L'UE engage la bataille du climat et veut rassurer sur l'impact social

Fin des voitures à essence, taxation des importations, réforme du marché du carbone au risque de renchérir le prix des carburants... Bruxelles s'est employé mercredi 14 juillet à rassurer sur l'impact social de son vaste plan climat, sous les feux croisés des ONG et des entreprises.

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Des responsables de la Commission européenne lors d'une conférence de presse à Bruxelles, le 14 juillet.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les Vingt-Sept s'étaient déjà entendus pour réduire de 55% leurs émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. "Nous avons désormais la feuille de route", a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. La douzaine de textes dévoilés par l'exécutif européen feront l'objet pendant au moins un an d'âpres discussions entre eurodéputés et États membres, mais les conséquences sociales de certaines propositions inquiètent, faisant ressurgir le spectre du mouvement français des "gilets jaunes".

Ursula von der Leyen s'est attachée à rassurer, affirmant que "l'emploi et l'équité sociale seraient au coeur de cette transformation" verte. Bruxelles veut notamment instaurer une taxe inédite sur le kérosène aérien pour les vols dans l'UE, et interdire toute commercialisation des voitures à essence à partir de 2035, avec un coup d'accélérateur pour installer des points de chargements pour véhicules électriques.

Les deux secteurs ont vivement réagi. L'Association internationale du transport aérien (IATA) a dénoncé des "mesures punitives" et les compagnies européennes redoutent une "distorsion de concurrence", tandis que les constructeurs automobiles européens (ACEA) ont fustigé "une solution non rationnelle". Le pilier de cette "architecture" climatique est un élargissement du marché du carbone européen (ETS) établi en 2005, où s'échangent les "permis à polluer" requis pour certains secteurs qui ne représentent que 40% des émissions des Vingt-Sept.

Jusqu'ici, l'essentiel des entreprises visées se voyaient offrir des quotas d'émissions gratuits, qu'elles peuvent revendre : Bruxelles veut les restreindre drastiquement. La Commission souhaite aussi que certaines importations (acier, ciment, électricité...) soient graduellement soumises aux règles de l'ETS à partir de 2026 : les importateurs devront acheter des "certificats d'émissions" basés sur le prix du carbone qu'ils auraient dû acquitter si les biens étaient produits dans l'UE.

Protectionnisme ?

L'idée est d'éliminer toute concurrence étrangère "déloyale" et de décourager les délocalisations. Dans un souci d'équilibre, les quotas gratuits distribués aux industriels de l'UE pour affronter la concurrence étrangère diminueraient très progressivement entre 2026 et 2036, avant de disparaître. Pour la Commission, il s'agit d'un "ajustement", et non d'une taxe carbone, pour contrer les accusations de "protectionnisme". "C'est un changement culturel majeur en Europe et une avancée diplomatique réelle", a salué le gouvernement français, grand défenseur du projet.

Et en limitant le nombre de quotas d'émissions sur l'ETS, le prix du carbone, qui a déjà doublé en deux ans, monterait mécaniquement pour pousser les entreprises à adopter des technologies propres. La mesure la plus controversée est l'extension prévue de l'ETS au transport maritime, ainsi qu'au transport routier et au chauffage des bâtiments sur un "second marché carbone" dès 2026.

En pratique, cela reviendrait à obliger les fournisseurs de carburants ou de fioul domestique à acheter des quotas d'émissions au prix du CO2, répercutant ce surcoût sur la facture des ménages. ONG environnementales et eurodéputés de tous bords s'y opposent farouchement. En touchant les plus vulnérables, locataires de logements mal isolés ou habitants des campagnes, "la Commission semble oublier que ce sont les classes moyennes qui en feront les frais", observe Agnès Evren (PPE, droite).

Graphique montrant l'émission de CO2 moyenne des voitures neuves dans l'Union européenne, au Royaume-Uni, en Norvège et en Islande de 2000 à 2020.
Photo : AFP/VNA/CVN

"La France est réservée sur la pertinence de ce dispositif et ses conséquences sur les ménages et les petites entreprises", a averti Paris. "Les bâtiments accaparent 40% de la consommation d'énergie, et les émissions du transport routier ne cessent de gonfler, il faut à tout prix inverser la tendance d'une façon juste et sociale", s'est défendue Mme von der Leyen.

Manque d'ambition

La Commission promet un "mécanisme d'action sociale", un fonds alimenté par les recettes du "second ETS" et évalué par une source européenne à 70 milliards d'euros sur dix ans, pour contrer la précarité énergétique. "Il faut considérer l'impact social et ne pas être soumis à la seule logique du marché, surtout quand les industries restent subventionnées" via la prolongation pendant 15 ans de quotas d'émissions gratuits, s'insurge Wendel Trio, de l'ONG climatique CAN.

À l'inverse, les sidérurgistes plaident pour le maintien durable d'aides jugées nécessaires à leur compétitivité. "L'orientation générale est bonne mais le diable se cache dans les détails (...) Nous serons très vigilants" sur la réduction des quotas gratuits, prévient BusinessEurope, le patronat européen. "Nous devons prendre en considération la compétitivité industrielle et éviter les délocalisations", a réagi le ministre allemand de l'Économie Peter Altmaier tout en saluant "un pas dans la bonne direction".

La Commission veut aussi relever à 40% la part d'énergies renouvelables visée en 2030 et fixer une cible d’absorption de CO2 par les "puits de carbone" naturels (forêts essentiellement), après avoir déjà proposé de planter "3 milliards d'arbres" d'ici 2030. Les ONG (CAN, Greenpeace, Oxfam, WWF) ont de concert dénoncé un plan "pas assez ambitieux" et des objectifs de réduction d'émissions "insuffisants" pour concrétiser l'accord de Paris.


AFP/VNA/CVN

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