Le village de Hôi Ky se trouve au bord de la paisible rivière Ô Lâu, réputé pour les anciens villages et les paysages verdoyants qui bordent ses deux rives. Placé actuellement sous la tutelle administrative du district de Hai Lang, province de Quang Tri (Centre), le village préserve encore de nombreuses maisons ruong (édifices à charpente en bois couverts de tuiles et entourés de verdure). La plupart de ces édifices, bâtis il y a 100-150 ans, abritaient à l’époque quatre générations d’une même famille.
La maison ruong à cinq travées de Duong Van Manh a été bâtie il y a 120 ans. |
Ingéniosité architecturale
Les maisons ruong symbolisent l’architecture traditionnelle typique du Centre. Généralement, l’assemblage des pièces se fait à tenon et à mortaise, en l’absence de tout métal. Le tout repose sur un système de colonnes, lesquelles reposent sur des bases rondes ou carrées en pierre de taille et décorées de manière subtile avec, en général, de 30 à 56 colonnes.
Les modèles ordinaires comprennent trois ou cinq travées (dont deux porteuses placées aux extrémités). L’autel des ancêtres occupe la travée centrale. Mais la taille, la structure ainsi que la complexité peuvent varier en fonction de chaque région. Dans le village de Hôi Ky, les maisons ruong sont caractérisées par le souci du détail des gravures en bois sur les colonnes, les poutres ou les arbalétriers. Chacune est entourée d’un jardin délimité par des haies. Une bâtisse fait généralement de 4,5-5m et dispose de 30-48 colonnes de bois d’un diamètre de 20-30 cm. La quasi-totalité des colonnes, poutres ou arbalétriers arbore des gravures laissant apparaître dragons, phénix, ou paysages naturels.
Le chef du village, Duong Van Cho, a informé qu’en dépit de la présence des nouveaux édifices en béton, le village conservait encore 50 maisons ruong centenaires. Sur ce nombre, 20 - les plus anciennes - sont faites en bois précieux avec des gravures extrêmement sophistiquées. La maison de Nguyên Van Manh en fait partie. De forme carrée avec trois travées, dont deux aux extrémités, elle trône dans un vaste jardin dont l’entrée est formée de deux rangées de plantes d’ornement taillées et bien entretenues. Le temps n’a pas eu d’effet sur la structure de la bâtisse et son mobilier (chaises, tables, armoires, peintures, autels, etc.), dans un parfait état de conservation.
Le système de colonnes, de poutres et d’arbalétriers. |
«Les maisons que j’ai visité à Hôi Ky sont d’une grande beauté. J’apprécie notamment l’ingéniosité des menuisiers qui est, à mon avis, supérieure à celle des palais à Huê. C’est une valeur à présenter», observe Kitani Kenta, chercheur de l’Institut des patrimoines mondiaux de l’UNESCO, de l’Université de Waseda, Tokyo (Japon).
Tradition familiale
Les maisons centenaires de Hôi Ky sont des édifices intergénérationnels. En d’autres termes, construits pour satisfaire la tradition d’autrefois des Vietnamiens de vivre quatre générations sous un même toit. Dans ce village, la plupart des maisons ruong appartiennent à trois lignées de familles : les Duong Quang, les Duong Van et les Nguyên Van. Et la répartition des fonctions de la maison se fait aussi selon un principe fixé : tandis que la travée centrale sera destinée à l’autel et à l’aménagement du salon, les travées restantes serviront pour la chambre des grands-parents, des parents, des enfants et celle des petits-enfants.
La maison de Duong Van Manh est une construction intergénérationnelle de cinq travées (deux aux extrémités) mise sur pied il y a 120 ans. «Ma maison, léguée par mon grand-père, a été construite sous le règne du roi de Thành Thai (1889-1907). Il a fallu trois ans pour réaliser les travaux. Dans cette maison, mes grands-parents ont vécu avec sept enfants et dix petits-enfants. Prochainement, la maison témoignera de la naissance du premier membre de la 4e génération», révèle M. Manh.
Le village de Hôi Ky se trouve au bord de la rivière Ô Lâu. |
Actuellement, modernité oblige, le village de Hôi Ky voit s’immiscer des bâtisses construites en béton. Mais le village garde toujours son charme grâce à ses paysages alentour et ses anciennes maisons authentiques. Les villageois, de générations en générations, poursuivent un style de vie simple et sincère avec des liens d’affection forts entre voisins. Un héritage de leurs ancêtres.
«J’ai voyagé partout dans le pays et même à l’étranger. Mais, à chaque fois, lorsque je reviens dans mon village, je me sens bien, grâce à cette harmonie qui règne avec les proches et les voisins», confie la septuagénaire Duong Thi Ngoc, qui a décidé de revenir y vivre pour le reste de sa vie après des années passées loin de sa terre natale.
Linh Thao/CVN