Le musée «GardeRobe Manneken-Pis» à Bruxelles conserve plus de mille costumes du Manneken-Pis. |
Un nouveau musée ouvert début février, la «GardeRobe MannekenPis», et un ouvrage richement illustré (publié chez CFC Editions) permettent d’en savoir plus sur un personnage à l’histoire somme toute méconnue, y compris des Bruxellois, mais qui attire chaque jour des milliers de touristes.
L’affection pour ce petit bonhomme de bronze haut d’une soixantaine de centimètres ne date pas d’hier, ont expliqué les deux conservateurs de la collection, Catherine Gauthier et Gonzague Pluvinage.
Lui offrir un costume - il en compte quelque 965 et sa collection s’agrandit chaque année de 20 à 25 nouvelles pièces - fut dès la fin du Moyen-Âge un moyen pour les autorités, souverains ou édiles communaux, de renforcer leurs liens avec la population locale.
Les Bruxellois l’ont «probablement choisi comme symbole parce qu’avec son petit air frondeur, il permettait de gentiment railler les autorités. On a l’habitude de dire que les Bruxellois ne se prennent pas au sérieux», sourit Catherine Gauthier.
«La plus ancienne mention de la fontaine Manneken-Pis, qui se situait déjà à son emplacement actuel, à deux pas de la Grand-Place, remonte au XVe siècle. La plus ancienne représentation d’un costume figure sur un tableau de 1615 et le plus ancien costume que nous conservons date de 1747», précise l’historienne.
Dans la peinture de 1615, un Manneken-Pis est représenté en berger sur l’un des huit tableaux de la série que Denis van Alsloot consacre à la procession de l’Ommegang, l’un des plus joyeux défilés de la tradition bruxelloise. Posé sur une colonne, il fait puissamment jaillir son eau dans un double bassin.
Aujourd’hui, il arrive encore que les gestionnaires de la fontaine augmentent subitement la pression et arrosent copieu-sement les touristes des cinq continents à ses pieds...
La statue de bronze sur la Grand-Place - dont l’originale est conservée au musée de la Ville de Bruxelles, la «Maison du roi» - est l’œuvre du sculpteur Jérôme Du Quesnoy l’Ancien et date de 1619.
Selon une des nombreuses légendes entourant le Manneken-Pis, les autorités demandèrent à l’artiste de représenter un petit garçon qui aurait éteint une mèche en urinant dessus, sauvant ainsi Bruxelles d’un terrible incendie.
Mais il ne s’agit que d’un conte, relève le co-conservateur du musée, Gonzague Pluvinage.
Un employé prépare des costumes de Manneken-Pis au nouveau musée nommé GardeRobe Manneken-Pis à Bruxelles. |
«À cette époque-là, la thématique de l’enfant urinant était un motif courant dans les arts. Dans le centre de Bruxelles, il y a également le +Cracheur+. Et il y avait (autrefois) la +Fontaine des trois pucelles+, où l’eau sortait des poitrines de trois femmes», explique M. Pluvinage.
D’autres statues comme la Vierge Marie ou l’enfant Jésus ont des garde-robes connues mais le «Manneken-Pis est la seule statue profane au monde qui a un tel vestiaire, avec plus de 965 costumes», observe sa consœur Catherine Gauthier.
L’un des plus beaux costumes, à ses yeux, est un cadeau de Louis XV.
«Des soldats en garnison à Bruxelles ont tenté de voler la statue, mais le peuple était tellement en colère que le roi de France a décidé de lui offrir un costume de gentilhomme et de le nommer chevalier de l’Ordre de Saint-Louis. Les soldats devaient alors le saluer», raconte la conservatrice.
Habillé pour la Gay Pride
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, les costumes du Manneken-Pis proviennent de tous les pays européens, d’Afrique, d’Asie ou des Amériques. D’autres sont offerts par de nombreuses associations folkloriques, professionnelles ou étudiantes.
Ces associations peuvent faire appel «à leur propre couturier, qui travaille à partir d’un patron reprenant toutes les indications techniques. Ça a été le cas notamment pour la Gay Pride de Bruxelles, dont le costume a été confectionné par Jean-Paul Gaultier», souligne Catherine Gauthier. «C’est aussi le cas pour des ambassades, qui peuvent par exemple faire appel à un couturier reconnu dans leur pays».
«L’autre possibilité, souligne-t-elle, est de faire appel à une dame qui a l’habitude de confectionner les costumes et qu’on appelle généralement la +couturière officielle du Manneken-Pis+, même si elle n’est pas directement liée à la ville de Bruxelles», au contraire de l’habilleur qui est lui un fonctionnaire municipal.
Le Manneken-Pis est habillé
130 fois par an. Un calendrier mensuel tient compte de demandes ponctuelles pour tel anniversaire ou telle commémoration notamment. Parfois, l’actualité dicte un nouvel habillage : quand Nelson Mandela est décédé, le Manneken-Pis a revêtu son costume...
Gonzague Pluvinage dit avoir un faible pour les versions modernes : «Le fan de BD trouvera les costumes d’Obélix et de Mickey Mouse touchants. Celui d’Amnesty International ne vous laissera pas de marbre. Et puis il y a celui du pays ou de la région d’où vous venez... En tout, 130 sont exposés».
Le nouveau parcours touristique commence au Musée de la Garde-Robe, passe par la fontaine du Manneken-Pis pour s’achever au Musée de la Ville de Bruxelles, sur la Grand-Place. Infos : www.mannekenpis.brussels.
AFP/VNA/CVN