Niger : les jeunes filles dribblent les interdits pour jouer au foot

"Les gens me critiquent mais je n'en ai rien à faire, je fais de ma vie ce que je veux", annonce sans détour Faouzia Sidi Ahmed, 19 ans, défenseure internationale nigérienne : "Je veux jouer au football et je joue au football".

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La Nigérienne Aichatou Alassane au marquage de la Ghanéenne Janet Egyir lors de la Coupe ouest-africaine de football le 16 février 2018 à Abidjan.
Photo : AFP/VNA/CVN

Au Niger, pays majoritairement musulman, les femmes doivent braver préjugés et clichés si elles veulent faire du foot.

Illustration : "le football féminin n'est pas permis par l'islam", déclare le prédicateur nigérien Bizo Oumarou. La femme "peut faire du sport pour sa santé" ou "pour avoir de l'endurance pour affronter des situations de guerre ou pour le travail", mais "il ne faut pas qu'elle sorte dans une tenue qui fera ressortir des parties de son corps notamment les jambes".

"La religion est vraiment un frein", se lamente Ali Mamadou, le sélectionneur national. "On arrive quand même à contourner un tout petit peu et avoir une participation importante de ces jeunes filles-là. (Mais) nous sommes au stade du balbutiement."

"Mes parents ne m'ont pas interdit de jouer. On peut être musulman et jouer", assure Faouzia, en short, cheveux noués à l'arrière de la tête et qui arbore fièrement le dossard numéro 3 du maillot vert-blanc-rouge de l'équipe nationale.

"Perte de temps"

Faouzia a commencé à jouer parmi les garçons. Arrivée au collège, elle a pu poursuivre le football grâce à son prof d'éducation physique. "J'ai ensuite été recrutée par l'AS Police (un club de Niamey) où j'ai joué deux ans et maintenant je joue à l'AS Garde nationale", autre club de la capitale, détaille-t-elle.

Les jeunes filles l'assurent: la pratique du football n'est pas incompatible avec leur religion. "Je fais mes cinq prières quotidiennes", souligne Aïchatou Mohamed, 16 ans, coiffée d'un bonnet de l'équipe nationale qui concilie football et son métier de couturière. "Il ne faudrait pas que les gens pensent que nous sommes des mécréants parce que nous jouons au football."

La plupart des joueuses, collégiennes et lycéennes, sont concentrées à Niamey, la capitale. Les footballeuses sont rares dans les autres villes et totalement absentes des campagnes.

Selon Amina Moussa, responsable du développement du foot féminin à la fédération nationale, le pays compte 650 joueuses licenciées, sur 6.500 au total, pour 22 clubs.

Cette année, la fédération a organisé son tout premier championnat féminin, auquel ont participé une dizaine d'équipes.

"Je suis tombée amoureuse du foot toute petite (...) quand je jouais avec les garçons du quartier. Des curieux m'applaudissent même quand je drible les garçons", explique Aichatou.

Toutefois, la plupart subissent de fortes pressions de leur entourage. "Il y en a qui me disent : +jouer au ballon est une perte de temps pour une fille+", avoue Sadia Lawali Kaché, 17 ans. "Nous ne sommes pas une catégorie de femmes à part !"

"Garçon manqué"

La gardienne internationale Kadidja Ousmane, 19 ans, raconte : "Les gens me traitaient de garçon manqué et disaient: +une fille ne doit pas jouer au ballon+. Moi, je ne les écoutais pas. Et lorsque j'ai commencé à voyager à l'étranger pour disputer des matches, les mêmes gens disaient : +pourquoi tu voyages beaucoup?+ et je leur répondais : +c'est grâce à ce même football-là+".

"Si je touche des primes de matches, je donne une part à ma mère et elle prie pour moi", confie Kadidja, qui rêve d'une carrière professionnelle à l'étranger.

Consciente du retard accusé par le football féminin, la Fédération nigérienne, soutenue par la FIFA, des ONG et des chancelleries étrangères, tente de faire bouger les lignes à travers des tournois, des dons d'équipements et en cherchant à sensibiliser les parents.

Faouzia, qui va passer son Bac cette année, continue elle de taper dans le ballon et annonce : "Je dis aux parents: +laissez vos enfants jouer, le foot rend aussi intelligent !+"

AFP/VNA/CVN

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