COVID-19
Le parquet de Paris ouvre une vaste enquête sur la gestion de la crise

Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a annoncé l'ouverture mardi 9 juin d'une vaste enquête préliminaire sur la gestion critiquée de la crise du COVID-19 en France visant notamment les chefs d'"homicides involontaires" ou "mise en danger de la vie d'autrui".

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Le procureur de Paris, Rémy Heitz, à Lyon.
Photo : AFP/VNA/CVN

L'enquête est une première réponse judiciaire à une quarantaine de plaintes, plus ou moins circonstanciées reçues par le parquet de Paris pendant le confinement. Elles ont été déposées par des proches de victimes, des organisations professionnelles ou encore, dans une "démarche pétitionnaire", via des plaintes-types publiées sur le site internet https://plaintecovid.fr.

Ces plaintes contre X ciblent parfois nommément des responsables de l'administration, notamment le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, en première ligne médiatique lors de l'épidémie en France, ou encore Santé publique France. Sont également visés, entre autres, l'administration pénitentiaire et le ministère du Travail.

Cette "enquête-chapeau" regroupe les 13 procédures consacrées aux plaintes d'associations ou organisations syndicales et une quatorzième englobant 33 plaintes, pour leur grande majorité de particuliers, issues de https://plaintecovid.fr. Cette vaste enquête à portée nationale ne concerne pas la gestion de la crise dans les Ehpad, qui font l'objet à ce jour d'enquêtes locales, dont deux à Paris, mais également à Nanterre ou Grasse (Alpes-Maritime).

Ces nouvelles investigations portent sur les principaux griefs émis quant à la gestion de l'épidémie : les mesures de protection sur les lieux de travail, la mise à disposition de masques de protection et de tests. L'enquête du parquet de Paris, qui continue à recevoir de nouvelles plaintes, est ouverte pour "homicides involontaires", "blessures involontaires", "mise en danger de la vie d'autrui", "abstention volontaire de combattre un sinistre", "non-assistance à personne en péril".

Tests et masques

Deux personnes portent le masque contre le COVID-19, à Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

Alors que certains ont vilipendé l'imprévoyance supposée de l'exécutif actuel mais aussi de ses prédécesseurs face à cette crise, l'enquête ne cible pas le chef de l'État, irresponsable pénalement, ou les membres du gouvernement, dont l'éventuelle responsabilité pénale relève de la Cour de la justice de la République, saisie à ce jour de 80 plaintes.

"L'enquête pénale n'est pas là pour définir des responsabilités politiques ou administratives, mais pour mettre au jour d'éventuelles infractions pénales", a expliqué M. Heitz. "S'il y a des fautes pénales, ce seront très probablement - c'est une hypothèse - des fautes non intentionnelles. Or la loi fixe des conditions précises pour établir ces délits : elle exige la preuve d'une +faute qualifiée+ qui n'est pas une simple imprudence ou négligence", détaille le procureur.

Regrouper ces enquêtes va ainsi permettre, selon le procureur, d'établir un fonds documentaire commun sur l'état des connaissances scientifiques sur la maladie, les tests et les masques, etc. Car "pour ce type d'infractions, le code pénal dit bien qu'il faut apprécier les responsabilités" des décideurs "au regard des moyens et des connaissances dont ils disposaient au moment des décisions", souligne M. Heitz.

Le procureur de Paris anticipe un travail "considérable", dans une "situation historique" : "C'est la première fois que des plaintes sont déposées alors que la crise bat son plein", relève-t-il, alors que jusque-là "dans les grandes affaires de santé publique (sang contaminé, amiante…), la Justice est intervenue bien a posteriori". L'enquête est confiée à l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp).

"Nous sommes déterminés, cette enquête est attendue, mais il faut la mener avec précaution", assure le procureur alors que pendant le confinement des avocats de plaignants lui ont reproché de ne pas avoir immédiatement ouvert des enquêtes. D'ores et déjà, plusieurs voix se sont élevées pour réclamer la désignation d'un juge d'instruction indépendant pour mener les investigations.

"Sur une affaire qui met en cause le pouvoir politique, il est tout à fait anormal que ce soit le parquet, lui-même dépendant du pouvoir politique, qui mène une enquête, même préliminaire, car elle conditionne toute la suite", estime l'association Coronavictimes dans un communiqué. Même avis du côté du collectif Inter Urgences, qui appelle à "une instruction approfondie, menée par un juge indépendant et non par le parquet, pour être conforme à la hauteur des enjeux soulevés".


AFP/VNA/CVN

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