Mékong : un delta sans crues

Ces dernières années, le delta du Mékong n'a pas connu de crues importantes. Or, celles-ci étaient pourtant l'une des principales caractéristiques de cette région.

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Le très bas niveau de crues à An Phu, province d'An Giang (delta du Mékong), bouleverse les activités agricoles de la région.
Photo : Manh Linh/VNA/CVN

Le manquement à ce qui jusque-là avait toujours agi comme un régulateur exerce bien sûr des impacts sur l'agriculture, et pas seulement en termes de ressources aquicoles : à mesure que la terre devient aride, elle se salinise.

La solution pour faire face à cette situation inédite tient en deux mots : restructuration agricole.C'est grâce aux crues que le delta du Mékong s'est formé, celles-ci ayant contribué à enrichir son écosystème. D'ordinaire, les crues déversent les alluvions du Mékong sur les terres, ce qui a pour effet de les fertiliser.

Alors qu'en est-il aujourd'hui ? Eh bien aujourd’hui, à cause du changement climatique et de la présence de barrages hydro-électriques en amont, la physionomie des régions situées en aval se trouve bouleversée, à tel point que les habitants du delta doivent se reconvertir. Dô Van Liêt, par exemple. Jusqu'à présent, il vivait de la pêche en saison des crues. Mais maintenant, il n'y songe même plus...

«La pêche ? Plus aucun avenir, ici. De toute façon, il n'y a plus assez d'eau pour élever des poissons. Des anguilles, à la rigueur, et encore... Non, maintenant, ce qu'on peut faire, c'est élever de bovidés. On peut même obtenir des crédits, pour ça».

Alors, que peut-on faire, maintenant que les crues se conjuguent au passé ? Cultiver des plantes nécessitant peu d'eau, forcément. C'est d'ailleurs ce à quoi s'emploient les habitants du delta, conscients que leur avenir dépend de leur capacité à s'adapter et à faire face à l'urgence. Pour l'instant, il s'agit de réorganiser la production agricole en faisant en sorte de rehausser sa valeur: faire moins, mais mieux.

Pour le Dr Duong Van Ni, qui travaille à la Faculté de l’environnement et des ressources naturelles de l’Université de Cân Tho, la question n'est plus de savoir si la quantité d'alluvions charriées par le Mékong va revenir à la normale, mais de savoir comment faire face à leur inexorable raréfaction. «Compte tenu de tous les barrages qui ont été installés en amont et sur les confluents du Mékong, la quantité d’alluvions a diminué de moitié. Et ce n'est pas fini, des barrages, il y en aura d'autres. Ce n'est pas la peine de se faire d'illusions à ce sujet», a-t-il déploré.

Restructuration agricole à long terme

En absence de crues importantes, les paysans du delta du Mékong ne peuvent plus assurer la quantité pêchée.
Photo : Manh Linh/VNA/CVN

Jusqu'à présent, le défi, pour les agriculteurs du delta, était de vivre avec les crues et de savoir en tirer le meilleur parti. Mais maintenant, le défi, c'est de s'en passer... Parmi les solutions qui ont été trouvées, on peut citer l'élevage des anguilles dans des bassins en terre, celui des grenouilles et des poissons de rizières dans des cages en bambou, ou encore celui des coquillages dans les rizières. D'après Nguyên Hiêu Trung, directeur adjoint de la Faculté de recherche sur le changement climatique de l’Université de Cân Tho, «il faut mener des études en amont du delta pour pouvoir se faire une idée des possibilités d'adaptation en aval. Il faut voir comment l'eau est utilisée, mesurer la pluviométrie... Comme ça, on peut anticiper des phénomènes climatiques et pallier à leurs conséquences».

Ce qui est certain, c'est que les localités concernées par tous ces bouleversements doivent absolument devenir autonomes en eau, ce qui suppose la création de réservoirs, de canaux d'évacuation, de dispositifs permettant de préserver les nappes phréatiques.

Naturellement, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural n'est pas resté les bras croisés. Il a été l'un des tous premiers à se porter au chevet du delta et à lui proposer des remèdes qui, aujourd'hui, commencent à montrer leur efficacité. Le delta est de toute façon condamné à évoluer et à réorganiser sa production agricole. Force est de constater qu'il s'y emploie avec une belle énergie. Partout, les agriculteurs retroussent leurs manches. «Plus de crues ? Eh bien qu'à cela ne tienne !», semblent-ils nous dire...


NDEL/VNA/CVN

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