Mettre en valeur la soie vietnamienne

Peu vendues sur le marché domestique, les soieries vietnamiennes dominent pourtant largement celles des autres pays de la région en termes de qualité. Solutions pour que cet artisanat donne la pleine mesure de ses capacités.

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La soie de Bao Lôc est belle, brillante et veloutée.
Photo : CTV/CVN

La sériciculture et le tissage de la soie sont des métiers traditionnels. Cependant, avec le développement de l’économie de marché et l’intégration du pays dans les flux internationaux, les habitants n’ont plus besoin de cultiver des plantes leur fournissant du tissu. Il leur suffit simplement d’aller aux marchés pour s’approvisionner en soie chinoise ou en tissu synthétique. De nombreuses boutiques de souvenirs et même certains villages de métier traditionnel spécialisés dans la soie vendent des soieries chinoises produites à bas prix et proposant davantage de motifs.

Selon la styliste Minh Hanh, le mouvement de mode international considère les matières naturelles comme les plus nobles en raison de leurs impacts positifs sur la santé et l’environnement. Il devrait donc maintenir la demande mondiale en soie. En effet, le débouché semble stable dans les pays utilisant traditionnellement beaucoup de soie (Japon, Chine, Inde, Pakistan notamment) et en progression rapide sur les marchés européens et sud-américains.

Pourtant, le marché vietnamien reste apathique et ce principalement en raison du fait qu’étant une fibre protéique naturelle d’origine animale, la soie s’adapte à tous les climats. Elle est ainsi massivement exportée sans laisser aux Vietnamiens l’occasion d’en utiliser autant qu’ils voudraient. La styliste insiste sur le fait qu’il faudrait encourager les Vietnamiens à découvrir et à consommer ce joyau de l’artisanat national.

D’ailleurs, pour elle, les stylistes devraient être le fer de lance de cette promotion en dessinant des vêtements rendant justice à la qualité de la soie vietnamienne. "Pour développer de façon durable la sériciculture et le tissage de la soie au Vietnam, il faudrait que stylistes et instituts de stylisme créent des produits 100% made in Vietnam", explique Lê Thai Vu, membre du Comité exécutif de l’Association nationale de la sériciculture et du tissage de la soie.

À la conquête des marchés étrangers

Alors que les soies vietnamiennes rencontrent l’indifférence des Vietnamiens, elles sont très appréciées à l’étranger et dominent largement celles des autres pays de la région en termes de qualité.

Soyeuse, douce, colorée, chaude en hiver et fraîche en été, la soie de la ville de Bao Lôc, province de Lâm Dông (hauts plateaux du Centre), est prisée sur de nombreux marchés étrangers, y compris les plus exigeants comme la France, l’Italie ou le Japon. Cette qualité provient de trois éléments : l’utilisation de fils de soie naturels, l’application de meilleures techniques de tissage modernes, l’œil expert de tisseurs qualifiés.

Selon Dang Vinh Tho, président de l’Association de la sériciculture et du tissage de la soie du Vietnam, la plupart des usines de production de soie du pays se trouvent à Bao Lôc, avec 40 usines de fil de soie et six de tissage. Elles sont toutes équipées de machines modernes japonaises ou chinoises.

En 2017, Bao Lôc a produit 1.700 tonnes de fils de soie et six millions de mètres carrés de tissu, soit 70% de la production totale du pays.

"Auparavant, la qualité de la soie était plutôt médiocre en raison d’une production artisanale. Actuellement, les équipements modernes per-mettent d’améliorer sensiblement la qualité du produit fini, celui-ci répondant désormais aux exigences des marchés les plus difficiles. Nos produits sont exportés au Japon et en Inde", confie avec enthousiasme Huynh Tân Phuoc, directeur de la Sarl de la soie Nhât Minh.

Pour sa part, la directrice de la Société du tissage de la soie Hà Bao, Hà Thi Hoa, a fait savoir que ses machines fonctionnaient toujours à pleine capacité. En 2017, elle a ainsi produit 700.000 m² de soie, essen-tiellement à destination du Japon.

Une offre bien en deçà des besoins

Représentation de "ao dài" en soie de Bao Lôc.
Photo : thanhnien/CVN

"Récemment, ma collection de produits en soie, présentée en Suisse, a attiré l’attention des invités qui les ont comparés avec ceux issus de grandes enseignes de la mode", raconte la styliste Minh Hanh. Malheureusement, il est impossible de trouver des pièces de soie "made in Vietnam" car elles sont systématiquement exportées sous le nom des marques qui les achètent. "Si la production de Bao Lôc est relativement importante, au final très peu de personnes, y compris parmi les professionnels, connaissent la provenance de ces étoffes en soie. C’est vraiment dommage", se plaint la styliste.

À propos de cette situation, certains experts expliquent que le secteur de la sériciculture et du tissage de la soie du Vietnam, actuellement en voie de restauration après des dizaines d’années de crise, montre encore des faiblesses. Malgré la montée en sophistication des outils utilisés, la production reste encore limitée. C’est pour cette raison que, chaque année, plus de 1.000 tonnes de fibre de soie doivent être importées afin de satisfaire à la demande.

"Actuellement, le rendement des cocons de ver à soie ne répond qu’à 70% de la capacité de production des usines. Celles-ci doivent importer du fil pour ne pas tourner à vide", analyse Dang Vinh Tho.

Étant partenaire des usines de production de soie de Bao Lôc depuis longtemps, Kosho Matsunaga, directeur général de la compagnie japonaise Matsumura, estime que c’est le moment pour le Vietnam d’affirmer son savoir-faire dans le domaine de la soie, d’en faire la publicité et surtout de le transformer en argument commercial via un label. Il pense par ailleurs que les conditions de production à Bao Lôc sont suffisamment propices pour espérer dix récoltes de ver par an, raison pour laquelle il faudrait planter plus de mûriers.

"Le Vietnam pourrait miser sur l’industrie de la soie car les besoins mondiaux ont doublé ces 20 dernières années. En 2016, la production mondiale de fil a atteint 132.000 tonnes contre 78.000 tonnes en 2000", suggère le chef de la compagnie Matsumura.

Huong Linh/CVN

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