«Tout s'est bien passé”, s'est borné à dire devant la presse le président béninois Boni Yayi à l'issue d'une rencontre de deux heures et demie au palais présidentiel d'Abidjan avec Laurent Gbagbo, qui se montrait souriant et décontracté. M. Yayi était arrivé dans la matinée comme ses pairs sierra-léonais et capverdien, Ernest Koroma et Pedro Pires.
Les émissaires ont revu en fin de journée Laurent Gbagbo, qui les a quittés en leur lançant : "je vous remercie, on vous attend de nouveau".
Partis dans la soirée pour Abuja (Nigeria), ils devaient rendre compte hier de leur mission au chef de l'État nigérian Goodluck Jonathan, président en exercice de la Cédéao, selon une source proche de l'organisation à Abidjan.
Pour le camp Ouattara, l'affaire est entendue. Le porte-parole de son gouvernement, Patrick Achi, a affirmé que "le statut de président" de Ouattara n'étant "pas négociable", "il s'agit maintenant de négocier les conditions de départ de l'ancien président Laurent Gbagbo", et rien d'autre.
Entre leurs deux rendez-vous avec Gbagbo, les trois émissaires ont échangé avec Ouattara dans le grand hôtel qui lui sert de quartier général, soumis à un blocus des forces loyales à son rival et gardé par des chars et des éléments de la mission de l'ONU dans le pays, l'ONUCI.
Preuve que la tension reste forte, un convoi de l'ONUCI a été attaqué à Abidjan par une "foule nombreuse", blessant un Casque bleu avec une machette et incendiant un véhicule, a indiqué la mission. Laurent Gbagbo a exigé le départ de l'ONUCI, qu'il accuse de soutenir militairement Ouattara.
Le camp Gbagbo a toutefois fait un geste d'apaisement, en annonçant le report sine die d'un grand rassemblement de "jeunes patriotes", ses fervents partisans, initialement prévu hier dans la capitale économique.
"Il y a report pour donner une chance à la diplomatie en marche", a déclaré leur leader Charles Blé Goudé, ajoutant qu'il ne voulait pas donner à ses adversaires "l'occasion de réussir leur guerre civile".
Pendant plus d'une semaine, Blé Goudé avait pourtant mobilisé ses troupes dans Abidjan en vue de cette manifestation pour "la dignité et la souveraineté" de la Côte d'Ivoire.
Gbagbo, qui prend "au sérieux" les menaces de la Cédéao, se présente comme le seul président ivoirien et dénonce un "complot" de l'ex-puissance coloniale française et des États-Unis.
Le 28 décembre soir, son gouvernement a menacé de renvoyer des ambassadeurs de pays qui, à la demande de Ouattara, "entendent mettre fin à la mission" de ses propres représentants, visant principalement et sans la nommer la France, où un ambassadeur nommé par Ouattara est en cours d'agrément.
Le camp Gbagbo a averti d'un risque de "guerre civile" en cas d'opération armée de la Cédéao, soulignant la présence de millions de ressortissants ouest-africains en Côte d'Ivoire.
La période post-électorale a été particulièrement violente, faisant au moins 173 morts du 16 au 21 décembre, essentiellement des partisans de Ouattara, selon l'ONU, 53 morts depuis fin novembre, selon le camp Gbagbo, dont 14 membres des Forces de défense et de sécurité (FDS, loyales au sortant).
Un appel à la grève du camp Ouattara a été mieux suivi le 28 décembre qu'à son premier jour du 27 décembre, et s'est traduit notamment à Abidjan par une forte réduction des transports collectifs.
Son gouvernement, qui reste dépourvu de l'essentiel des leviers du pouvoir comme l'administration, a haussé le ton envers les fonctionnaires qui continuent de collaborer avec "le régime illégal et illégitime" de Gbagbo, les menaçant de sanctions.
AFP/VNA/CVN