Des employés travaillent dans un atelier de la maison Causse à Millau dans le Centre de la France. Photo : AFP/VNA/CVN |
Gants longs pour les élégantes, mitaines pour les sportifs, en agneau pour la souplesse, en peau de python ou d’iguane pour l’exotisme, en cuir parfumé ou couvert de plumes de coq pour les collectionneurs... le gant revient en force comme accessoire dans les grandes maisons. «Notre démarche est de réaliser des gants qui ont la dimension d’un bijou de main», revendique Manuel Rubio, directeur général de la maison Causse, qui vient d’être rachetée par Chanel. Il s’agit «d’habiller la main, de donner du style à la personne qui va les porter», glisse-t-il devant les nouveaux modèles de la manufacture, ouverte en 1892 alors que l’industrie du gant battait son plein dans la ville.
À cette époque-là, 80 entreprises de mégisserie et 20 de ganterie y faisaient travailler près de 7.000 personnes, pour plus de quatre millions de paires produites, rappelle le conservateur du Musée de Millau et des Grands Causses, François Leyge. Millau bénéficiait d’une matière première essentielle : les peaux des millions d’agneaux des brebis élevées pour leur lait sur le plateau du Larzac, à proximité des grottes de Roquefort.
Les ganteries, installées dans la ville dès le XIIe siècle, ont prospéré avec les caprices d’une reine comme Marie-Antoinette, ou les extravagances d’une impératrice Joséphine, épouse de Napoléon, qui pouvait commander en une année jusqu’à 985 paires. À la Belle Epoque, les gens du monde ne sortaient pas sans leurs gants, mode qui a perduré jusqu’aux années 1960.
Mais dans les années 70, les codes vestimentaires ont changé, le jean privilégiant d’autres accessoires comme le foulard ou les bijoux, portant un coup aux manufactures de Millau. Le renchérissement du coût du travail dans une industrie très peu mécanisée a fait le reste.
Aujourd’hui, il ne reste que quatre mégisseries et autant de ganteries (310 emplois). La plus importante, Causse avec 42 employés, a emménagé dans un atelier-écrin réalisé par l’architecte Jean-Michel Wilmotte et produit chaque année 25.000 paires de gants conçus par la directrice artistique, Nadine Carel.
Des prix pouvant atteindre 3.000 euros la paire
Des mains métalliques utilisées pour la production des gants. Photo : AFP/VNA/CVN |
La maison Fabre s’enorgueillit, elle, de réaliser les gants que porte Nicole Kidman dans le film Grace de Monaco, comme elle fournissait ceux de Grace Kelly pour Christian Dior. Lavabre-Cadet, qui fut à une époque le «must» du gant et fabriquait les modèles dont le «gentleman cambrioleur» Arsène Lupin ne se séparait jamais pour ses méfaits, se maintient avec l’ancien mannequin Mary Beyer à sa tête. Enfin, l’Atelier du gantier assure une petite production classique et fantaisie.
Alors que la plus grande partie de l’industrie du textile a disparu de France au profit des usines des pays émergents, ces entreprises maintiennent vivant un savoir-faire séculaire qui aurait inexorablement disparu sans l’industrie du luxe : «Le très, très haut de gamme est la seule façon de conserver cette activité en France», reconnaît Manuel Rubio.
Pourtant, le patron du premier groupe de luxe mondial, LVMH, Bernard Arnault (Louis Vuitton, Christian Diro...), première fortune française, est soupçonné d’envisager de quitter la France pour échapper aux hausses d’impôts décidées par le gouvernement socialiste. Cette clientèle du luxe est exigeante et demande des productions qui ne dépassent pas une centaine de paires. «Chaque maison a son univers, et il faut s’adapter à leurs codes», remarque Nadine Carel. Les collections sont parfois renouvelées plusieurs fois par an. Des contraintes impossibles à respecter par des producteurs industriels à l’étranger.
En relançant le gant sur les podiums à la fin des années 1990, la haute couture en a fait un accessoire indispensable. Le gantier Causse, qui produit sa propre marque aux côtés de celles des grandes maisons du luxe, insiste sur les «fantaisies» cousues sur le gant : fourrure, boucles, pièces métalliques... Des décorations parfois confiées à des artistes connus comme le graffeur André. Et pour des prix pouvant atteindre 3.000 euros la paire.
Des artistes comme Sharon Stone, Madonna, Kylie Milogue ont adopté la maison Causse. Ainsi que Karl Lagerfeld, et ses inévitables mitaines cloutées. «Désormais, on porte des gants pour le style, le look, l’esthétique... C’est un objet de mode pour se démarquer... Se protéger du froid passe après», relève Manuel Rubio.
AFP/VNA/CVN