>>Le PM italien réitère son appel à la mutualisation des dettes européennes
>>L'UE aura besoin de 500 milliards d'euros supplémentaires pour se remettre
La chancelière allemande Angela Merkel écoute le président français Emmanuel Macron lors visioconférence à Berlin, le 18 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Pour soutenir une reprise durable qui rétablisse et renforce la croissance dans l'UE, l'Allemagne et la France soutiennent la création d'un Fonds de relance ambitieux, temporaire et ciblé" dans le cadre du prochain budget de l'UE doté "de 500 milliards d'euros", souligne une déclaration commune.
Élément inédit dans la construction européenne : Paris comme Berlin proposent que ce soutien soit financé par des emprunts de la Commission sur les marchés "au nom de l'UE".
Cet argent sera ensuite reversé en "dépenses budgétaires" aux pays européens et "aux secteurs et régions les plus touchés", souligne la déclaration.
"Ces 500 milliards ne seront pas remboursés par les bénéficiaires de ceux qui utiliseront cet argent", a affirmé le président français Emmanuel Macron dans une conférence de presse commune avec la chancelière allemande Angela Merkel. "Ce ne seront pas des prêts mais des dotations" directes aux pays les plus touchés, a-t-il martelé.
La portée politique d'une telle proposition est très forte, pour une UE qui s'était déchirée, presque jusqu'au point de rupture, lors de la crise financière et le Grexit, sur l'épineuse question de la mutualisation des dettes.
"C'est vraiment important", a réagi sur Twitter Jacob F Kirkegaard du Peterson Institute for International Economics. "Signal historique" pour Henrik Enderlein, directeur du Centre, Jacques Delors, de Berlin.
Pour l'économiste Jean Pisani-Ferry, c'est un "+reboot+ pour le couple franco-allemand. Impressionnant. Maintenant commence le plus dur: la négociation de l'UE à 27".
L'Autriche veut des "prêts"
Un tel plan constituerait ainsi un pas inédit vers une mutualisation de la dette au niveau européen, à laquelle Berlin mais aussi des pays de l'Europe du Nord ont longtemps été hostiles.
"La France et l'Allemagne se positionnent en faveur de la solidarité" européenne, a souligné Mme Merkel, en reconnaissant que la proposition était "courageuse" et susceptible de s'attirer des critiques notamment en Allemagne.
Ces 500 milliards viendraient s'ajouter aux 500 milliards environ déjà décidés par les ministres des Finances de la zone euro et constitués de capacités de prêts notamment.
Au total, l'Europe débloquerait donc environ 1.000 milliards d'euros pour contrer la récession historique qui se profile pour 2020 dans la zone euro (-7,7% selon les dernières prévisions de la Commission).
Reste désormais au couple franco-allemand à convaincre l'ensemble des États membres de l'UE.
Une serveuse masquée et des clients attablés à la terrasse d'un café à Rome, le 18 mai. |
La négociation à 27 pourrait être délicate, suivant les lignes de fracture traditionnelle de l'Union entre pays du "Nord" et du "Sud".
Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a réagi sur Twitter en disant qu'il était favorable à des "prêts", et qu'il ne voulait pas d'augmentation du budget de l'UE mais une redistribution de ses ressources.
Il s'est entretenu sur ce sujet avec les dirigeants du Danemark, des Pays-Bas et de Suède, autres pays susceptibles de s'opposer à la proposition franco-allemande.
L'entourage du Premier ministre italien Giuseppe Conte comme le gouvernement espagnol ont eux salué "un pas dans la bonne direction", que les deux pays appelaient de leurs voeux.
"Moment hamiltonien" ?
"Les propositions franco-allemandes sont ambitieuses, ciblées et bienvenues", s'est félicitée la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'est également "réjouie de la proposition constructive de la France et de l'Allemagne".
Elle doit elle-même présenter le 27 mai prochain son propre plan pour la relance économique de l'UE. "Cette proposition (franco-allemande) va dans le sens de celle préparée par la Commission, laquelle tiendra également compte des points de vue de tous les États membres et du Parlement européen", a-t-elle ajouté.
De cette Europe unie, doit naître une "Europe de la santé", ont aussi souhaité Paris et Berlin.
"Notre volonté est de doter l'Europe de compétences très concrètes en matière de santé. Avec des stocks communs de masques et de tests, des capacités d'achats communes et coordonnées pour les traitements et les vaccins, des plans de prévention partagés des épidémies, des méthodes communes pour recenser les cas. Cette Europe de la santé n'a jamais existé, elle doit devenir notre priorité", a lancé M. Macron.
Pour M. Enderlein, "ce qui compte le plus aujourd'hui, c'est que France et Allemagne sont d'accord pour que dans une crise, l'UE puisse émettre sa propre dette à grande échelle. Le signal politique est que l'UE est plus qu'un groupe d'États nation et a sa propre identité fédérale. Nous avons peut-être assisté à un moment Hamiltonien", en référence à Alexander Hamilton, secrétaire du Trésor qui fut un des pères du fédéralisme américain en centralisant les dettes des États dans les années 1790.
AFP/VNA/CVN