Le village de métier tra ditionnel de maroquinerie de Phú Yên

À 50 km de Hanoi, le long de la nationale 1 et à proximité du pont de Gie se dressent de hautes maisons bourgeoises, avec à leur pied des ateliers et boutiques de produits en cuir. Il s’agit du village de métier traditionnel de maroquinerie de Phú Yên, district de Phú Xuyên, à Hanoi.

Nguyên Thoi Trung, le «père fondateur» de la maroquinerie de Phu Yên.

Selon les recherches historiques, le «précurseur» de la maroquinerie vietnamienne est le Docteur Nguyên Thoi Trung, originaire de la province de Hai Duong, lequel a vécu durant la dynastie des Mac (1562-1592). C’est lors de son voyage en Chine qu’il apprend à fabriquer des chaussures en cuir. À son retour, il transmet les techniques de maroquinerie aux Vietnamiens. Les maroquiniers honorent Nguyên Thoi Trung comme leur «père fondateur».

Au village de Phú Yên (en incluant les hameaux de Gie Thuong et de Gie Ha), les choses sont quelque peu différentes puisqu’ici, ce titre revient à Nguyên Luong Nghé, du hameau Gie Ha, lui qui a été le premier maroquinier de la région il y a de cela plus d’un siècle.

Ses revenus étant insuffisants pour vivre, Nguyên Luong Nghé doit se résoudre à quitter le village en compagnie de son neveu Nguyên Luong Mac pour travailler à Quang Yên, Hòn Gai (aujourd’hui province de Quang Ninh). Ils y ouvrent une boutique de chaussures. Un franc succès. Puis, pour une raison qui demeure inconnue à ce jour, leurs chemins se séparent. Nghé part exercer ses activités à Saigon, tandis que son neveu Mac tente l’aventure à Hai Phong pour y ouvrir son propre magasin. Mac croyait fermement que ce métier pouvait aider ses proches, voisins et compatriotes à avoir une vie meilleure. Raison pour laquelle il leur a transmis tout son savoir. Dès lors, on comprend mieux pourquoi il est également considéré comme l’un des fondateurs du village de Phú Yên. Mais quand la Résistance face au régime colonial français s’engage, la communauté des maroquiniers de Phú Yên, alors unie, se disperse...

Une histoire faite de hauts et de bas

En 1954, le Vietnam est indépendant. Une partie des maroquiniers originaires des deux hameaux Gie se retrouve pour travailler dans des entreprises publiques à Hanoi. Le reste retourne au village de Phu Yên pour travailler dans des sortes de coopératives locales qui s’occupent de la sous-traitance pour le compte d’entreprises de maroquinerie de la capitale et de Hai Phòng. En 1989, après l’effondrement du bloc soviétique, les pays d’Europe de l’Est se retrouvent dans une situation économique désastreuse qui affecte de plein fouet l’exportation des chaussures du Vietnam. Phú Yên semble alors condamné... jusqu’en 1992, qui marque la résurrection des ateliers, grâce au boom économique du pays. La maroquinerie artisanale s’étend désormais jusqu’à atteindre les villages alentour.

 

Quelquels-unes des boutiques de produits en cuir de Phú Yên.

Nguyên Luong Duc, président de l’Association de maroquinerie de Phú Yên : «Actuellement, le village de Phú Yên compte de près de 200 unités, 14 distributeurs de matières premières, qui embauchent quelque 2.000 employés. Il produit chaque année de 6 à 7 millions de paires de chaussures, pour un chiffre d’affaires de 50-60 milliards de dôngs, dépassant celui généré par la riziculture. Inutile de préciser qu’il s’agit d’une importante source de revenus tant pour la population que pour le budget local».

En 2002, Phú Yên est reconnu en qualité de village de métier traditionnel et touristique de Hanoi. Sa principale fierté repose sur le fait de disposer de nombreux artisans au savoir-faire irremplaçable, à l’instar de Tran Huu Tieu, septuagénaire accompli et surnommé l’«artisan aux mains d’or» de Hanoi. L’on pense également à la famille Lê Van, du hameau Gie Ha, qui transmet le flambeau de ce métier depuis maintenant cinq générations. Et la flamme n’est pas prête de s’éteindre, puisque l’un des successeurs, Lê Van Hai, a remporté la médaille d’argent du concours de design d’Asie-Pacifique 2009 dans la catégorie chaussures.

Un développement inscrit dans la durée

Cette chaussure gigantesque fabriquée par des maroquiniers de Phú Yên a été homologuée «Record de Vietnam» par le livre Guinness.

En parallèle au développement du pays, le village de métier traditionnel de Phú Yên poursuit sa mue. Les maroquineries et boutiques où sont en vente chaussures et autres articles en cuir sont concentrées de part et d’autre d’une avenue d’un kilomètre de long. Une véritable rue du commerce qui ne désemplit pas, en particulier lors des fêtes, où la production éprouve toutes les peines du monde à suivre la demande.

Les produits de Phú Yên sont aujourd’hui présents dans de nombreuses localités, quelques grandes entreprises étant même en train de tenter d’établir des contrats de coopération avec les producteurs locaux.

Selon Nguyên Duc Luong, depuis que Phú Yên s’est vu décerner le titre de village de métier traditionnel, la production augmente de 20% à 30% par an. Mieux encore, la crise des années 2009-2010 n’a en rien affecté les carnets de commandes, toujours aussi remplis. «Nous avons également élaboré une stratégie de développement à long terme, en trois points», souligne-t-il (voir encadré).

Une stratégie qui devrait faire du village de métier traditionnel de maroquinerie de Phú Yên une destination touristique et commerciale plus attractive que jamais, auprès du grand public comme des hommes d’affaires.

 


Stratégie de développement de Phu Yên


Primo : construire la marque des produits du village, ainsi que les propres labels des producteurs. Les fabricants les soumettront au Département de la propriété intellectuelle pour protéger leurs droits.
Secundo : le village ne disposant pas encore d’établissements de traitement du cuir, avec pour conséquence de devoir importer régulièrement de Hô Chi Minh-Ville les matières premières indispensables à la production de chaussures, le village a soumis aux autorités compétentes un projet de construction d’usines de traitement du cuir équipées de stations d’épuration des eaux usées pour le respect de l’environnement.
Tertio : pour devenir un lieu non seulement de production mais aussi de vente des produits en cuir, les magasins du village diversifieront leurs gammes d’articles avec des porte-monnaie, ceintures, sacs… Sans oublier d’importer des produits d’autres régions et de l’étranger susceptibles d’intéresser le consommateur.
 

 

Quang Châu/CVN

 

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