Thang, 19 ans, de la province de Hai Duong, accoste deux touristes suédois. Pensant que Thang est un énième commerçant ambulant, ils refusent gentiment d’un geste de la main. Mais en voyant le panneau «Deaf Group» en plusieurs langues, ils s'arrêtent. Ils achètent dix marques-pages pour 180.000 dôngs. En prenant l'argent, Thang les remercie d’un sourire.
Mai et Dat à la rue Ly Quôc Su. |
Un touriste étranger arrive et offre à Thang les photos qu'il a prises lors de leur rencontre d’hier. Thang confie que les touristes aiment se faire prendre en photo à côté de lui. Avec un papier et un crayon, Thang informe que sa province natale est Hai Duong. Sa famille vit de la vente des banh bao (pains fourrés de viande). Avant d’entrer dans le groupe «5 màu» (Cinq couleurs), il vendait des banh bao avec son père, mais le pitance était bien maigre. Désormais, il est nourri-logé et reçoit deux millions de dôngs de salaire.
À 100 m de là, c'est le lieu de vente de Lich. Son kiosque attire de nombreux clients qui, pour beaucoup, s’arrêtent seulement pour lui offrir de l'argent. Elle est la seule alphabète de ce groupe mais ne peut dialoguer avec les autres que par la langue des signes.
«Ces jeunes, malgré leur handicap, travaillent toute la journée, confie Mme Minh, patronne d’un magasin. Ils vendent et garent leur vélo devant mon magasin, mais il ne me viendrait pas à l’idée de les chasser».
Dans l’atelier de confection des marques-pages. |
Thang et Lich appartiennent au «5 màu», un groupe d’une trentaine de jeunes malentendants qui ont créé un atelier de fabrication de cartes postales, marque-pages... en tissus et papier, qu’ils vendent aux touristes. Chacun a sa tâche (confection ou vente) et les gains sont partagés.
L’atelier se trouve dans une maison de cinq étages nichée dans une ruelle de la rue Hoàng Hoa Tham. Les jeunes Tam, Thuoc, Huong confectionnent les poupées en tissu. Dans la pièce d’à côté, Thao, Hùng, Thanh conçoivent des cartes postales sur ordinateur.
Dang Trân Thành a 30 ans. Malentendant lui aussi, il est le président du club : «Téléphone portable et ordinateur sont les principaux équipements de communication pour nous les sourds. Nous envoyons des textos, des emails et communiquons avec vidéophone».
Une famille nombreuse
Au début de la rue Ly Quôc Su, Dat et Mai vendent aussi des marques-pages et des poupées miniatures. Quand la clientèle se fait attendre, ils lisent le journal.
Thang présente ses marques-pages à deux touristes |
Dat est né en 1991 dans le district de Dông Hung, province de Thai Binh. À l’âge de trois ans, ses parents l’ont emmené à l'hôpital car ils avaient décelé des signes anormaux chez lui. Diagnostic : sourd de naissance. «Dans notre province, il n'y a pas d'écoles pour les sourds. C'est pourquoi j'ai envoyé mon fils dans une école normale. Il a obtenu tous les ans la mention +Bien+», a confié son père Luu Van Tu.
Après, Dat a travaillé dans un cybercafé où il a rencontré Mai. Ils ont envoyé leur dossier d'adhésion au groupe «5 màu» et ont été acceptés. «Je ne veux pas que mon enfant vive loin de chez nous, mais je respecte sa décision», confie M. Tu.
Mai fabrique des produits à la maison et Dat est vendeur, mais elle vient souvent l’aider. «Nous formons une famille de 29 personnes. Une famille nombreuse, mais où tous les membres partagent les difficultés», insiste Dàm Thi Kinh, la seule à ne pas être sourde, ce qui fait d’elle «l’oreille et la bouche» des membres du groupe lors des échanges avec les personnes dites «normales».
En se regroupant, ces personnes sourdes ont pu acquérir leur indépendance financière et s’émanciper de la tutelle familiale.
Hà Minh/CVN