>>Dernière chance pour le cyprès chinois des marais
Zone de conservation des cyprès des marais à Dak Lak (hauts plateaux du Centre). |
Photo : TT/CVN |
Jour et nuit, les agents forestiers de la Zone de conservation des cyprès de marais (ZCCM), dans la province de Dak Lak, sur les hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên en vietnamien), se relaient pour protéger les derniers bosquets de cyprès de marais du pays.
Le cyprès de marais ou thông nuoc en vietnamien (nom scientifique Glyptostrobus pensilis) est un conifère endémique des marais. Selon des études scientifiques, le cyprès de marais fossilisé le plus ancien date au Crétacé. Cette espèce s’épanouit dans la zone subtropicale du Sud-Est de la Chine : de l’Ouest du Fujian jusqu’au Sud-Est du Yunnan, et dans certains secteurs très localisés du Centre Vietnam.
Actuellement, il semblerait qu’il n’y ait plus de spécimens sauvages. La province vietnamienne de Dak Lak (dans les hauts plateaux du Centre) abrite deux bois, totalisant 162 pieds, l’une dans la commune d’Ea Ral, district d’Ea H’leo (140 pieds) ; l’autre à Ea Hô, district de Krong Nang (22 pieds). Placés sous la surveillance de gardes forestiers, ces arbres sont considérés comme des patrimoines nationaux.
Sous menace permanente
Deux vases en bois de cyprès. |
La commune d’Ea Hô abrite un bas-fond marécageux où poussent les cyprès de marais depuis des temps immémoriaux. Selon un garde forestier, avant 1980, la forêt était luxuriante, mais après la construction d’un barrage au service de la production agricole, le niveau de l’eau est monté et a perturbé l’habitat naturel des cyprès. "Beaucoup d’entre eux ont été noyés. De plus, les habitants ont cherché à défricher cette zone pour y cultiver des caféiers", révèle-t-il.
Les cyprès survivants ont aussi subi les attaques des "bûcherons braconniers", motivés par une rumeur selon laquelle le bois de cyprès aurait des propriétés contre le cancer. De plus, ce bois, à la fois parfumé et veineux, fait aussi le bonheur des collectionneurs d’art.
Pour faire face à cette situation, le Comité de gestion des zones de conservation des cyprès de marais a été créé en août 2012, placé sous les auspices du Service de l’agriculture et du développement rural de la province de Dak Lak.
Deux bosquets de cyprès de marais à Ea Ral et à Trâp K’so, sont désormais surveillés jour et nuit par des gardes forestiers. Début 2014, le Comité populaire de Dak Lak a ratifié le Plan 2014-2020 de délimitation, de défense et de développement durable des ZCCM.
"Imaginez qu’il y a une dizaine d’années, pour s’approcher d’un pied de cyprès, on devait barboter dans la boue jusqu’aux épaules. Lors des patrouilles, serpents, sangsues et moustiques nous menaient la vie dure… ", se rappelle Pham Quang Phong, chef adjoint de la ZCCM d’Ea Ral. Et de vanter avec un sourire : "La surveillance est à présent beaucoup plus facile qu’auparavant grâce un réseau de ponts flottants que nous avons construit à travers le marais".
En mission dans cette ZCCM d’Ea Ral depuis cinq ans, ce garde forestier s’est habitué aux patrouilles tant diurnes que nocturnes, et se réjouit de voir les arbres vivre en paix.
"Nous nous relayons constamment, même à l’occasion des fêtes", affirme-t-il. Il conduit les journalistes à la station principale du Comité de gestion de la ZCCM, érigée au milieu de la forêt. Là, se dressent deux miradors. Chacun muni d’un lit et d’un ventilateur. "C’est la chambre à coucher des gardes forestiers", explique Pham Quang Phong.
Pour Vo Thanh Tâm, chef de la ZCCM d’Ea Ral, les cyprès de marais à Dak Lak sont âgés, pour la plupart, de plus de 100 ans. Le plus vieux a 600 ans et le plus jeune, 50 ans. "Ces bois sont en cours de dégénérescence. Très peu de pieds produisent des graines", déplore-t-il. Il cite alors le Fonds mondial pour la nature (World Wide Fund for Nature) : "le cyprès de marais fait partie des espèces végétales à haut risque d’extinction".
Augmenter la population de cyprès
Patrouilles pour protéger les derniers bois de cyprès de marais du pays. |
Photo : TT/CVN |
"Des études sur la multiplication végétative de cette espèce sont en cours au Vietnam, précisément dans la ZCCM", selon Vo Thanh Tâm. Les scientifiques chargés de cette mission sont les gardes forestiers eux-mêmes.
Ces dernières années, outre la surveillance quotidienne, ces experts en sylviculture ont étudié une méthode permettant la régénération des cyprès. "Grâce à de multiples travaux de recherche réalisés ces derniers temps, nous avons enfin trouvé une méthode prometteuse : greffer le germe sur la racine principale du cyprès", dévoile le directeur.
Néanmoins, le taux de survie des jeunes plants reste modeste : sur une centaine de greffes, seulement huit ont résisté. De plus, le processus consistant à détacher le jeune plant de la racine-mère est délicat. "Même en cas de réussite, cette méthode n’assure pas une régénération suffisante", explique-t-il.