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Les membres du jury prennent la pose lors de la cérémonie d'ouverture de la Mostra de Venise, le 2 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Gloria Garbisa, une Vénitienne qui suit le festival depuis 24 ans, fait sagement la queue à l'un des check-points d'accès près du palais du cinéma : des policiers mesurent la température, contrôlent le port du masque et vérifient les accréditations.
"Je sais que c'est pour notre bien, mais ça me rend triste de voir notre liberté se réduire comme peau de chagrin... Avant on allait où on voulait, sans contrôle, sans police. Voir des uniformes à un festival, ce n'est pas normal", se lamente Gloria en réajustant son masque sous d'énormes lunettes de soleil.
"Relevez votre masque, y compris sur le nez", lance d'ailleurs un agent agacé à un dandy septuagénaire. "Mais on est dehors", s'exclame le récalcitrant. "Le masque, c'est tout le temps, dedans ET dehors !" lui rétorque-t-on.
Entre la distance d'au moins un mètre dans les files d'attente, le masque dissimulant la bouche et un fauteuil sur deux condamné d'office dans les salles de projection, difficile pour les participants d'engager la conversation. Sauf peut-être pour morigéner un malheureux qui vous frôle de trop près ou un petit malin qui ôte son masque dès que l'obscurité tombe dans la salle.
La présidente du jury Cate Blanchett (gauche) et l'acteur américain Matt Dillon (droite) conversent avant la cérémonie d'ouverture le 2 septembre de la Mostra de Venise. |
Le tapis rouge, déroulé devant le Palais face à la mer, n'est plus que l'ombre de lui-même, dissimulé par un mur gris pour empêcher les attroupements de curieux.
"Le public cette année n'est pas là, tout a été mis à distance, désinfecté", confirme Alberto Pizzoli, un photographe qui couvre depuis des années pour l'AFP la Mostra, mais aussi son rival Cannes.
"Il n'y a pas de public, donc il nous manque toute une série de photos que nous avions dans le passé, quand les acteurs s'approchaient du public pour signer des autographes", explique-t-il.
Masque noir sur tapis rouge
"Et c'était un moment important : les grands acteurs passaient 10-15 minutes à signer des autographes, de même qu'ils posaient au moment de leur arrivée pour quelques selfies", se souvient-il. En plus, "quand les acteurs se promènent dans la rue, ils portent un masque, donc on ne les reconnaît pas tout de suite".
Le cinéaste Pedro Almodovar (2e , gauche) signe un autographe en respectant les distances de sécurité à Venise le 3 septembre sous les yeux de l'actrice britannique Tilda Swinton. |
Arrivé jeudi 3 septembre sur le Lido, le réalisateur espagnol Pedro "Almodovar a été le premier que j'ai vu signer un autographe : il marchait de son hôtel jusqu'au Palais", raconte Alberto, qui confie avoir dû acheter un masque noir, une couleur imposée par la direction du festival en plus de l'habituelle tenue de soirée de rigueur sur le tapis rouge.
L'ambiance générale sur le Lido s'en ressent : "Les disputes avec les attachés de presse, qui interviennent d'habitude au bout d'une semaine à cause de la fatigue, ont commencé dès le premier jour", observe Alberto.
La situation n'est pas plus fluide du côté des journalistes et critiques, qui doivent obligatoirement réserver sur un site dédié leurs places, toutes numérotées, aux projections et aux conférences de presse. Impossible de s'asseoir où l'on veut pour retrouver confrères et consœurs : de toute façon, on se retrouve toujours encadré par deux sièges vides.
Même dans l'intimité rassurante des salles obscures, des vigiles courtois mais fermes ramènent illico à leur place les brebis égarées, ce qui ne va sans quelques algarades ponctuée de jurons bien sentis.
Pas de trêve non plus en soirée dans le périmètre du festival, comme en témoigne cette scène mercredi soir dans une rue à deux pas du Palais : un policier hèle deux jeunes femmes marchant un cône de glace à la main, "Mesdames, le masque s'il vous plaît ?" Réponse : "Mais on mange une glace !" Conclusion sans appel : "Il fallait la manger sur place chez le glacier !"
Au pays du "gelato", ce serait presque un crime dans des circonstances normales, mais le COVID-19 est passé par là et a tout changé.
AFP/VNA/CVN