Les artistes tatoueurs de Saïgon

Pratique autrefois mal considérée, car supposée réservée aux personnages interlopes, le tatouage s’est largement démocratisé et est devenu un véritable phénomène de société. En témoigne les nombreux salons qui fleurissent un peu partout à Hô Chi Minh-Ville.

Des modèles de tatouage.


Dans le quartier dit «des étrangers» au cœur du 1er arrondissement, l’on dénombre une vingtaine de salons de tatouage. Rue Dê Tham, sur un kilomètre, il y a en cinq, ouverts 24h/24. On en trouve aussi dans les 8e, 10e arrondissements ou celui de Thu Duc. Bref, l’embarras du choix...

Fin des préjugés sur le «voyou tatoué»

Ce sont les rues Nguyên Cu Trinh, Trân Hung Dao, Công Quynh, Dê Tham (1er arrondissement) qui arborent le plus d’enseignes. Les plus célèbres sont Saigon Ink et Saigon Tattoo. Leurs patrons possèdent chacun de trois à cinq salons.

Celui de Saigon Tattoo, Dang Phuong Hoà (alias «Hoà Dang»), en gère trois (rues Bùi Viên, Nguyên Van Cu, Nguyên Cu Trinh, dans le 1er arrondissement), et un autre est prévu à Vung Tàu. Fin 2011, il est allé au Texas et à Las Vegas pour participer à des festivals internationaux de tatouage. Dans sa boutique, ses certificats de formation et coupes décrochées lors de concours internationaux trônent dans un coin, bien en évidence. «Si dans beaucoup de pays développés, le tatouage est très répandu, au Vietnam, on n’en est encore qu’au début. Le tatouage est en train de sortir de son cadre étriqué de +marotte de voyou+ pour s’ouvrir à tous. Les préjugés sont en train de sauter», se réjouit-il.

Un site web sur le tatouage.

Fin octobre dernier, des dizaines de tatoueurs de Saigon Ink ont participé à un festival en Thaïlande. D’autres, des salons Tâm Bi ou Terry Do sont partis en France, en Thaïlande et à Singapour pour se perfectionner.

Des artistes mobiles

Pour vous faire tatouer, deux solutions s’offrent à vous : au salon ou à domicile. Châu fait partie de ces «tatoueurs itinérants» qui se rendent chez le client avec tout leur matériel. Le prix de la prestation dépend bien sûr de la distance à couvrir, mais elle est en général 200.000-300.000 dôngs plus élevée que celle des tatoueurs de salons.

                            Formation
Certains salons de tatouage prestigieux de Hô Chi Minh-Ville proposent maintenant des cours de formation. Par exemple Saigon Tattoo 2 (128, rue Nguyên Van Cu, 1er arrondissement), qui forme actuellement huit jeunes (dont cinq femmes). Coût : huit millions de dôngs les trois mois. La plupart ne sont pas de Hô Chi Minh-Ville mais de provinces alentours. Certains sont de vrais passionnés, d’autres souhaitent seulement surfer sur cette mode pour ouvrir un salon dans leur localité d’origine.

Bo est un cas à part. Étudiant en dernière année de l’Université de l’architecture, il tatoue chez lui, dans son petit studio de 14 m².

Le salon de Nguyên Tiên Thinh (alias Cuong em) se trouve dans une ruelle à Nguyên Cu Trinh (1er arrondissement). Son élève, Phê «nang», est en train de tatouer deux jeunes femmes. Papillon au creux des reins et rose sur l’épaule. Cette salle est à la fois un salon de tatouage et le lieu où son groupe de musique s’exerce au djembé.

Parmi la confrérie des tatoueurs, certains sont considérés comme de vrais artistes. Nguyên Dang Thiên, qui a tatoué beaucoup de gens du show-biz, en fait partie. Dans ses quatre salons, des personnes sont chargées d’accueillir et de discuter avec les clients. Premier principe : pas de tatouage pour les moins de 18 ans. Second principe : conseiller les clients et éventuellement dissuader ceux qui souhaitent des motifs extravagants sur des parties exposées de leur corps. «Nous ne travaillons pas seulement pour gagner notre vie mais par passion. Nous tentons toujours de raisonner les clients désirant des motifs susceptibles d’être une source de regret cuisant dans l’avenir», confie Nguyên Manh Cuong, du salon Dang Thiên.

Formé à l’École supérieure des beaux-arts, Dang Thiên a dix années d’expériences dans ce métier. «Je souhaite que le tatouage soit reconnu comme un art à part entière et les tatoueurs comme de vrais artistes». En 2010, les tatoueurs de Hô Chi Minh-Ville se sont réunis pour discuter de la fondation d’une association professionnelle.

 

Le tatouage est devenu un véritable phénomène de société.

L’artiste Hoàng «Mosshow» était homme d’affaires avant de tout abandonner pour devenir tatoueur. Une passion. L’artiste avoue autant aimer se faire tatouer que tatouer les autres. Son corps est déjà bien garni, et le manque de place commence à se faire sentir...

Dans un salon de la rue Bùi Viên (1er arrondissement), Tery Dô, un Vietnamien de France, qui a grandit dans le studio de tatouage de son père, respecte toujours les règles d’hygiène. Tout salon de tatouage qui se respecte ressemble maintenant à un atelier d’art mâtiné de cabinet de dentiste : gants en latex, produits désinfectants et autoclave stérilisant sont de rigueur, assurant la protection du client autant que de l’artiste. Il dessine tous les tatouages de ses clients et chacun est unique. «Un tatouage c’est pour la vie. Chaque individu est unique, c’est pourquoi le tatouage doit aussi l’être», insiste Tery.

Hà Minh/CVN

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