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Chaque femme Tà Ôi, depuis leur plus jeune âge, doit savoir tisser du "zèng". |
Photo : PL/CVN |
Parmi les stylistes vietnamiens qui ont choisi les tissus faits main pour leurs collections et connu le succès sur la scène internationale ces derniers temps, il faut mentionner en premier lieu Minh Hanh qui s’est rendue à plusieurs reprises dans les villages des régions montagneuses du Nord, de la province de Thua Thiên Huê (Centre) et du Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre) pour rechercher des matières premières.
L’artisane Hô Thi Hop, présidente d’une coopérative de tissage et de brocart dans le chef-lieu d’A Luoi de la province de Thua Thiên Huê, a partagé : "Minh Hanh la première créatrice à avoir utilisé le tissu traditionnel des Tà Ôi pour créer des vêtements contemporain. Lors du festival d’artisanat traditionnel de Huê en 2015, en voyant des mannequins pour la première fois porter des vêtements en +zèng+, nous avons éclaté en sanglots de joie et de fierté".
Selon Minh Hanh, les consommateurs ont tendance à rechercher des matériaux traditionnels, ainsi que des produits artisanaux. "Les collections de haute couture les plus chères au monde sont faites à la main, très élaborées et coûteuses".
Motifs traditionnels
Avec sa splendide collection "Ky gui nguoi Mông vào tuong lai" (Pour les H’mông du futur) présentée lors de la Semaine de la mode internationale d’automne-hiver du Vietnam 2022, le créateur Vu Viêt Hà a laissé une forte impression sur le public.
Ses 30 modèles ont été inspirés par la beauté de la culture de la région montagneuse septentrionale, en particulier des costumes de la minorité ethnique H’mông à Sa Pa, dans la province de Lào Cai. Viêt Hà a utilisé le tissu en lin, des motifs H’mông traditionnels, ainsi que les techniques de couture et de broderie de l’ethnie pour créer des designs contemporains.
Une création en tissu "zèng" des Tà Ôi de la styliste Minh Hanh. Photo : CABC/CVN |
Il y a plus de 20 ans, le styliste avait été fasciné par les robes teintes à l’indigo et peintes à la cire d’abeille portées par des minorités ethniques lors du Nouvel An. En tant qu’enseignant à l’École d’art de Hanoï, il emmène souvent ses étudiants dans les régions montagneuses du Nord, jusqu’à deux ou trois fois par mois pour chercher des matières premières, ce qui lui permet de comprendre les us et coutumes des ethnies minoritaires.
Il a dit : "Il y a eu des moments où j’étais plus dans les villages qu’à la maison. J’ai vécu chez les habitants locaux. Pour une collection que j’ai faite pendant deux ans et demi, j’ai séjourné dans le district de Quan Ba près de trois mois. Les cinq chemises de la collection ont été fabriquées à partir du tissu des H’mông et adaptées des costumes de la dynastie des Nguyên (1802-1945)”.
Couleur noire unique
Pour sa part, Vo Viêt Chung aime créer des modèles en utilisant de la soie haut de gamme Lanh My A. "C’est ce tissu qui a complètement changé ma vie. En 2007, je suis devenu le premier designer vietnamien à être honoré par l’UNESCO pour la restauration et le dévelop-pement du matériau traditionnel Lanh My A", a-t-il raconté. En septembre dernier, il a également lancé un trio de nouvelles collections de soie Lanh My A : Công nuong (Princesse), Chinh khach (Politicien) et Đàn chim Viêt (Oiseaux vietnamiens). En 2022, il a également organisé un défilé pour célébrer le 100e anniversaire de la présence de ce matériau en Cochinchine (ancien nom du Sud du Vietnam).
