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L'artisan Lê Dinh Nghiên. |
Au début, c’est-à-dire il y a 400 ans, les estampes de Hàng Trông étaient exclusivement destinées au culte ou à la décoration. Vers le début du 20e siècle, elles se sont diversifiées pour aborder des thèmes de la vie quotidienne ou des contes populaires.
À leur apogée, les estampes de Hàng Trông étaient indispensables aux hanoiens, en tout cas à l’occasion du Nouvel An lunaire, lorsque toutes les familles les arboraient avec fierté dans leurs maisons, sur l’autel des ancêtres. Lê Thi Mai habite rue Hàng Non, dans l’ancien quartier de Hanoï : « Ma mère adorait les estampes qu’il y avait des deux côtés de l’autel des ancêtres. L’une montrait un paon symbolisant la femme, la noblesse et le bonheur de la famille ; l’autre une carpe représentant l’homme et le succès, comme dans cette célèbre légende de la carpe qui se transforme en dragon ».
Lê Dinh Nghiên, un grand artisan chevronné des estampes de Hàng Trông : « Nous sommes fabricants d’estampes depuis des générations, dans ma famille. À l’époque de mes grand-parents, il y en avait beaucoup dans la rue Hàng Trông et aux alentours. À cause de la guerre et de la modernisation, la plupart des artisans ont abandonné leur métier, mais nous, nous tenons absolument à le préserver. »
La guerre et les affres du temps ont emporté beaucoup de planches de Hàng Trông, sinon la plupart. Il n’en reste plus qu’une trentaine, la plus grande de format 120 cm x 80 cm, et la plus petite, 45 cm x 30 cm. C'est sur ces planches que sont imprimées les estampes avec de l’encre de Chine. Vient ensuite le contrecollage du papier. Certaines estampes nécessitent une seule couche de papier, d’autres deux ou trois. Il faut attendre que la colle sèche pour ajouter des couleurs supplémentaires. La fabrication d’une estampe prend alors facilement trois ou quatre jour. Lê Dinh Nghiên: «Dans l’art des estampes orientales, le contrecollage est une étape extrêmement importante, je dirais même décisive pour la beauté de l’œuvre. Le papier do étant très mince et fragile, deux ou trois couches sont nécessaires pour qu’on puisse dessiner dessus. Quelques dizaines d’années plus tard, lorsque le tableau sera moisi ou troué à cause du climat, son propriétaire pourra me le rapporter, je le contrecollerai de nouveau et en ferai une ancienne estampe flambant neuve. »
Lê Bich, grand amateur d'estampes populaires, admire beaucoup le savoir-faire de Lê Dinh Nghiên : « Pour moi, les estampes de Hàng Trông sont la quintessence de l’art des citadins hanoïens. Les techniques sont très sophistiquées, ce qui explique sans doute pourquoi peu de gens peuvent encore pratiquer ce métier. La façon de colorer les dessins paraît simple, mais il faut des dizaines d’années d’expériences pour atteindre le niveau de raffinement de M. Nghiên. Bref, j’adore les estampes de Hàng Trông qui sont destinées à la population urbaine et dont les techniques sont bien plus sophistiquées que celles des autres types d’estampes. »
En effet, à la différence des estampes de Dông Hô qui sont obtenues grâce à l’impression de plusieurs couches de couleurs avant l’impression des traits, celles de Hàng Trông utilisent à la fois des techniques d’impression et de dessin. Au début, on applique le papier sur une planche gravée pour imprimer les traits du dessin, que l’artisan va colorer et ombrer par un pinceau. Voilà le grand secret des estampes de Hàng Trông.