Les tourments d’un éminent lettré

Au temps de la colonisation française, Hoàng Xuân Han est le premier «indigène» vietnamien à accueillir des lauriers universitaires à Paris. Jusqu’à sa mort, il a la réputation d’homme d’érudition et de grande dignité.

Au temps de la colonisation française, quand je faisais mon Bac Philo (Promotion 1938-1939) au Lycée du Protectorat de Hanoi, j’avais connu le professeur de mathématiques Hoàng Xuân Han. Il était la fierté de ses élèves car il fut le premier «indigène Annamite» à conquérir l’agrégation à Paris. Ce ne sont pas les maths qui lui ont valu l’admiration et le respect non seulement de ses élèves mais encore de ses compatriotes.

L’intellectuel Hoàng Xuân Han.


Hoàng Xuân Han (1910-1996) a laissé un nom à la postérité grâce à son savoir encyclopédique et surtout à ses contributions inestimables à l’éducation et à la culture d’un pays nouvellement libéré de 80 ans de domination étrangère. Hoàng Xuân Han, ingénieur des ponts et chaussées et abrégé de mathématiques, un de nos meilleurs spécialistes du Vietnam, homme d’une parfaite intégrité morale s’est éteint à Paris à l’âge de 86 ans.
Au lendemain de sa mort, les Éditions Giao duc (Éducation) de Hanoi ont publié ses œuvres complètes scientifiques et littéraires – édition de luxe en 4 volumes de 4.000 pages, un trésor pour les bibliophiles et tous ceux qui s’intéressent à la culture traditionnelle et moderne du Vietnam.
Un intellectuel engagé
Sous le titre Témoignages contemporains, la première partie rassemble en 300 pages les impressions, souvenirs et opinions d’années, de disciples, de collaborateurs, la fine fleur de l’intelligentsia vietnamienne, sans parler de celles des étrangers dont un général de l’armée française.
Hoàng Xuân Han était un intellectuel engagé à sa manière. Sous le régime colonial, 95% de la population ne savait pas lire. La lutte pour l’indépendance nationale devait commencer par la base, l’éducation des masses à travers la lutte contre l’analphabétisme. À la fin des années 1930, Hoàng Xuân Han a contribué efficacement à ce combat en inventant une méthode d’analphabétisation très ingénieuse qui contribue à reconnaître les lettres de l’alphabet par des descriptions imagées, exprimées dans des vers faciles à retenir.
La méthode a été adoptée par le gouvernement Hô Chi Minh dès le début de la Révolution de 1945 et de la première guerre d’indépendance pour politiser les masses paysannes, force motrice de la résistance.

Avec l’ouvrage Danh tu khoa hoc (Terminologie scientifique) parue vers 1939, Hoàng Xuân Han a ouvert la voie à l’enseignement scientifique en vietnamien du cycle primaire à l’université. Cette entreprise a été réalisée par le gouvernement Trân Trong Kim au temps de l’occupation japonaise (avril - août 1945). Alors ministre de l’Éducation et des Arts, Hoàng Xuân Han, pour la première fois dans l’histoire vietnamienne, a élaboré et compliqué un programme d’enseignement entièrement vietnamien employant l’écriture quôc ngu à la place d’une langue étrangère (auparavant, le chinois classique han, puis le français).
Dans les sciences sociales et humaines, Hoàng Xuân Han fait œuvre de pionnier appliquant la méthodologie occidentale à l’histoire et à la littérature, mettant l’accent sur la recherche textologique. Typiques à cet égard sont ses œuvres sur Ly Thuong Kiêt, général du XIe siècle qui a repoussé deux invasions chinoises, et sur La Son Phu Tu Nguyên Thiêp, lettré du XVIIIe siècle dont la conception philosophie de vie était proche de celle de Han - Nguyên Thiêp (1723 - 1804) était un érudit versé dans les théories métaphysiques et philosophiques, en particulier le taoïsme. Apres six années de mandarinat au service du roi des Lê et du Shogoun Trinh (Nord Vietnam) il demanda la retraite pour vivre en ermite dans son village de montagne.
Transcription phonétique de l’Histoire de Kiêu
Le pays alors était divisé en deux États : Nord et Sud, livré à un conflit interne et déchiré par des intrigues de cours dans chaque État, il voulait se tenir à l’écart. Mais quand le héros national Quang Trung, vainqueur des envahisseurs siamois et sino-mandchous fonda une dynastie nouvelle, il accepta d’être son conseiller et dirigea la Viên Sung Chinh (Institut des études politiques). Après la mort dans la montagne prématurée du roi, il se réfugia à nouveau. Son œuvre littéraire révèle une âme sensible aux souffrances humaines et soucieuse du bien-être du peuple. Vivant dans une période décadente, il choisit de mener une vie détachée des honneurs et des richesses.
Hoàng Xuân Han était un grand spécialiste des idéogrammes vietnamiens nôm. Il a passé 50 ans à réviser la transcription phonétique du chef d’œuvre national Truyên Kiêu (Histoire de Kiêu). Il a fait des travaux de recherche importants sur le calendrier vietnamien. Mentionnons encore qu’au temps de la colonisation, il avait formé dans les hautes écoles de nombreux élèves qui serviraient brillamment la résistance anti-française dans toutes les branches. (À suivre)

Huu Ngoc/CVN

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