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Le métier de tuilier a été introduit à Bac Son à la fin du XIXe siècle par Ly Khoat, originaire de la commune de Quynh Son. |
La maison communale Nông Luc est parmi les plus anciens ouvrages architecturaux du district de Bac Son, province de Lang Son (Nord). Une construction presque centenaire qui marie l’architecture traditionnelle du delta du fleuve Rouge à celle de la maison sur pilotis des Nùng, une ethnie minoritaire du Nord.
D’une superficie de 180 m², cette maison communale a été construite en 1927 avec des matériaux trouvés ou fabriqués sur place: murs en planches, toit de tuiles, le tout supporté par de gros piliers en bois. À peine entré à l’intérieur, on ressent une fraîcheur en été - alors qu’à l’extérieur, c’est la fournaise - et une douce chaleur au cœur de l’hiver. ''C’est grâce à son toit de tuiles en terre cuite, en forme de demi-cylindre'', affirme avec un brin d’orgueil Hoàng Công Ngoc, le gardien.
Grandeur et décadence d’un artisanat
À Bac Son, comme un peu partout ailleurs au Vietnam, la tendance est de construire des maisons à étages et à toit terrasse. Les toits de tuiles se font rares. Néanmoins, Ta Nâm, dans la commune de Long Dông, village spécialisé dans la fabrication de tuiles creuses, continue de vivre de cet artisanat. Une vingtaine d’ateliers familiaux sont encore actifs. Le métier se pratique aussi dans la commune voisine de Quynh Son. ''Récemment, l’Association des tuiliers de Bac Son a même été créée, rassemblant plus de 70 familles'', révèle Hoàng Công Ngoc.
Hoàng Công Ngoc réalise la phase de façonnage de la terre. |
Le métier de tuilier a été introduit à Bac Son à la fin du XIXe siècle par Ly Khoat, originaire de la commune de Quynh Son. Ce dernier avait invité deux tuiliers expérimentés de la province de Cao Bang (Nord) qui cherchait un lieu pour monter une tuilerie. ''Le sous-sol de la région est favorable. C’est ainsi que la première tuilerie de Bac Son a vu le jour''. Progressivement, les maisons sur pilotis de Bac Son ont vu leurs toits de chaume remplacés par des toitures de tuiles.
La tuile a de multiples intérêts: résistance aux intempéries exceptionnelles, entretien non contraignant, qualités thermiques élevées, esthétisme. Elle résiste aussi bien aux chocs et supporte le poids d’une personne, ce qui facilite l’entretien de la toiture. En plus, la tuile ne brûle pas ce qui offre une protection naturelle contre les incendies.
Pendant la première guerre d’Indochine (1930-1954), la région était un maquis. De nombreux tuiliers locaux, qui étaient aussi des guérilleros, ont été capturés voire tués par les forces françaises. ''Au milieu des années 1940, lorsque j’avais 2 ans, mon père Hoàng Công Dang et deux de ses camarades ont été assassinés à la porte du village'', se rappelle Hoàng Công Ngoc. Ce fut la période de déclin pour le métier de tuilier à Bac Son.
Les exactions ennemies poussèrent tous les habitants de Bac Son à participer activement à la lutte révolutionnaire dirigée par Hô Chi Minh. La maison communale de Nông Luc accueillit la réunion importante qui décida du déclenchement de l’Insurrection de Bac Son en octobre 1940. La Révolution vietnamienne entra dans une nouvelle étape, celle de la lutte armée contre la domination française. C’est pour cette raison qu’en 1993, cette maison communale a été reconnue ''vestige culturel et historique national'' par l’ancien ministère de la Culture et de l’Information (aujourd’hui ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme).
La vitalité d’un artisanat
En 1960, c’est-à-dire six ans après le rétablissement de la paix au Nord, le métier de tuilier a refait son apparition à Bac Son. Si la technique de fabrication a été améliorée pour un rendement plus élevé, la forme de la tuile s’est conservée.
La fabrication artisanale doit passer par plusieurs étapes, selon Hoàng Công Ngoc. Premièrement le choix de la terre argileuse, explique-t-il en montrant du doigt un tas d’argile. L’argile, prélevée dans une carrière proche, est concassée, malaxée, passée au crible éventuellement, puis additionnée d’eau de manière à devenir une pâte homogène. Grâce à un instrument en forme d’arc, elle est découpée en petits morceaux. ''Avec les pieds, l’artisan malaxe ces parts d’argile séparément et minutieusement jusqu’à ce qu’elles aient la texture d’une pâte. Elles sont ensuite découpées en feuilles minces puis moulées'', explique Hoàng Công Ngoc. Situé au bout du village, son atelier attire les curieux. À côté du four à tuiles trône un hangar où les tuiles crues sont alignées. ''Une fois sèches, on les met dans le four'', explique le patron. Chaque four peut contenir jusqu’à 400.000-500.000 unités. La cuisson dure dix jours. ''Le fruit de longues journées de travail dépend essentiellement de la cuisson, explique le tuilier. Une température mal ajustée, et c’est la perte de toute la production''.
La réputation de la tuile de Long Dông - Quynh Son est connue bien au-delà des limites du district. On vient désormais de loin pour en acheter. ''La maison communale de Nông Luc accueille parfois des visiteurs. Son architecture les intéresse de même que l’histoire de cette tuile introuvable ailleurs'', ajoute l’artisan.
Fiers de leur métier ancestral, les tuiliers de Bac Son ont pour souhait ardent que leur localité devienne un jour une destination touristique. ''Les touristes pourront découvrir un savoir-faire centenaire, et les habitants locaux tirer quelques profits pour améliorer leur quotidien'', conclut Hoàng Công Ngoc.