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Des masques faits maison, le 30 avril à Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Masques, visières, surblouses, la crise sanitaire a vu un essor inédit du "faites-le vous-même", d'abord pour venir en aide aux soignants, puis aux commerçants et au grand public. Mais quand l'Etat reprend du terrain viennent les normes techniques, les certifications et le cadre administratif.
"On a créé dans l'urgence, fait de l'artisanal, pour rendre service" : fin mars, Antonin Tailhandier a développé en cinq jours avec la youtubeuse Heliox la plateforme Covid3d.fr pour réunir les "makers" (des bricoleurs de nouvelles technologies) prêts à faire du matériel de protection.
Mais début mai, "lorsque le gouvernement sort des notices de visière, on comprend qu'on ne peut plus appeler nos produits des +visières de protection+ mais des +équipements anti-projection+, qu'il ne doit plus y avoir la mention du mot +covid+ nulle part, et qu'il faut faire signer des décharges".
Antonin Tailhandier abandonne, estimant "avoir rendu service au moment où on en avait le plus besoin. Il valait mieux fermer le site pour se protéger" car "si demain un demandeur attrape le coronavirus alors qu'il a porté une visière, il peut se retourner contre nous".
Même "peur des poursuites" pour Alexandre Hennic, qui a suspendu sa production "maison" de visières à la mi-mai. "S'il faut que je fasse une décharge, une notice d'emploi, que je vérifie que ce soit signé et qu'après il y a encore un risque..." regrette cet habitant des Deux-Sèvres.
Contactée par l'AFP, la direction générale des entreprises (DGE) explique que "sous réserve de ne pas revendiquer de capacité de protection ou de filtration, les masques et visières +faits maison+ ou produits de manière artisanale peuvent tout à fait être mis sur le marché".
Mais pour beaucoup, l'homologation officielle - qui permet d'apposer le nom "masques grand public" - et son test payant, a sonné comme une mise à l'arrêt.
Obag, une entreprise d'emballage en tissu qui avait décidé de fabriquer bénévolement des masques dans son atelier parisien, avait beau avoir respecté le cahier des charges officiel, celui de l'Afnor, l'Association française de normalisation, elle a renoncé à les distribuer.
"Déferlante d'abandons"
"On s'est fait confisquer le marché, parce qu'on n'a pas la certification du nombre de lavages. Il faut débourser 1.150 euros pour faire tester son modèle !", explique sa dirigeante Bérangère Marcellin.
Des visières de protection dans un service des urgences, le 27 avril à Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'Afnor avait en effet publié le 27 mars un modèle de masque en tissu, pour éviter la fabrication des "masques au mieux inefficaces, au pire dangereux pour le porteur".
Si l'association "émet des recommandations", elle "ne réalise pas de tests, d'homologation ou de certifications", indique Olivier Gibert, son porte-parole.
"L'ambition était d'apporter une réponse aux industriels, on a été surpris de l'engouement des particuliers", ajoute-t-il : le modèle a été téléchargé par 1,3 million de personnes.
Parmi elles, Céline Balcaen. Cette couturière de l'Oise s'était lancée dans la confection gratuite de masques.
"J'ai équipé des boulangers, des artisans, des chauffeurs de taxi... On est responsable de son produit. S'il s'avère que votre masque est testé, défectueux, ça devient très litigieux".
Pour les fabricants qui n'auraient pas reçu l'homologation "grand public", la DGE a demandé de "veiller à ne revendiquer aucune performance qu'ils ne sont pas capables de démontrer. Il s'agirait d'une pratique commerciale trompeuse".
Il y a eu "une déferlante d'abandons", relève Fabricommuns, une application de mise en relation entre "makers" et "demandeurs" qui se targue d'avoir fourni 350.000 visières, 28.000 masques en tissu et 800.000 surblouses.
"Parfois un maker est chez lui, il pense œuvrer pour le bien commun mais il ne se rend pas compte de sa responsabilité", estime Stéphanie Vincent, cheffe de projet chez Fabricommuns.
L'application encourage cependant les bénévoles à continuer à produire : "l'action a encore besoin d'exister", en faisant signer la fameuse "décharge de remise aux bénéficiaires qui indique que ça ne correspond pas à tel masque produit par l'industrie", précise Stéphanie Vincent.