>> Les Accords de Paris de 1973 apportèrent un printemps de la liberté
>> Accords de Paris : la plupart des Américains étaient opposés à la guerre au Vietnam
Michel Strachinescu présente ses photos d’antan et raconte ses souvenirs quand il était chauffeur de la délégation vietnamienne. |
Photo : Thu Ha/CVN |
Michel Strachinescu feuillète les pages de l'album et revoit les photos d’antan les larmes aux yeux. Il se souvient de 4 ans de travail à la délégation vietnamienne en tant que chauffeur de la délégation du Gouvernement révolutionnaire provisoire du Sud-Vietnam, conduite par sa ministre des Affaires étrangères Nguyên Thi Binh, qui est devenue plus tard vice-présidente de la République socialiste du Vietnam.
Pour ce septuagénaire, ce fut la période la plus belle, la plus fière et la plus honorable de sa vie. "Nous avons été envoyé par le Parti communiste français (PCF) qui, à cette époque-là, était puissant. Moi, j'étais secrétaire d'une cellule à Aulnay-sous-Bois, où j'habitais. Parce que je connaissais bien les rues de Paris, ils m'ont demandé de travailler comme chauffeur pour la délégation et notamment pour Nguyên Thi Binh", se souvient-t-il.
Pendant ces 4 années, son travail n'a toujours pas été facile, parfois il a dû partir dans la nuit ou dans le froid, pour des missions officielles ou non. En racontant ses histoires, il a avoué avoir commis beaucoup d’infractions du Code de la route pour éviter les journalistes qui le poursuivaient toujours.
M. Strachinescu et l’ancienne vice-présidente Nguyên Thi Binh (centre) à l'occasion du 40e anniversaire des Accords de paix de Paris. |
Photo: VNA/CVN |
Pour M. Strachinescu, le jour de la signature des Accords de Paris fut "formidable et fantastique", car il marqua la victoire de la délégation vietnamienne après près de 5 ans de négociations acharnées et tendues, à la fois ouvertement et secrètement. "Pour fêter l'événement, le lendemain, j'ai fait une pièce montée et ouvert le champagne pour honorer cet évènement, pour Mme Binh et la délégation", se souvient-il. "Cependant, Mme Binh nous a dit que ce n'est pas encore fini, il fallait continuer. Ce jour-là, je n'ai pas très bien compris, pensant que la signature signifierait que la paix reviendrait au Vietnam. Mais plus tard, j'ai trouvé qu'elle avait raison. Parce qu'après le retour de Mme Binh chez elle, il fallut encore deux ans au Vietnam pour renverser le gouvernement fantoche et parvenir à la paix et à la réunification."
M. Strachinescu n'a pas non plus oublié ses visites au Vietnam après le rétablissement de la paix et le 40e anniversaire de la signature des Accords de Paris. Pour lui, revoir ses amis vietnamiens, notamment Mme Nguyên Thi Binh, fut une surprise merveilleuse que lui faisait l'État vietnamien. Il fut également la seule personne invitée à assister à la célébration du 40e anniversaire au Vietnam, car la plupart des personnes qui servaient la délégation vietnamienne au moment des négociations étaient décédées, ou ne pouvaient venir au Vietnam pour assister aux événements.
Nguyên Thi Binh, cheffe de la délégation sud-vietnamienne, coupant la pièce montée préparée par M. Strachinescu pour célébrer la signature des Accords de Paris. |
Photo : VNA/CVN |
Parlant du 50e anniversaire des Accords de paix de Paris cette année, M. Strachinescu a déclaré avec émotion : "Pour moi, le Vietnam est un très beau pays, c’est la lumière du monde et j'en suis heureux !"
Des témoins de l'histoire
Pascal Lê Phat Tan est le descendant de deuxième génération de Vietnamiens de France qui ont servi les délégations vietnamiennes participant aux négociations des Accords de Paris. Son père filma toute la communauté vietnamienne en France dans ses activités et manifestations contre la guerre, tandis que sa mère s’occupait de la cuisine pour la délégation du gouvernement de la République démocratique du Vietnam, dirigée par M. Xuân Thuy. Tous les matins, elle se rendait chez la délégation à Choisy-le-Roi pour préparer les repas. C'est elle qui était aussi chargée de goûter les plats avant que la délégation ne les mangeaient.
Pascal Lê Phat Tan présente des images enregistrées par son père le jour de la signature des Accords de Paris. |
Photo : Thu Ha/CVN |
À cette époque-là, Lê Phat Tan n'était qu'un garçon de plus de 10 ans, mais il ressentait quand même l'amour de ses parents pour leur Patrie. Il était conscient de leur douleur lorsqu'il voyait le Vietnam souffrir de la guerre. Par conséquent, ses parents et de nombreux autres Viet kieu étaient prêts à se porter volontaires pour aider la délégation. "À cette époque, j'étais encore un enfant, alors les week-ends ou en vacances, je passais à Choisy-le-Roi afin d’aider les gens à éplucher les oignons, découper de la viande... Les gens de la délégation étaient très gentils et nous les enfants, on était très bien accueilli. C’était très émouvant!"
Pour Lê Phat Tan, le jour de signature des Accords de paix fut une journée inoubliable. Il a montré des images précieuses et inédites enregistrées par son père, Lê Phat Tan et conservées, à l’heure actuelle, au Centre de documentation du PCF.
