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Le président français Emmanuel Macron à Brest, le 19 janvier 2021. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"On est là. On vous écoute. On vous croit", déclare le chef de l'État en s'adressant à ces victimes dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux suivie de tweets.
"Le silence construit par les criminels et les lâchetés successives, enfin, explose", ajoute-t-il, en saluant le "courage d’une sœur qui n’en pouvait plus de se taire".
Il fait ainsi référence, sans la nommer, à Camille Kouchner qui accuse, dans le récit autobiographique "La Familia Grande", son beau-père Olivier Duhamel, politologue de renom, d'avoir agressé sexuellement son jumeau "Victor" à la fin des années 1980. Le choc provoqué par ce livre a rouvert le débat sur l'inceste, un sujet profondément tabou, et suscité de très nombreux témoignages sur Twitter avec le hashtag #Metooinceste.
"C'est aujourd’hui à nous d'agir", souligne Emmanuel Macron, qui ne veut laisser "aucun répit aux agresseurs".
Patrick Loiseleur, vice-président de l'association Face à l'inceste, s'est aussitôt félicité que "le président de la République reprenne la parole sur ce sujet", après une précédente intervention à l'automne 2017. "C'était attendu, vu l'ampleur du mouvement de société."
La psychiatre Muriel Salmona, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, s'est dite "soulagée" qu'Emmanuel Macron réagisse "enfin au mouvement historique #Metooinceste". Et d'ajouter sur Twitter : "Mais surtout ne nous décevez pas".
Détection et accompagnement
L'actrice française Alexandra Lamy le 2 mai 2017 à Los Angeles, en Californie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pour adapter "notre droit", Emmanuel Macron demande au garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, et au secrétaire d'État à l'Enfance et aux Familles Adrien Taquet d'engager "dès lundi une consultation afin d’approfondir les pistes qui permettront de renforcer la loi pour mieux punir les auteurs et qu’il ne soit plus possible d’entendre qu’un enfant consent à une relation sexuelle avec un adulte", selon le cabinet de M. Taquet.
Plusieurs voix se sont élevées ces dernières semaines pour rendre le crime d'inceste imprescriptible. Au moment où se sont déroulées les agressions que "Victor" dit avoir subies à la fin des années 1980, la loi prévoyait qu'une victime mineure pouvait porter plainte pour "viol par ascendant" pendant dix ans à compter de sa majorité. Deux lois, depuis, ont allongé ce délai de prescription, à 20 ans en 2004 puis 30 ans en 2018, mais elles ne sont pas applicables aux faits déjà prescrits.
Jeudi, le Sénat a voté une proposition de loi visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans, enrichie en dernière minute par des mesures spécifiques à la lutte contre l'inceste.
Ce vote suscite des critiques sur les réseaux sociaux car il n'irait pas assez loin. Des femmes ont publié des photos d'elles jeunes : "J’ai 13 ans. J’ai une tête à consentir à une relation sexuelle ?", a twitté l'actrice Alexandra Lamy.
Emmanuel Macron annonce également une série de mesures pour mieux détecter ces violences "en saisissant chaque signe, parfois en allant chercher ces signes, ces paroles, en demandant aux enfants à l’école, à l’hôpital, en rendant possible chaque parole, car tout ce qui semble anormal doit pouvoir être dit".
C'est ainsi que seront mis en place deux rendez-vous de dépistage et de prévention - l’un au primaire, l’autre au collège - dans le cycle de visites médicales obligatoires existantes.
Cette mesure est "capitale" car "plus on fait un dépistage tôt, plus on peut intervenir rapidement et limiter les dégâts", souligne Patrick Loiseleur.
Par ailleurs, pour "accompagner la reconstruction", les "soins psychologiques des enfants victimes de violences sexuelles seront remboursés", annonce le président.
Il indique aussi qu'une mission pour "recueillir les témoignages et protéger les victimes" est confiée à Edouard Durand, juge des enfants au tribunal de Bobigny et à Nathalie Mathieu, directrice de l’association Docteurs Bru, spécialisée dans l’accueil des enfants victime d'inceste. Ces derniers prennent la succession de l'ancienne ministre Elisabeth Guigou, qui a renoncé le 13 janvier à présider la commission indépendante sur l'inceste après avoir été citée parmi les proches d'Olivier Duhamel.