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Au rayon frais d'un supermarché à Nantes, dans l'Ouest de la France, le 20 octobre 2017. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au Brésil, géant de l'agro-industrie mondiale, le pétrochimiste Braskem travaille depuis 2013 sur un projet d'"emballage intelligent" destiné aux produits laitiers et à la viande.
"Nous développons un emballage interactif qui, grâce à des indicateurs spécifiques, indiquera le stade de conservation du produit. Quand l'aliment se détériore, il libère naturellement des composants chimiques qui feront changer l'emballage de couleur. Cette technologie permettra de garantir la qualité du produit mais aussi d'indiquer si ce dernier est toujours consommable, même lorsque la date limite de consommation inscrite est dépassée", explique Marcia Pires, chercheuse chez Braskem.
Ce nouveau type d'emballage n'a pas encore de date de commercialisation. "Nous devons valider la technologie avec nos partenaires afin de définir quels produits seront concernés", précise Marcia Pires. Braskem développe son projet en collaboration avec l'Université de Clemson aux États-Unis et l'Université fédérale du Rio Grande do Sul, au Brésil.
Pour Viviane Romeiro, coordinatrice du World Resources Institute Brazil (WRI), il y a urgence : le Brésil "fait partie des dix premiers pays qui gâchent le plus d'aliments" selon elle. "Cela concerne toute la chaîne de production alimentaire, au moment de l'après-récolte, de la transformation et de la distribution, mais aussi la fin de la chaîne, lors de la vente au détail et de la consommation finale", dit-elle.
Selon l'Entreprise brésilienne de recherche agricole (Embrapa), qui s'appuie sur le rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le gaspillage alimentaire au moment de la vente au détail et de la consommation finale suffirait à neutraliser l'insécurité alimentaire dans le pays.
Un tiers de la nourriture gaspillée
À l'échelle de la planète, la FAO estime qu'un tiers de la nourriture produite dans le monde et destinée à la consommation humaine (1,3 milliard de tonnes) est soit perdue, soit gaspillée chaque année. Et pour la seule Europe, selon les estimations de l'Union européenne, près de 88 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année pour quelque 143 milliards d'euros.
Sur le Vieux Continent, la lutte contre le gaspillage alimentaire se double d'une recherche d'innovation écologique, à la fois pour trouver des "substituts" au bisphénol A, perturbateur endocrinien inclus dans les emballages plastiques, mais aussi pour limiter l'invasion des micro-plastiques dans l'environnement.
Au cœur de ces recherches, les bioplastiques biodégradables, y compris d'origine agricole, et les "barquettes agro-sourcées" auxquels Nathalie Gontard, de l'Institut national de recherche agronomique français (Inra), a consacré 30 ans de sa vie de chercheuse.
"Le plastique dans les océans n'est qu'une petite partie de l'iceberg, l'essentiel des plastiques sont dans le sol, enfouis, et il y a une urgence absolue à se mobiliser pour remettre à plat le cycle des plastiques", dit la chercheuse, récemment récompensée par le laurier 2017 du "défi scientifique" à l'Inra.
Stand de fruits et légumes bio emballés dans un supermarché de Villeneuve-la-Garenne, près de Paris, le 7 décembre 2016. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Elle a développé des barquettes en biopolyester biodégradables destinées à emballer des fruits ou des légumes, réalisées à partir de déchets agricoles, comme les eaux de rinçage d'huileries ou de laiteries mélangées à des pailles broyées.
Les premières barquettes ont été réalisées par une PME près de Nîmes qui voulait se familiariser avec les bioplastiques. "Mais elles ne sont pas encore industrialisées", dit Gontard en soulignant l'avance prise par la Chine pour la production de biopolyesters.
"Il faut monter une filière de bioressources, avec la récupération organisée des déchets pour qu'ils soient valorisés", plaide la chercheuse, car l'industrie agroalimentaire est très demandeuse, "parfois de façon très pressante", de ce type d'emballage.
Pour Philippe Mauguin, président de l'INRA, qui coordonne l'atelier de la modernisation de l'agriculture dans le cadre des Etats généraux de l'alimentation (Egalim), le "défi" porte en effet sur l'organisation d'économies circulaires, "avec une approche territoriale dès la conception".
En clair: le grain de blé devra correspondre aux besoins des boulangers, quand la tige du blé devra alimenter les fabricants de biopolymères, sans être imprégnée de produits phytosanitaires pour que son bioplastique soit directement compostable dans le sol. Un chantier d'avenir.