Il se souvient, encore ému : "La signature des accords nous a apporté un très grand soulagement. Tout le monde a éclaté de joie. On a pris le métro très tôt le matin jusqu'à l'avenue Kleber pour assister à l'événement et féliciter la délégation vietnamienne. Comme les enfants n'étaient pas contrôlés par la sécurité, nous avions caché les drapeaux dans nos poches. Et quand on fut là-bas, on distribua les drapeaux aux participants. Ce fut un grand moment de joie!"
Faisant partie de la première générations d'étudiants et de stagiaires de la République Démocratique du Vietnam présents à Paris lors de la cérémonie de signature des Accords de Paris, l'ambassadeur Van Nghia Dung n'a pas oublié l'atmosphère passionnée du 27 janvier 1973, ainsi que l’aflux des Vietnamiens de France et d’amis français le long de l’avenue devant le Palais des Congrès Klébert, couverte d’une forêt des drapeaux rouges à l’étoile d’or du Vietnam et du drapeau mi rouge mi- bleu à l’étoile d’or du Front de libération nationale. "Le moment le plus impressionnant a été de recevoir le convoi conduisant les délégations du gouvernement de la République démocratique du Vietnam dirigées par le conseiller Lê Duc Tho et le chef de la délégation Xuân Thuy, et la délégation du gouvernement révolutionnaire provisoire du Sud-Vietnam dirigée par Nguyên Thi Binh, au visage radieux et vêtue d’un ao dai gracieux. Lorsque les deux délégations descendirent du bus pour entrer dans le Palais des Congrès, une salve d’applaudissements éclata, obligeant les délégués à s'arrêter longuement pour saluer les amis vietnamiens et français. Au contraire, lorsque la délégation américaine conduite par le secrétaire d'État Kissinger et celle du gouvernement fantoche de Saïgon conduite par son ministre des Affaires étrangères Trân Van Lam descendirent de leurs véhicules, elles furent immédiatement huées et sifflées... les poussant à entrer précipitamment dans la salle de conférence", a-t-il rappelé.
Il n’a pas oublié non plus la réception solennelle en présence d’environ deux mille Viêt kieu, étudiants vietnamiens et amis français. Un banquet fut donné par les deux délégations vietnamiennes à l'hôtel Lutecia pour célébrer la signature des Accords et présenter leur gratitude aux amis vietnamiens et français qui les aidèrent au cours du processus de négociation.
L'ambassadeur Van Nghia Dung et l’ancienne vice-présidente Nguyên Thi Binh. |
Photo: VNA/CVN |
Selon l'ambassadeur Van Nghia Dung, les Accords de Paris ont marqué d'un jalon important car ils ont apporté une contribution décisive à la fin de la guerre et au rétablissement de la paix au Vietnam. Ce fut le plus long processus de négociation de l'histoire avec plus de 4 ans et 8 mois, à la fois des négociations ouvertes et des rencontre secrètes. En outre, l'événement eu de nombreuses autres répercussions importantes. "Il rassembla largement le mouvement patriotique des Vietnamiens de France. Ce fut aussi le fruit de l'appui sincère du PCF dans l'organisation de l'hébergement et de la sécurité des deux délégations", a souligné l'ambassadeur.
Nicole Trampoglieri est présidente de l'Association d'amitié France - Vietnam (AAFV) de la ville de Choisy-le-Roi et du département du Val-de-Marne. Bien qu'elle n'ait pas été directement impliquée dans les activités liées aux négociations, elle représenta une génération de jeunes français aimant la paix, s'opposant au colonialisme et au racisme. C'est pourquoi elle soutint toujours la lutte du peuple vietnamien pour son indépendance et sa liberté.
Nicole Trampoglieri raconte ses souvenirs liés au 40e anniversaire de la signature des Accords de paix de Paris, tenu à Choisy-le-Roi. |
Photo : Thu Ha/CVN |
Elle fit sa première manifestation pour la paix au Vietnam alors qu’elle était lycéene. À l’université, ces luttes se poursuivaient. La période des négociations entre 1968 et 1973, ce fut pour Mme Trampoglieri à la fois la fin de ses études, le début de sa vie professionnelle et la naissance de son premier enfant. "Le souvenir que je garde c’est l’activité à Vitry sur Seine où nous habitions à l’époque. Tous les dimanches matins, nous étions sur le marché. Nous avions un stand organisé par le PCF pour faire des tombolas et recueillir ainsi de l’argent qui étaient destiné aux combattants vietnamiens", a-t-elle raconté.
Le jour de la signature, pour elle, fut un "grand soulagement", mais elle savait que ce n’était pas encore la fin de la guerre et qu’il allait encore falloir beaucoup aider le Vietnam parce qu’il n’était pas au bout de ses épreuves.
Le jumelage entre la ville de Choisy le Roi et l’arrondissement de Dông Da, victime des bombardements américains en 1972, commença sur l’aide à la reconstruction notamment des écoles, et autres aides matérielles concrètes et nécessaire.
Un demi-siècle s'est écoulé, les récits des Accords de paix de Paris de 1973 par les quelques témoins restants permettront aux jeunes, qu'ils soient Français ou Vietnamiens, de connaître une page héroïque de l'histoire relative au rétablissement de la paix au peuple vietnamien, et en même temps à l’établissement de l'amitié franco-vietnamienne, qui s'est toujours consolidée au cours du dernier demi-siècle.
Nguyen Thu Ha (France)/CVN