Manger pour vivre ou vivre pour manger

Une maxime occidentale dit : «Manger pour vivre et non pas vivre pour manger». Au point de vue moral, ces conseils sont très justes et il n’y a rien à ajouter. Car si on vit seulement pour manger, l’homme perd tout le caractère humain et revient à l’instinct bestial.

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Les repas, ce sont aussi l’heure de réunion familiale et de bonheur.
Photo : CTV/CVN

Ces paroles devraient rappeler à l’ordre au Vietnam un certain nombre de personnes et de couches sociales dont le niveau de vie a été surélevé à partir de la politique de rénovation avec l’économie de marché. Chaque ration alimentaire des spéculateurs, des cupides et des tracassiers peut nourrir un paysan pauvre durant une année, «les fils et les filles à papa» dépensent pour fêter leurs anniversaires de naissance les rémunérations d’un ouvrier pendant deux ou trois trimestres. Certaines familles de fonctionnaires des villes célèbrent le mariage de leurs enfants avec quelques lang vàng, lingots d’or.

Société de consommation

Dans n’importe quelle société, il y a toujours des individus ou des couches sociales ayant la capacité de faire ripaille à grand frais. Particulièrement, dans la deuxième moitié du XXe siècle, plusieurs pays occidentaux, mais aussi le Japon, sont déjà entrés dans la «société de consommation». C’est pourquoi la question «manger pour ne pas mourir» n’est plus un problème pour 90% de la population. Au Vietnam, de telles personnes sont de plus en plus nombreuses. Parmi ces gens, cette maxime «Manger pour vivre et non pas vivre pour manger» reste encore exacte, mais seulement à moitié si l’on pense au côté culturel du manger et du boire.

Le manger, c’est aussi la culture, chaque peuple a son propre art gastronomique. Dans son étude sur la civilisation capitaliste, l’historien français F. Braudel a approfondi les recherches sur l’alimentation. L’anthropologue Lévi-Strauss a analysé la question du «manger cru» au «manger cuit», et le passage de l’humanité de «l’ère sauvage» à «l’ère civilisée».

Au Vietnam ou dans d’autres pays, la préparation des plats devient un art à part entière.
Photo : Quôc Dung/VNA/CVN

Société gastronomique

Au début du XIXe siècle, en France, le juge Brillat-Savarin, un fin gourmet se délectant de la philosophie, écrivait un livre intitulé La physiologie du goût ou Méditations sur l’art gastronomique transcendant dans lequel il a fait des observations spirituelles et approfondies : «Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es» ou «Inviter une personne à sa table c’est être responsable de son bonheur sous le toit de ta famille». Cette phrase a mis en vedette la signification de la morale de la société gastronomique et son caractère culturel. Je voudrais vous raconter un repas chez une amie française à Paris pour mieux le démontrer.

L’hôtesse est Marie Louise Cachin, avocate, fille de Marcel Cachin, éminent membre du Parti communiste français, qui plaidoyait pour les Vietnamiens patriotes résidant en France, tels que Duong Bach Mai et Nguyên Khac Viên. Son mari est aussi avocat. Ils sont déjà âgés et demeurent dans une rue tranquille du 7e arrondissement. La poète Françoise Corèze et moi sommes allés chez les époux Cachin vers 17h00-18h00. C’est une invitation cordiale. Après avoir causé dans le salon décoré de tableaux anciens, nous passons à table pour le dîner. Tout le monde s’assoit sur des chaises en bois autour d’une table elle aussi en bois de style ancien. La vaisselle est aussi ancienne.

On est au mois de juin, la lueur crépusculaire éclaire la pièce à travers les rideaux des fenêtres. L’hôtesse laisse les lampes éteintes pour ne pas troubler la quiétude de la soirée. Elle est atteinte d’une maladie très grave et chaque déplacement lui est pénible, mais son mari et nous-mêmes connaissons son comportement et consentons à la laisser s’affairer et nous servir en nous apportant les mets. Ces derniers sont simples mais de bon goût, s’accordant bien aux différents vins. Notre hôtesse mange tout en nous servant et marque le rythme de la conversation pour préserver l’atmosphère intime. Ce repas a dépassé le sens «manger pour vivre». Ce qui nous a réunis autour d’une table, c’est, au-delà du «manger», l’affection mutuelle. Quand au goût pour l’art culinaire, notre hôtesse s’était surpassée en nous offrant des mets vietnamiens excellents.

Huu Ngoc/CVN

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