Lutte suisse : les femmes aussi veulent porter la culotte

La lutte suisse, sa culotte de jute et sa chemise à edelweiss étaient une affaire d’hommes depuis des siècles. Mais les femmes, de plus en plus nombreuses, veulent aussi en découdre dans la sciure de bois.

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Deux femmes s’adonnent à la lutte suisse à Romanel-sur-Lausanne, en Suisse. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Schwingen, le nom allemand du plus suisse des sports pratiqués dans le pays alpin, voit deux concurrents essayer de plaquer l’adversaire sur ses omoplates, tout en agrippant sa culotte d’une main. Si 6.000 hommes sont licenciés, il n’y a que 200 femmes et filles officiellement inscrites et face aux traditions bien ancrées, elles ont été forcées de créer leurs propres compétitions, même si la pratique est identique.

Mais pour beaucoup une union entre les deux circuits n’est qu’une question de temps. Les juges, les familles et les lieux de compétition sont très souvent les mêmes.

Mais pas encore cette année. L’épreuve masculine de la grande fête romande de lutte - dans la partie francophone de la Suisse - s’est déroulée au lendemain de l’épreuve féminine... sur les quatre mêmes anneaux couverts de sciure de bois à Romanel-sur-Lausanne.

Les lutteuses "ne sont toujours pas acceptées parmi les hommes pas dans la même fédération, constate Anne Cardinaux, présidente du comité d’organisation, mais elles essaieront d’y arriver un jour".

Priorité au direct

Si quelques milliers de spectateurs étaient attendus pour voir les hommes, ils étaient seulement quelques centaines la veille.

Isabel Egli (gauche) pose auprès de la génisse qu’elle a remportée au Festival de lutte suisse de Romanel-sur-Lausanne, en Suisse. 
Photo : AFP/VNA/CVN

"On expose le sport. Des gens qui ne le connaissent pas le découvrent", informe Brigitte Foulk, porte-parole de l’Association romande de lutte suisse féminine, fondée en 2019. Et la poignée originale de lutteuses dans l’Ouest francophone est maintenant passée à 34 combattantes.

"Cela grandit petit à petit, par le bouche-à-oreille. Les sœurs voient leurs frères lutter et veulent essayer", souligne Mme Foulk.

Le sport est profondément ancré dans le folklore de la Suisse rurale et principalement dans les cantons germanophones. Les tournois sont télévisés en direct et les meilleurs lutteurs deviennent des célébrités.

Le festival national, organisé pour la première fois en 1895, a lieu tous les trois ans et attire des foules de plus de 50.000 personnes. Le vainqueur est couronné roi des schwingers.

Fair-play

Le sport est convivial, cultive ses racines paysannes et reste une affaire d’amateurs. Chaque combat commence et se termine par une poignée de main et le vainqueur essuie la sciure collée à la chemise du vaincu.

À Romanel-sur-Lausanne, les lutteuses se sont affrontées par 32°C et après une journée qui a vu chacune affronter six adversaires dans des combats de cinq minutes, elles se sont rafraîchies en plongeant la tête dans un abreuvoir.

Une pratiquante de la lutte suisse se désaltère à un abreuvoir à Romanel-sur-Lausanne, en Suisse. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Musique traditionnelle et yodel sont de mise et le premier prix pour les hommes est généralement un taureau. Cette année, égalité oblige, Isabel Egli, championne du festival de Romanel-sur-Lausanne, a gagné une génisse.

Un prix exceptionnel. "Il y a cinq ans, nous avons gagné un pot de miel et tout le monde était content", se souvient une concurrente, Franziska Ruch, présidente de l’Association fédérale de lutte féminine.

Le visage couvert de sciure, Antonia Bucher, 18 ans, explique que la plupart des lutteuses sont issues d’une famille où un frère, un père pratique la lutte suisse ou, comme dans son cas, en suivant l’exemple d’amis.

L’apprentie charpentière reconnaît que "tout le monde n’accepte pas" les femmes. "Les hommes plus âgés pensent que les femmes (devraient) être aux fourneaux. Pas tous, mais beaucoup".

Bob Blanchette, l’un des principaux juges du festival de Romanel, évoque les pourparlers en cours pour que la Fédération nationale masculine partage ressources et opportunités avec les femmes. "Il n’y a aucune raison pour que les femmes ne puissent pas y participer et que les hommes ne puissent pas les aider à promouvoir le sport", a dit-il, ajoutant : "Cela a été beaucoup de travail pour changer les mentalités".

Quant à la championne Isabel Egli, l’infirmière de 26 ans originaire de la région de Lucerne, dans le Centre de la Suisse, raconte qu’elle a du mal à réaliser l’exploit qu’elle a accompli. "C’est juste magnifique", lance-t-elle.

AFP/VNA/CVN

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