Le plan de la France pour ne pas rater le train de l'hydrogène

Le gouvernement lance un plan de soutien à la filière hydrogène avec l'ambition de faire de la France un "leader mondial" de cette technologie encore émergente, mais présentant de nombreux atouts pour la transition énergétique.

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Nicolas Hulot lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale le 30 mai.

"L'hydrogène peut devenir une solution majeure pour notre mix énergétique de demain", défend le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, dans un document détaillant les mesures du gouvernement. Ce gaz, surtout utilisé aujourd'hui dans l'industrie, permet de stocker de l'électricité, notamment celle produite à partir d'énergies renouvelables, et peut aussi servir de carburant dans les véhicules électriques équipés de piles à combustibles.

Le plan sera présenté vendredi 1er juin par le ministre aux représentants de la filière française. Doté d'un financement (piloté par l'Ademe, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) de 100 millions d'euros pour accompagner les premiers déploiements, il met la priorité sur la production d'hydrogène "vert", la mobilité et le stockage d'énergie dans les zones isolées (outremer notamment), là où des avancées sont possibles plus rapidement.

Un objectif est d'atteindre 5.000 véhicules en circulation d'ici 2023, contre un peu plus de 250 actuellement, et d'installer 100 stations de recharge contre une vingtaine aujourd'hui. Puis d'arriver jusqu'à 52.000 véhicules en 2028, surtout des utilitaires (taxis, engins de chantiers, etc.) et des véhicules lourds (bus, camions, etc.). Une mission parlementaire étudiera aussi les perspectives dans le parc ferroviaire, pour lequel Alstom a mis au point un train à hydrogène.

Hydrogène "vert"

Mais la "première brique" à développer, selon Nicolas Hulot, c'est de "verdir" la production de ce gaz. D'ici 2023, 10% de l'hydrogène utilisé en France devra être issu d'électricité de sources renouvelables (éolien, solaire, hydraulique), via la technique de l'électrolyse de l'eau. L'objectif est de monter entre 20% et 40% en 2028.

Un des "véhicules propres" participant au Rallye Challenge Bibendum organisé par Michelin au centre d'essais et de recherche automobile de Mortefontaine dans l'Oise.

Aujourd'hui, 95% des 900.000 tonnes annuelles d'hydrogène consommées par l'industrie sont issus des énergies fossiles, causant 7,5% des émissions de CO2 du secteur. La moitié des financements prévus soutiendra donc la construction d'électrolyseurs près de petits sites industriels consommateurs d'hydrogène (verreries, chimie, etc.). L'idée est ensuite de développer autour des flottes de transports.

À plus long terme, l'hydrogène pourrait être injecté dans le réseau de gaz naturel, mais le plan ne fixe pas d'objectif. Des expérimentations sont en cours pour évaluer la faisabilité technique sans endommager les réseaux et les équipements alimentés. En parallèle, le gouvernement va avancer sur l'élaboration des normes sur ces différents usages et mettre en place en 2020 la traçabilité de l'hydrogène "vert" pour le valoriser par rapport à celui d'origine fossile.

Course mondiale

Le gouvernement veut surtout éviter les erreurs commises par le passé sur d'autres filières innovantes dans les énergies renouvelables (éolien notamment) où peu d'industriels français ont tiré leur épingle du jeu.

Une station service propose de l'hydrogène à Berlin.
Photo: AFP/VNA/CVN

"L'enjeu pour la France est de synchroniser les déploiements d'infrastructures" en impliquant tous les acteurs, explique Charlotte de Lorgeril, associée au cabinet Sia Partners. La France peut déjà compter sur des acteurs comme Air Liquide, numéro 2 mondial de la production d'hydrogène, ou Engie qui a créé cette année une division dédiée. Le groupe mène par exemple avec d'autres partenaires deux projets pilote, à Dunkerque (Haut-de-France) et Fos-sur-Mer (PACA).

Une multitude d'entreprises (McPhy, Areva H2Gen, HDF, etc.) ont développé des technologies de fabrication de piles à combustible ou d'électrolyseurs. En aval, des équipementiers automobiles, comme Faurecia ou Plastic Omnium, travaillent sur des réservoirs adaptés au nouveau carburant. "Il n'y a pas de misérabilisme à avoir. La France à des technologies au niveau et des acteurs d'ampleur", assure Florence Lambert, directrice du laboratoire du Commissariat à l'énergie atomique dédiée aux technologies des énergies renouvelables, qui a travaillé sur le plan.

Mais il ne faut plus attendre. L'Allemagne dispose déjà d'une centaine de stations et d'acteurs de poids (Linde, Daimler, etc.). En Asie, le Japon et la Chine ont des plans ambitieux. "Les Chinois ont décidé d'avoir des milliers de bus en circulation et préparent les chaînes de production en conséquence. Il ne faudrait pas se faire doubler, car les industriels iront là où le cadre est le meilleur", prévient Philippe Boucly, président de l'Afhypac, qui regroupe les acteurs de la filière en France.


AFP/VNA/CVN

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