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Birgitta Jonsdottir, cheffe du mouvement Gauche-Verts, à Reykjavik le 28 octobre 2016. |
Si, comme les sondages le laissent à penser, la coalition gouvernementale de droite sortante est battue, l'Islande aura connu le troisième virement de bord politique depuis 2009, les électeurs faisant depuis le pari de l'alternance.
Et la petite île volcanique isolée des confins de l'Arctique ne serait gouvernée par une majorité de centre-gauche que pour la seconde fois depuis la proclamation de la République en 1944, après la parenthèse sociaux-démocrates/Gauche-Verts de 2009-2013. Les bureaux de vote ouvrent à 09h00 locales (09h00 GMT) et ferment à 22h00.
Les résultats seront connus dans la foulée mais le mode de scrutin à un tour ne permet pas de désigner de majorité et ce n'est qu'au terme de plus ou moins longues tractations que se dessinera le nouveau rapport de forces politique.
À ce jeu, les Pirates, donnés dans un mouchoir de poche avec le Parti de l'indépendance (droite sortante) et le mouvement Gauche-Verts, pourraient, pour la première fois, avoir les cartes en main.
Emmenée par une ancienne porte-parole de WikiLeaks, Birgitta Jonsdottir, cette formation d'inspiration libertaire est parvenue à sceller un accord pré-électoral avec trois partis de l'opposition de la gauche et du centre (Gauche-Verts, sociaux-démocrates et Avenir radieux) en vue de former une coalition de gouvernement.
"Ces partis peuvent très bien coopérer, ils ont beaucoup de points communs. Ce sera un choix gouvernemental tout à fait viable", a justifié la populaire présidente des Gauche-Verts, Katrin Jakobsdottir, possible future Première ministre. Ils recueilleraient ensemble plus de 50% des suffrages, selon les derniers sondages parus qui mettent aussi en évidence une forte proportion d'indécis.
Cette alliance constitue en soi une rupture avec la pratique traditionnelle en Islande, où les partis avaient l'habitude de se présenter seuls sans dire explicitement avec qui ils comptaient gouverner.
"Sentiment anti-establishment"
Pour Birgir Armannsson, député du Parti de l'Indépendance qui, avec le Parti du progrès (centre-droit) gouvernait depuis 2013, la sanction des urnes ne fait à ses yeux aucun doute compte tenu du "sentiment anti-establishment" qui prévaut en Islande.
Ce rejet des partis traditionnels trouve ces origines dans la crise financière de 2008 doublée du scandale des Panama Papers qui a emporté en avril le Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson (Parti du progrès), dont le nom figurait sur une liste de 600 islandais titulaires d'un compte offshore.
Malgré sa démission et l'implication de plusieurs ministres dans ce scandale, le gouvernement de centre-droit s'était maintenu au prix d'un remaniement cosmétique et d'une promesse de convoquer des élections six mois avant la fin de la mandature prévue au printemps 2017.
Craignant une déroute, le gouvernement avait exclu de convoquer d'urgence les électeurs, les Pirates culminant alors à 43% d'intentions de vote: ils sont depuis redescendus mais certaines enquêtes d'opinion les placent en tête, à près de 23%.
Car si l'Islande, île volcanique de 332.000 habitants, a renoué avec la prospérité (plus de 4% de croissance attendue cette année) grâce au tourisme et au redressement de son système financier, les Islandais, et surtout les plus jeunes, n'ont plus que méfiance envers leurs élites.
"Depuis la crise, l'Islande s'en est économiquement très bien sortie", remarque Olafur Hardarson, professeur de sciences politiques à l'Université d'Islande. "Mais du point vue politique, moral et social, elle reste à la traîne" et les électeurs exigent du changement, selon lui.
Du changement, les Pirates en promettent: référendums d'initiative populaire, consultation des Islandais sur une reprise du processus d'adhésion à l'Union européenne, relèvement des impôts sur les grandes entreprises de pêche, transparence de la vie publique...
"Je n'aime pas tout ce que proposent les Pirates, mais si nous voulons des changements, c'est le meilleur parti", explique Einar Hannesson, 42 ans, ouvrier de chantier. Créé en 2012 sur le modèle de son aîné suédois, le Parti pirate se compare volontiers aux autres partis protestataires hérauts de la démocratie directe tels Podemos en Espagne et Syriza en Grèce.
Comme eux, il souffre de frictions internes sur la ligne programmatique, la forme de gouvernance ou des questions de personnes. Mais, souligne Birgitta Jonsdottir, possible future présidente du Parlement, ils apprennent aussi de leurs erreurs. "Nous avons étudié les erreurs de Syriza et Podemos, (...) je pense notamment qu'il est important d'avoir un gouvernement qui fonctionne pour avancer", dit-elle.