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Affiches de campagne des opposants à l'interdiction des pesticides de synthèse, à Ollon, en Suisse, le 19 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Aucun grand pays n'a jusqu'à présent interdit les pesticides de synthèse. Ailleurs dans le monde, le Bhoutan avait annoncé il y a quelques années vouloir devenir le premier pays au monde à vivre d'une agriculture "100% bio".
Les Suisses ont refusé dimanche d'engager leur pays - qui abrite un des plus grands fabricants de produits phytosanitaires, le groupe bâlois Syngenta, racheté en 2017 par le géant chinois ChemChina - sur cette voie.
"C'est un choix de la raison et du pragmatisme, c'est un choix qui garantit l'avenir de notre agriculture et qui assure la sécurité alimentaire de notre pays. Ce double non donne la possibilité au monde agricole de poursuivre ses réformes de transition vers une production plus durable", a réagi le président suisse, Guy Parmelin, en conférence de presse.
Un premier texte, qui demandait l'interdiction des pesticides de synthèse dans un délai de 10 ans, ainsi que de toute importation de denrées alimentaires produites à l'étranger à l'aide de ces produits ou en contenant, a été rejeté à 60,56%, selon les résultats définitifs.
Férocement combattue dans les campagnes, l'interdiction, soutenue par les écologistes et la gauche, a également été rejetée dans les villes de Genève et Fribourg. Le "oui" ne l'a emporté que dans le canton de Bâle-Ville - où se trouve le siège de Syngenta.
Le comité ayant présenté le texte a appelé le gouvernement à l'issue du vote à "régulièrement tester la population pour détecter les résidus de pesticides".
Une autre initiative - rejetée à 60,68% - prévoyait que les subventions de la Confédération helvétique aux agriculteurs soient versées uniquement aux exploitations qui n'utilisent pas de pesticides, bannissent l'utilisation préventive ou régulière d'antibiotiques et sont en mesure de nourrir leurs animaux avec le fourrage qu'elles produisent elles-mêmes.
Terrorisme et droits humains
Les électeurs ont par ailleurs été 56,58% à soutenir la loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, donnant à la police les moyens d'agir plus facilement à titre préventif face à un "terroriste potentiel".
La police pourra mieux les surveiller, limiter leurs déplacements et les obliger à participer à des entretiens, ceci dès l'âge de 12 ans. À partir de 15 ans, les personnes pourront être assignées à résidence pendant neuf mois, moyennant l'approbation d'un tribunal.
Les opposants de gauche à la loi estiment qu'elle ne respecte pas les droits fondamentaux, mettant en danger l'héritage du pays en la matière. L'ONU et plusieurs experts en droit et défenseurs des droits humains avaient également crié au danger.
"La Suisse aura désormais la loi antiterroriste la moins professionnelle, la plus inefficace et la plus dangereuse du monde - un embarras majeur pour la Suisse en tant qu'État de droit", a déclaré le Rapporteur de l'ONU sur la torture Nils Melzer, après le vote.
"Avec cette loi, la Suisse se dote d'une définition du terrorisme imprécise qui ouvre la porte à l'arbitraire policier. Propager la crainte dans une intention politique sera déjà considéré comme du terrorisme, même si aucune menace d'acte violent n'est établie", a déploré Patrick Walder, directeur de campagne chez Amnesty International Suisse.
Le gouvernement assure que les droits fondamentaux seront garantis et fait valoir que les programmes de déradicalisation sont insuffisants face à certaines personnes.
Même si la Suisse a été épargnée par les attentats jihadistes qui ont frappé l'Europe, la menace reste "élevée" selon les autorités, qui ont fait valoir qu'"en 2020 deux attaques au couteau, probablement à +motivation terroriste+, ont eu lieu", à Morges et Lugano.
CO2 et COVID-19
Une installation dans un pré en Suisse, le 11 juin, encourageant à voter non à l'interdiction des pesticides. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les Suisses ont revanche rejeté de justesse, à 51,59%, la loi visant à réduire encore les émissions de CO2 d'ici 2030.
La loi prévoyait notamment d'augmenter la taxe sur le mazout et le gaz naturel, ainsi que l'introduction d'une taxe sur les billets d'avion au départ de la Suisse.
"Le non sorti des urnes aujourd'hui n'est pas un non à la protection du climat. (...) De nombreuses personnes veulent renforcer la protection du climat mais pas de cette manière", a déclaré au cours de la même conférence de presse la ministre de l'Environnement et de l'Énergie. "Le changement climatique reste urgent, c'est pourquoi il faut avancer et trouver un chemin très vite".
Pour le WWF, "les vainqueurs de la votation d'aujourd'hui auront à rendre des comptes demain. La Suisse provoque déjà des dégâts climatiques pour près de 20 milliards de francs par année".
Autre texte soumis au vote, la loi COVID, donnant au gouvernement des compétences supplémentaires pour combattre l'épidémie et atténuer ses effets sur la société et l'économie, a obtenu le soutien de 60,21% des électeurs.
AFP/VNA/CVN