>>Migrants: Open Arms refuse l'offre "irréalisable" de l'Espagne d'accueillir son navire
>>Solution diplomatique mais bloquage politique pour les migrants de l'Open Arms
Des migrants secourus par les garde-côtes espagnols, en Méditerranée. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Après une inspection de la police judiciaire et de deux médecins, le procureur d'Agrigente, Luigi Patronaggio, a décidé que les rescapés devaient être débarqués sur la petite île sicilienne, alors même que l'Espagne venait de faire appareiller un navire militaire pour les récupérer. Le procureur a ordonné la mise sous séquestre de l'Open Arms, de l'organisation humanitaire espagnole du même nom.
Les chaînes de télévision italiennes ont montré des migrants descendant du bateau amarré dans le port de Lampedusa mardi tard 20 août dans la soirée.
L'interminable attente face à Lampedusa, qui avait commencé jeudi 15 août, a provoqué des gestes désespérés de la part des migrants entassés à bord du navire. Mardi 20 août, quinze d'entre eux, certains sans gilets de sauvetage, se sont jetés par dessus-bord pour tenter de rejoindre Lampedusa à la nage. Selon une porte-parole de l'ONG, ils ont été "secourus" par les garde-côtes italiens et amenés sur l'île.
"Après 19 jours, nous débarquerons aujourd'hui à Lampedusa. Le navire sera temporairement immobilisé, mais c'est un coût qu'Open Arms assume pour assurer que les personnes à bord puissent être prises en charge", avait tweeté le fondateur de l'ONG, Oscar Camps, en apprenant la décision du procureur.
Les migrants de l'Open Arms s'étaient vus refuser l'accès de l'île par les autorités italiennes, bien que six pays européens (France, Allemagne, Luxembourg, Portugal, Roumanie et Espagne) se soient engagés à les accueillir.
Certains de ces migrants secourus au large de la Libye par l'ONG ont passé 19 jours à bord, égalant ainsi le record des migrants secourus par le SeaWatch3 fin décembre avant leur débarquement à Malte le 9 janvier dernier.
L'annonce du débarquement a suscité des explosions de joie sur le bateau, selon des vidéos diffusées par des personnes présentes à bord.
Le bateau comptait 147 migrants à bord à son arrivée jeudi 15 août près de Lampedusa, et un peu plus de 80 après l'évacuation des migrants ayant sauté à l'eau mardi 20 août et de plusieurs dizaines de mineurs ou de malades ces derniers jours.
Face au refus du ministre de l'Intérieur italien sortant Matteo Salvini de les laisser débarquer, Madrid avait fini mardi 20 août par envoyer un navire militaire vers Lampedusa pour venir y prendre en charge directement les migrants et les amener à Majorque, à environ 1.000 km de la Sicile.
Le bateau est parti à 18h30 (16h30 GMT) de la base de Rota Sud) pour un voyage de trois jours vers Lampedusa. Joint par l'AFP, le gouvernement espagnol n'était pas en mesure de dire s'il rebrousserait chemin après la décision de la justice italienne.
Plus qu'un bateau
Le procureur italien a pris aussi la décision de mettre préventivement sous séquestre l'Open Arms, dans le cadre d'une enquête contre X pour séquestration de personnes, omission et refus d'actes officiels, dont Matteo Salvini a affirmé, sur Facebook, qu'elle le vise directement.
"Si quelqu'un pense me faire peur avec la énième plainte et demande de procès, il se trompe. Ce serait une blague d'être parvenu à convaincre l'Espagne d'envoyer un navire (pour récupérer les migrants) et maintenant d'œuvrer à les faire débarquer en Italie et faire juger le ministre de l'Intérieur qui continue de défendre les frontières du pays", a-t-il dit sur Facebook.
Il ne resterait alors plus qu'un navire humanitaire au large des côtes libyennes, dont s'élancent régulièrement des embarcations de fortune avec des migrants à leur bord.
L'Ocean Viking, bateau affrété par les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, cherche lui aussi à débarquer dans un port sûr 356 migrants. Il est actuellement au Nord-Est de Malte.
Faute de consensus européen pour accueillir les migrants secourus par les navires d'ONG, leur sort fait régulièrement l'objet de longues et difficiles négociations entre États.
Le ministre français de l'Intérieur Christophe Castaner a déclaré mardi 20 août que la France était prête à accueillir des migrants de ce navire "au même niveau" en termes de proportion que ceux de l'Open Arms, dont Paris a promis de recueillir 40 personnes dans le cadre d'un partage entre pays européens.
Passe d'armes
Le sort des migrants de l'Open Arms a tourné à la passe d'armes entre Madrid et Matteo Salvini, accusé de vouloir tirer profit de cette affaire en pleine crise politique à Rome, où le gouvernement populiste, torpillé par le patron de la Ligue (extrême droite), a chuté mardi 20 août.
Conspuant une nouvelle fois M. Salvini, dont elle avait taxé lundi la position vis-à-vis de l'Open Arms de "honte pour l'humanité", la ministre espagnole de la Défense Margarita Robles a jugé mardi 20 août que "les vies humaines ne lui importaient pas".
"La fermeté est l'unique façon d'éviter à l'Italie de redevenir le camp de réfugiés de l'Europe, comme le démontre encore ces heures-ci le bateau de l'ONG espagnole des faux malades et des faux mineurs", a martelé pour sa part M. Salvini sur Twitter.
AFP/VNA/CVN