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Les drapeaux américain et chinois au fronton d'un hôtel, le 14 mai à Pékin. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
La demande pour les avocats spécialisés en droit douanier et les experts en import/export a explosé car un grand nombre de sociétés essaient de s'y retrouver dans ce conflit commercial entre les deux premières puissances économiques mondiales aux règles floues. "Beaucoup de nos membres nous demandent si le pays d'origine d'une marchandise peut être celui où est fabriqué son contenant", confie Sage Chandler, en charge du commerce International chez Consumer Technology Association (CTA), le lobby des groupes de grande électronique américaine.
Concrètement, des écouteurs fabriqués en Chine mais emballés au Vietnam peuvent-ils être estampillés "Made in Vietnam"? Au nom de "l'Amérique d'abord", Washington a imposé 25% de tarifs douaniers sur 250 milliards de dollars d'importations de biens chinois et n'exclut pas d'élargir ces taxes à l'ensemble des biens en provenance du géant asiatique.
Diversification
Face à cette nouvelle donne, certaines sociétés ont étoffé leurs stocks en Amérique du Nord, dans l'espoir d'une désescalade entre Pékin et Washington. D'autres, cas le plus courant, réorganisent en vitesse leur circuit d'approvisionnement, en ouvrant des sites de production au Vietnam, au Cambodge, en Malaisie, aux Philippines, au Bangladesh, en Inde, en Ethiopie, voire... au Mexique. Les exportations d'ordinateurs et d'électronique du Vietnam vers les États-Unis ont augmenté de 71,6% sur un an sur les cinq premiers mois de l'année, selon les chiffres officiels.
Des conteneurs au port de Qingdao, le 24 juin dans l'est de la Chine |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Les exportations des machines et équipements ont, elles, flambé de 54,4%. "Nos équipes ont accéléré la diversification de notre chaîne logistique pour atténuer l'impact de tout tarif douanier potentiel à long terme", dit-on chez Ralph Lauren. Le groupe Xcel Brands (marques Isaac Mizrahi et Judith Ripka) n'aura plus d'usine en Chine à compter de 2020, alors même que 100% de ses marchandises y étaient produites il y a encore deux ans. Il a transféré sa production au Vietnam, au Cambodge et au Bangladesh et explore la possibilité de produire en Amérique centrale, au Mexique et au Canada. "Potentiellement, cela pourrait améliorer notre pourcentage de ventes directes aux consommateurs et de meilleures marges", explique Robert D'Loren, le PDG, ajoutant avoir écarté la possibilité de produire aux États-Unis parce que ce n'est pas rentable.
Circuit parallèle
Les entreprises américaines avaient commencé à réduire leur dépendance vis-à-vis des importations de Chine bien avant la guerre commerciale, en raison d'une augmentation des coûts de production et des coûts du transport comparé aux pays asiatiques voisins. La part des chaussures américaines fabriquées en Chine est passée de 90% il y a une décennie à quelque 69%, indique Matt Priest, le président de la FDRA, le lobby américain des fabricants de chaussures.
Mais les nouveaux eldorados de production manquent souvent d'infrastructures (autoroutes, aéroports...) et de personnel compétent et peuvent tout à coup devenir la cible de nouveaux droits de douane. Dans ces conditions, il s'est développé un circuit parallèle: les entreprises font transiter de la marchandise fabriquée en Chine dans un pays intermédiaire où ils la modifient légèrement pour en faire son pays d'origine dans l'espoir d'échapper aux droits de douane américains.
"Mon cabinet a reçu un nombre croissant de dossiers de cas d'évasion de tarifs douaniers", explique Jeff Newman, avocat spécialisé installé à Boston. D'après le Wall Street Journal, les autorités américaines ont identifié récemment plusieurs biens chinois étiquetés produits au Vietnam, en Malaisie et aux Philippines. Les Douanes américaines n'ont pas donné suite. Pour les grands groupes de la distribution comme Walmart ou Target, une sortie de la production de Chine est intenable, notamment quand il s'agit d'articles aux marges faibles comme les tongs. Il leur reste deux options: soit augmenter leurs prix, soit en arrêter la production.
"Il n'y a pas d'intérêt pour Target ou Walmart de continuer à produire des chaussures dont les marges sont de 6 à 7% si les tarifs douaniers sont à 25%. Et ce n'est pas rentable d'en transférer la production au Vietnam", dit Matt Priest, car une telle décision exige de lourds investissements et "il faut du temps pour construire la relation avec un fournisseur".
AFP/VNA/CVN