L'Europe incitée à fermer son marché de l'ivoire pour mieux protéger les éléphants

Après la Chine et les États-Unis, l'Union européenne devrait-elle fermer son marché intérieur de l'ivoire pour sauver les éléphants? Des ONG et la France plaident en ce sens, à l'heure où se tient à Genève une conférence internationale sur le commerce de la vie sauvage.

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Défenses en ivoire saisies par la police kenyane, le 30 juillet.
Photo: AFP/VNA/CVN

La population d'éléphants est passée de plusieurs millions au début du XXe siècle à environ 400.000 en 2015 sur le continent africain, décimée par le braconnage. Sur ce continent, "60% des décès d’éléphants constatés sont dus au braconnage", selon WWF.

Pour protéger le plus grand mammifère terrestre, le commerce international de l'ivoire est interdit depuis 1989, à l'exception de très rares dérogations accordées à des pays pour vendre leurs stocks de défenses.

Les États-Unis ont fermé en 2016 leur marché intérieur d'ivoire, à part quelques exceptions, suivis en 2017 par la Chine. Mais d'autres régions du monde autorisent toujours la vente d'ivoire, comme le Japon et l'Union européenne.

La question est à l'ordre du jour mercredi 21 août d'une conférence de l'ONU sur les espèces menacées qui se tient depuis samedi 24 et jusqu'au 28 août à Genève, en Suisse. La CITES fixe les règles du commerce international de plus de 35.000 espèces de faune et de flore sauvages.

Neuf pays - le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Gabon, le Kenya, le Libéria, le Niger, le Nigeria et la Syrie - demandent à la CITES "d'appeler en urgence à la fermeture de tous les marchés intérieurs de l'ivoire restants".

Ils font valoir que "le maintien d’un marché de l’ivoire crée des opportunités de blanchiment d’ivoire illégalement acquis, pose des problèmes de suivi et d’application (...) et compromet les interdictions dans d’autres pays en fournissant un débouché alternatif aux fournisseurs et trafiquants".

"À partir du moment où les principaux grands marchés vont se fermer, il n'y aura plus de débouchés. De fait l'éléphant d'Afrique sera protégé car on ne pourra plus commercer l'ivoire et le braconnage va cesser", espère Yann Wehrling, ambassadeur de France à l'environnement.

Blanchiment

Depuis 2017, il est interdit de réexporter de l'ivoire brut à des fins commerciales depuis l'Union européenne.

"Il faut se poser la question de l'ivoire travaillé et du commerce intra-communautaire", dit Loïs Lelanchon, de l'ONG Ifaw.

Le WWF relève de son côté q'"une meilleure compréhension de ce qui constitue une fermeture effective du marché, y compris des dérogations limitées, serait utile pour cette discussion".

"Selon la Commission européenne, son marché intérieur +n’attire pas d’articles en ivoire d'origine illégale d'éléphants braconnés récemment+", indiquent les pays africains dans un document de travail. "Les inquiétudes demeurent cependant vives en raison du maintien par l’UE d’un grand marché intérieur", sans "autorisation de la CITES et aucune documentation", s'alarment ces pays.

Délégués envoyés à la conférence, le 17 août à Genève.
Photo: AFP/VNA/CVN

En théorie, seuls les objets datant d'avant 1947 peuvent être commercialisés librement dans l'UE. Entre cette date et 1990, il faut un certificat pour les objets travaillés. Mais en 2018, une étude réalisée par l'ONG Avaaz et l'université d'Oxford sur des pièces en ivoire montrait qu'un cinquième était issu d'éléphants tués après l'interdiction mondiale du commerce d'ivoire en 1989.

"De l'ivoire illégal (d'après 1947) est blanchi en exploitant les failles de la législation européenne, qui ne requiert pas de preuve d'authenticité ou d'origine pour l'ivoire vendu comme étant +antique+", dénonce une coalition de 17 ONG, qui ont lancé une campagne (https://davidshepherd.org/ivorymarkets) pour faire pression sur l'UE et le Japon.

La France, la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont adopté ou prévoient d'adopter des législations plus strictes.

Pour autant, il est facile de trouver en France sur internet des sculptures et autres ustensiles en ivoire, sans aucune assurance sur leur ancienneté et leur provenance.

"Ça devrait suffire pour pousser l'UE à prendre des mesures plus restrictives et à fermer les marchés nationaux", estime Loïs Lelanchon d'Ifaw.

Pour autant, les ONG redoutent que l'UE ne soutienne pas la proposition présentée lors de la CITES. Interrogés par l'AFP, les services de l'UE n'ont pas souhaité dévoiler la position européenne avant l'issue des négociations menées dans le cadre de la conférence.

AFP/VNA/CVN

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