Viande de chien et mondialisation

La mondialisation, partie de l’économie, a fini par envahir tous les domaines, et en premier lieu la culture, qui englobe entre autres le sport et la cuisine. De là, la corrélation entre la viande de chien et la mondialisation. Retour avec un article publié en 2003.

>>Viande de chien et cultures

Le chien, un animal domestique très attaché à l’homme.

Sans la diable de Coupe du monde en 2002, tous les peuples qui consomment la viande canine depuis belle lurette pourraient continuer à le faire sans s’inquiéter d’un quelconque rappel à l’ordre. Mais, à la veille de cet événement sportif planétaire, Joseph Blatter, président de la FIFA, a déclenché une campagne en Occident pour exiger que les Sud-Coréens arrêtent de manger du chien puisque les matchs devaient se dérouler en partie sur leur territoire. Une chaîne de la TV new-yorkaise a patronné l’émission «Quand l’homme mord le chien» dénonçant les Sud-Coréens mangeurs de chien.

Des critiques d’un Prof. sud-coréen

Dans un article du Joongang Ilbo (Séoul), le Professeur sud-coréen Yi O.Ryong de l’Université Ehwa s’est fait l’interprète de l’indignation de ses compatriotes. Il a rétorqué la critique par des défis. Pourquoi alors ne rien dire des Japonais qui font du sashimi avec des poissons vivants, eux qui hébergeaient aussi les footballeurs internationaux ? Pourquoi lors de la Coupe du monde de 1998 en France ne devrait-on rien dire aux Français qui gavaient les oies ? Aux Olympiades de 2008 en Chine, oserait-on dire aux célestes de ne pas manger de chien ?

Le chien qui fait partie de presque toutes les cultures s’est attaché à l’homme depuis l’aube de la préhistoire. Issu sans doute de la domestication du loup, le mythe le plus répandu dans le monde fait du chien le guide de l’homme vivant sous le soleil et de son âme dans le royaume des ombres. En Asie orientale, le chien est un symbole ambigu, tantôt il est aimé en tant que compagnon fidèle, tantôt mal considéré comme bête abjecte. Au Tibet, il est l’incarnation de la luxure et de la jalousie. Selon l’enseignement de Bouddha, «celui qui vit comme un chien, son corps décomposé après sa mort erre avec les chiens». Le bouddhisme vietnamien interdit aux religieux de manger de la viande, surtout du chien que seuls consomment les bonzes qualifiés de «cobras» (Su hô mang). La culture coréenne est très liée au chien, où l’on compte plus de deux mille noms de lieu qui ont un rapport avec le chien.

Les Vietnamiens préfèrent élever, dans chaque famille, au moins un chien considéré comme un gardien de la maison.

La consommation du chien remonte à un passé lointain. Se faisant l’avocat de cette pratique, Yi O.Ryong insiste sur la légitimité du particularisme culturel qu’il explique par la relativité de la notion de «distance». Il prend comme exemples les coutumes matrimoniales et alimentaires. À l’origine, on évite d’épouser un membre trop proche de la famille, on ne mange pas les animaux qui vivent dans la maison, trop proches de l’homme. Mais les critères d’évaluation de la distance varient selon les cultures. En Corée du Sud, deux personnes ayant le même nom de famille ne peuvent pas devenir femme et mari.

Chaque communauté a sa propre culture

Mais au Japon, des cousins peuvent se marier. Tandis qu’en Occident, le chien est presque aussi respecté que l’homme, il ne l’est pas dans la culture sud-coréenne confucéenne où il n’est pas autorisé à pénétrer dans une chambre (sauf pour les caniches et chiens de compagnie). Les chats et les poissons rouges y sont admis, les chiens sont tabous. En outre, seulement une partie de la population consomme du chien, viande d’une espèce de chiens jaunes et non de toutes les espèces canines. Le nombre d’amateurs de viande canine est en constante diminution. Les Sud-Coréens ne mangent du chien que certains jours particuliers, les jours de canicule.

Certains Vietnamiens, superstitieux, évitent de manger du chien et du canard les premiers jours du mois lunaire, de peur de s’attirer le mauvais sort. On croit également que la viande de chien est aphrodisiaque. La campagne contre la consommation de la viande canine en Corée du Sud défend implicitement l’idée selon laquelle la culture occidentale est un modèle à valeur universelle. Or, s’il y a des valeurs culturelles acceptées par tous, il y en a qui sont particulières à une culture. Chaque communauté crée sa propre culture, comme le ver à soie tisse son cocon. Comme chaque culture, sert essentiellement une communauté déterminée, il ne saurait être question de considérer qu’une certaine culture est supérieure à une autre. Il ne faut pas confondre civilisation avec culture.

Si les extrémistes musulmans ne doivent pas chercher à anéantir la culture occidentale, l’Occident ne doit pas non plus, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, déclencher une guerre étiquetée culturelle, guerre injuste et injustifiée. La prédiction de Huntington ne doit pas être prise au sérieux.

Huu Ngoc/CVN

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