Originaire du village d’artisanat de la soie de Tân Châu, province d’An Giang (Sud), Lanh My A est teint avec des fruits de Diospyros mollis. Une fois broyé, le fruit a un arôme caractéristique. Son latex vert devient noir s’il est laissé longtemps. C’est également une couleur noire de jais qu’aucun autre coloris industriel ne peut égaler. Si le tissu est lavé à l’eau de pluie, il sera plus brillant, plus durable et plus beau dans le temps.
"J’aime rafraîchir la matière. J’aime utiliser des produits simples associés aux agriculteurs et élever leur statut au même niveau que Chanel ou Valentino", a indiqué Vo Viêt Chung.
Vo Viêt Chung et le mannequin Vu Hoàng Oanh portant une robe en soie Lanh My A. Photo : CTV/CVN |
Ces dernières années, en raison de la sécheresse et de l’intrusion d’eau salée, la production de soie de Lanh My A a été interrompue, mais il n’a jamais abandonné son travail. "Y a-t-il un succès sans passer par un défi ? Mon rêve est de faire de Lanh My A un matériau mondialement connu. Je travaille tous les jours pour y parvenir", a-t-il confié.
Soie de bananier
Depuis dix ans, la créatrice Vu Thao a persévéré dans sa propre voie d’exploitation des valeurs culturelles indigènes contribuant à renforcer la position du Vietnam dans le monde de la mode.
Pour avoir une source stable de matières premières pour la marque Kilomet 109, elle a collaboré avec les populations locales. Ce sont notamment les communautés H’mông noir à Sa Pa, H’mông indigo à Pà Co (Hoà Binh), Thaï à Mai Châu (Hoà Binh), Nung An (Cao Bang), Khmer (An Giang)…
Pour chaque communauté, Vu Thao a sa propre méthode pour préserver les savoir-faire traditionnels tels que le tissage, la teinture à l’indigo, le meulage de la pierre, la peinture à la cire d’abeille...
Plus récemment, elle a réussi à restaurer la soie de bananier, également connue sous le nom de Tiêu Cat. Elle a raconté: "Le livre chinois Quang Chi a écrit que à Giao Chi, le tronc du bananier peut être déchiré en fibres soyeuses, tissées en un tissu appelé Tiêu Cat ou Giao Chi. Ce matériau est facile à déchirer mais a une belle couleur jaune clair. Après avoir appris cette information, j’ai toujours été curieuse de connaître l’origine de ce tissu ancien. Est-ce que son origine vient du Đai Viêt 1054-1804 (aujourd’hui le Vietnam) ?". En 2019, elle a entrepris un voyage pour rechercher le bananier Musa avec des experts en matériaux et des cinéastes japonais.
"Pendant plusieurs jours dans les montagnes de Cao Bang, avec seulement deux cartes dessinées à la main et un peu d’informations collectées à travers des livres et Internet, nous avons trouvé le territoire des bananiers sauvages Musa. En collaboration avec les artisans de Nùng An, nous avons sélectionné des pieds suffisamment vieux et les avons ramenés chez nous pour un traitement préliminaire sous la direction de l’artisan de la soie en bananier Fukushima venu d’Okinawa", a insisté. Et d’ajouter : "J’ai toujours cru en ce tissu Tiêu Cat et finalement un produit de mode en soie de bananier est né".
Une tunique en soie de bananier de la créatrice Vu Thao. Photo : Vneconomy/CVN |
Le Professeur Frances Joseph, du Département d’environnement de l’Université de technologie d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, a indiqué que le Vietnam avait un grand potentiel dans le développement de biomatériaux. Le développement de textiles à base de matériaux biologiques peut faire la différence pour l’industrie vietnamienne. Il contribue également à réduire son impact négatif sur l’environnement et est très attractif pour les entreprises de mode internationales qui visent un développement durable.
Évidemment, au milieu de la tendance actuelle de développement des biomatériaux, le Vietnam est considéré comme ayant de nombreux avantages. Le recours à des matériaux traditionnels par les designers vietnamiens contribue au développement économique durable.
Thao Nguyên/CVN