiée récemment de faire échouer le processus électoral dans le pays.
Le Nigeria devait organiser le 14 février une présidentielle couplée à des législatives et sénatoriales, qui ont été reportées de six semaines, au 28 mars, pour permettre à l’armée de se concentrer sur son offensive contre les islamistes.
«Si Dieu le veut, nous arrêterons Shekau avant les élections. (...) Nous devons arriver à faire en sorte qu’il ne cause pas des ravages s’il tente» de les faire échouer, a dit le président, candidat à sa réélection.
Devant la presse à Niamey, Laurent Fabius a affirmé à plusieurs reprise la nécessité d’un «plein engagement du Nigeria dans la lutte contre Boko Haram». «On n’est pas partis pour une guerre de 10 ans. Nous avons les forces qui sont déjà en place. Si ces forces peuvent être financées et équipées, je pense qu’on viendra à bout de Boko Haram assez rapidement», a pour sa part affirmé dimanche le président nigérien Mahamadou Issoufou.
Le Nigeria, le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Bénin ont annoncé le 7 février qu’ils allaient mobiliser 8.700 hommes dans une force multinationale anti-Boko Haram. Ils veulent déposer d’ici à «fin février» un projet de résolution devant le Conseil de sécurité en ce sens, selon le gouvernement camerounais.
AFP/VNA/CVN