>>Après la Maison Blanche, l'armée américaine affectée par le COVID
>>Le Pentagone va réduire ses effectifs à moins de 5.000 soldats américains fin novembre
Le ministre américain de la Défense, Mark Esper, le 20 juillet lors d'une conférence de presse en Floride. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Mark Esper est limogé. Je le remercie pour son travail", a tweeté le président américain Donald Trump, qui refuse toujours d'admettre sa défaite deux jours après l'annonce par les médias de sa défaite face à Joe Biden à la présidentielle américaine.
Ancien camarade de classe à l'académie militaire de West Point du très influent chef de la diplomatie Mike Pompeo, Mark Esper, 56 ans, n'était pas le premier choix du président américain après la démission fracassante de Jim Mattis fin 2018.
C'est vers un ancien de Boeing, Patrick Shanahan, que le président se tourne pour diriger la première armée du monde. Mais un scandale familial le fait renoncer au poste et le président Trump choisit alors le secrétaire à l'armée de terre pour lui succéder en juillet 2019.
Ce gestionnaire a toutefois du mal à résister au bouillant Donald Trump, au point que des élus du Congrès finiront par l'affubler du surnom "Yesper" (Oui-sper).
Quand le président américain sape l'autorité de la justice militaire en novembre 2019 en exigeant d'exonérer de crimes de guerre un soldat, Edward Gallagher, dont le cas était défendu par la chaîne conservatrice Fox New, le ministre de la Défense s'incline.
Quand M. Trump ponctionne le budget militaire pour le mur qu'il fait ériger à la frontière avec le Mexique, M. Esper annule début 2020 l'achat de plusieurs avions furtifs F-35 et de drones pour débloquer 3,8 milliards d'USD.
Alors que Jim Mattis avait démissionné pour protester contre le retrait de Syrie, Mark Esper obtempère lorsque Donald Trump rappelle en octobre 2019 les forces américaines déployées dans le Nord-Est syrien, avant de leur ordonner de rester pour "protéger le pétrole".
Ce sont les manifestations monstres du printemps, après la mort fin mai d'un Afro-Américain, George Floyd, tué par policier blanc lors de son arrestation, qui vont précipiter la perte de Mark Esper.
Il donne d'abord des gages au président républicain en pré-positionnant près de Washington des renforts militaires. Il parle des rues de la capitale fédérale comme d'un "champ de bataille" et s'affiche auprès de M. Trump lorsque celui-ci se fait photographier devant une église après la dispersion brutale d'une manifestation près de la Maison Blanche.
Divorce
Mais au sein de l'armée américaine, considérée comme un ascenseur social et où les minorités sont largement représentées, l'incident provoque le malaise. Plusieurs officiers noirs de haut rang expriment publiquement leur soutien aux manifestants.
Deux jours plus tard, le chef du Pentagone désamorce la crise en s'opposant publiquement au déploiement de l'armée pour réprimer les manifestations.
"Je ne suis pas favorable à décréter l'état d'insurrection", déclare-t-il, en référence au seul décret qui permettrait légalement au président de déployer des soldats d'active face à des citoyens américains, et non plus des réservistes de la Garde nationale.
Le directeur du Centre national du contre-terrorisme Christopher Miller lors d'une audition au Sénat le 24 septembre 2020 à Washington. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le divorce avec Donald Trump est consommé.
En août, le président américain commence à évoquer publiquement son possible limogeage.
Sa perte d'influence devient palpable. C'est le chef de la diplomatie, Mike Pompeo, qui inaugure une base navale. Donald Trump adopte l'idée de l'ancien ambassadeur des États-Unis à Berlin, Richard Grenell, de réduire la présence militaire américaine en Allemagne et M. Esper n'a plus qu'à s'exécuter.
C'est le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Robert O'Brien, qui annonce en octobre le projet de ramener à 2.500 le nombre de soldats en Afghanistan début 2021, contredisant le chef d'état-major, le général Mark Milley.
Le chef du Pentagone devient ultra-prudent, presque effacé. Il ne donne plus de conférence de presse, n'accorde plus d'interview. Il ne prononce que des discours préparés à l'avance, ne parle aux journalistes que sous le couvert de l'anonymat.
Les rumeurs sur son limogeage se multipliant à l'approche de l'élection présidentielle, il accorde pourtant une dernière interview au journal spécialisé Military Times le 4 novembre, au lendemain du scrutin.
"En définitive, il faut savoir choisir ses batailles", dit-il dans cet entretien publié lundi 9 novembre. "Je pourrais me battre sur tout (...) Mais pourquoi? Qui prendra ma place? Ce sera un vrai +Monsieur Oui+. Et là, que Dieu nous garde".
Mark Esper est remplacé par le directeur du centre national de contre-terrorisme, Christopher Miller, qui devient ministre par intérim jusqu'au 20 janvier 2021.