L'Égypte réduit l'éclairage pour augmenter ses réserves de change

Pour faire face à la crise économique provoquée par le conflit en Ukraine, l'Égypte a trouvé une solution : réduire l'éclairage public pour libérer de l'énergie et exporter davantage de gaz, afin d'augmenter ses réserves de change.

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Photo prise le 13 janvier montrant une vue de la centrale électrique de gaz naturel de l'ouest du Caire.
Photo : AFP/VNA/CVN

La tension entre la Russie et l'Ukraine il y a six mois a eu un impact immédiat sur l'Égypte, le plus grand importateur de blé au monde, qui dépend de ces deux pays pour plus de 80% de ses céréales.

Le secteur du tourisme, vital pour l'Égypte, a également été touché par la crise, réduisant le flux de vacanciers dans un pays qui souffre encore de la révolution de 2011 et de la pandémie de COVID-19. Ces trois derniers mois, la croissance a plafonné à 3,2%, contre 7,7% il y a un an.

Pour compenser, le Premier ministre Mostafa al-Madbouly, a décidé de réduire l'éclairage public. Même la célèbre place Tahrir du Caire sera bientôt plongée dans le noir, a-t-il dit.

Cette mesure fait l'objet de critiques. "Les lampadaires restent allumés la journée alors que pour nous, les factures ne font qu'augmenter", se lamente un Cairote trentenaire qui préfère taire son nom.

Pénurie d'USD

Pour le gouvernement, l'objectif est de "réduire de 15% la quantité de gaz naturel envoyée dans les centrales électriques sur un an" pour les exporter contre des dollars (américians). Car si l'Égypte est devenue auto-suffisante en gaz en 2018, économisant chaque mois 220 millions d'USD d'importations, elle veut maintenant devenir un exportateur de poids.

Des billets égyptiens, anglais et américains.
Photo : AFP/VNA/CVN

Mais pour l'économiste Hani Genena, le problème vient d'ailleurs. "La valeur de la livre égyptienne est artificiellement élevée, cela force (l'État) à emprunter à l'étranger et fait courir le risque de se retrouver dans l'impasse au moment du remboursement", explique-t-il.

Déjà, prévient-il, "depuis une semaine, les banques ne peuvent plus fournir les importateurs en dollars (américains)". Car les réserves en devises ne sont plus que de 33,1 milliards d'USD aujourd'hui, contre 41 milliards en février.

Alors que Le Caire réclame pour la quatrième fois en six ans un prêt au FMI, il "faut accélérer les négociations", plaide M. Genena.

D'ici six semaines, l'Égypte "doit mener des réformes dures sur le court terme mais qui permettront de récupérer des dollars", affirme le spécialiste.

La première doit être d'"abaisser le taux de change à 25 livres pour un dollar d'ici fin 2024" contre 19,1 aujourd'hui, afin d'"éviter un déséquilibre extérieur", c'est-à-dire encore moins de devises, explique James Swanston, de Capital Economics.

En 2016 déjà, l'Égypte avait décroché un prêt de 12 milliards d'USD du FMI en échange d'une dévaluation brutale et de mesures d'austérité. Puis, en 2020, deux autres de 5,4 et 2,8 milliards d'USD.

Cette fois-ci, elle négocie pour obtenir encore plus, alors que deux tiers des 103 millions d'Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté ou sont en passe d'y plonger.

Fuite des investisseurs

Selon des médias locaux, c'est justement sur la dévaluation qu'achoppent les négociations avec le FMI. Citant des banquiers anonymes, ils assurent que c'est pour cela que le patron de la Banque centrale, Tareq Amer, a récemment démissionné.

Le lendemain, il était remplacé par Hassan Abdallah, un ancien haut cadre du parti de l'ancien président, Hosni Moubarak, renversé par la "révolution" de 2011.

Pour Capital Economics, la prolongation des discussions avec le FMI "est sûrement le signe que certains responsables préfèrent compter sur les riches monarchies du Golfe plutôt que d'appliquer les programmes du FMI".

Ces derniers mois, l'Arabie saoudite et le Qatar ont annoncé des milliards d'investissements en Égypte et Ryad a même déposé fin mars cinq milliards d'USD à la Banque centrale égyptienne. Mais cela n'a pas pu empêcher la fonte des réserves, juguler une inflation à 14,6% ou encore alléger une dette publique de 90% du PIB.

Car en face, "14,6 milliards d'investissements étrangers ont quitté l'Égypte au premier trimestre", rapporte la Banque centrale, à cause de l'"inquiétude des investisseurs après la tension en Ukraine".

En attendant l'argent du gaz, le gouvernement a déjà débloqué 312 millions de dollars pour aider les neuf millions de familles les plus pauvres pendant six mois.

Mahmoud al-Saïdi, commerçant ambulant au Caire, lui, n'a plus aucune économie, étranglé par le coût de la vie.

"Je rentre dans mon village dans le Sud tous les 40 ou 50 jours et je n'ai que 600 livres à offrir à ma famille", soit environ 30 euros, dit-il : "Qu'est-ce qu'ils peuvent faire avec ça ?".

AFP/VNA/CVN

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